La saison des distributions

Les handisportives Noemi Alphonse et Anaïs Angeline ont reçu Rs 2,5 millions et Rs 1 million de l’État. Contrairement à ce que la parade préélectorale organisée pour la remise de ces chèques semblait véhiculer comme message, ce n’est pas des poches personnelles du Premier ministre ou du ministre des Sports qu’est sorti cet argent. C’est l’argent du contribuable utilisé à bon escient pour récompenser des sportifs méritants qui brillent sur la scène internationale grâce à leurs efforts personnels, leurs sacrifices et ceux de leur famille et leur persévérance. Pour ceux qui peuvent penser que c’en est trop, il faut juste se rappeler que ce ne sont que quelques mois de salaires d’un Premier ministre, d’un ministre et de certains nominés politiques comme le directeur de communication d’Air Mauritius.
Hasard du calendrier, puisque c’est au même moment que le ministre Yogida Sawmynaden, qui avait, alors ministre des Sports, orchestré une vraie cabale contre Noemi Alphonse en 2016, bénéficiait du doute dans l’affaire de l’emploi fictif de Simla Kistnen, la veuve de l’agent du MSM assassiné en 2020. La décision de la magistrate s’est basée sur l’incapacité de la poursuite à établir les accusations portées.
L’ex-ministre, qui fut également une des vedettes de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen, n’a été ni « blanchi » ni « acquitté », il s’en est simplement tiré en raison d’un dossier qui manquait des éléments de preuve suffisants pour le condamner. Son silence l’a aussi bien servi. Mais le doute dont il a, en quelque sorte, bénéficié, il subsiste, lui, vraiment dans une grande frange de la population qui voit dans cette affaire une justice à deux vitesses.
Depuis sa première comparution dans le cadre de la même affaire, qui fut une grande première dans les annales d’une convocation en cour, avec fermeture d’une artère importante de la capitale, un déploiement policier exceptionnel, une présence d’activistes socioculturels impressionnante et mêmes des snipers sur les toits des immeubles avoisinants, le dossier Sawmynaden a tout de l’inédit. Notamment la vitesse à laquelle le procès a été instruit, entendu et conclu.
Le Mauricien lambda a peine à croire que, pour un vol de litchis chez le commissaire de police, un individu est incarcéré le même jour pour six mois fermes et, que pour les « gro palto », il y a toujours une porte de sortie. Et que, dans le cas d’une employée, une Constituency Clerk, recrutée à son insu et dont la rémunération était versée à un tiers, son époux, on puisse s’en tirer ainsi à si bon compte ? Après ce verdict, le colistier de Pravind Jugnauth peut même aller se reposer dans sa résidence à Poitiers en France !
Des commentaires dépités ont, suite à ce jugement, fusé sur le profil de son avocat MSM, Raouf Gulbul, malmené dans la rapport Lam Shang Leen et sur ses liens avec la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul et sur la série de démissions mystère dans la magistrature. Il n’y a probablement pas de lien de cause à effet, mais la suspicion est grande au sein d’une population, déjà bien remontée contre les dérives de pratiquement toutes les institutions du pays.
En termes d’institutions, il est dommage qu’il n’y ait pas grand-chose de bien tangible et concret déjà en campagne électorale pour prévenir l’achat de vote et, qu’en période préélectorale, il n’y ait encore moins pour empêcher que l’on corrompe, par tous les moyens, l’électorat.
Après les « packs de Pâques » ostensiblement offerts à ses mandants par le propriétaire de villa à Dubaï, Ravi Ramano, lors de la dernière célébration de la fin du carême chrétien, on a eu droit tout récemment à une distribution de couettes par Alan Ganoo, toujours flanqué de son bras droit, le suspect dans une affaire de drogue Ravin (Vinay) Jany, ce dernier lui ouvrant la voie à son arrivée au centre Alex Vellin à Beau-Bassin, pas plus tard que vendredi dernier.
C’est normal que ceux qui ont témoigné de ces généreuses distributions se posent moult questions sur leur provenance. Est-ce que ce sont des dons d’entreprises, proviennent-ils d’une source inattaquable, d’un stock laissé par Franklin, le grand « mécène » de la côte ouest ? On a peine à croire que le ministre Ganoo, qui vient de découvrir qu’au Numéro 14 il va faire froid cet hiver, ait puisé de sa poche pour financer l’achat de ces couettes.
Mais l’heure du grand rendez-vous électoral approchant, la saison des distributions ne fait que commencer. Pour certains, c’était hier du matériel scolaire à leur effigie et, aujourd’hui, c’est encore des tickets de cinéma et, dans le budget à venir, ce sera carrément le bonanza. Au gouvernement, ils n’ont d’ailleurs pas trop le choix. Après les annonces du 1er mai de l’alliance de l’opposition, ils sont condamnés à essayer de faire plus après des années de galère qu’ils ont infligées aux plus pauvres et même au Mauricien moyen.
Le ministre des Finances est dans son rôle lorsqu’il présente la situation économique comme étant idyllique sans jamais expliquer les conséquences de la politique de la dépréciation constante de la roupie. Le contraire aurait été un autocertificat d’incompétence. On n’est pas obligé de le croire, d’autant que le Premier ministre parlait de « pwalon so » en juillet 2023.
Le diagnostic du FMI est lui-même à prendre avec des pincettes lorsqu’on sait, comme nous l’évoquions dans le Week-End du 21 janvier 2024, qu’il y a eu des pressions exercées pour obtenir des profils plus indulgents pour scruter la performance du pays.
Oui, le 7 juin sera le rendez-vous des cadeaux, de la révision de tout ce qui a été imposé comme fardeau à la population depuis 2014. Et pendant qu’il y est, Renganaden Padayachy peut tout aussi bien annoncer un 14e mois pour tous. Cela faciliterait l’embrigadement du PMSD. Qu’importe que la proposition d’un 14e mois de l’ancien leader de l’opposition, faite en novembre 2023, ait été sèchement rejetée comme démagogique et venant de quelqu’un « ki ena mari toupe »…

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JOSIE LEBRASSE

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