Ainsi l’affirmait Ivan Collendavelloo dans sa plaidoirie au Parlement, l’affaire de la centrale de St Louis, le St Louis Gate, date de 2014. C’est cette année que le CEB a été obligé d’annuler l’exercice d’appel d’offres pour l’installation de turbines à la centrale St Louis. Un appel d’offres qui avait déjà été attribué à une firme danoise. Selon le ministre de l’Energie, l’affaire St Louis est un scandale… travailliste ! Admettons. Mais comment expliquer que l’alliance MSM/ML/PMSD, sortie vainqueur des élections de 2014, et grand dénonciateur des scandales du précédent régime — rappelez-vous la BAI ! — n’a pas étalé cette affaire de corruption sur la place publique ? Au contraire, le nouveau gouvernement et son ministre de l’Energie n’en parlent pas et le CEB relance les appels d’offres qui sont remportés par… la même firme danoise, avec un certificat d’urgence qui empêche ses concurrentes de protester. Un certificat attribué par une institution gouvernementale où siégeait une proche du ministre. Avec le recul, on pourrait dire qu’au lieu de dénoncer cette affaire de corruption, le nouveau gouvernement s’est contenté de copier ce que son prédécesseur avait fait. La seule différence — de très grande taille —, c’est que d’une année à l’autre le contrat avait été augmenté de quelques centaines de millions. 700 pour être plus précis. Mais, laisse entendre le vice-Premier ministre, ce n’est pas sur l’appel d’offres de 2015 que la BAD a fait un rapport, mais sur celui de 2014. Question : pourquoi est-ce que la BAD aurait ouvert une enquête sur une affaire de corruption qui n’a pas abouti, puisque l’appel d’offres de 2014 avait été annulé ?
D’autres questions se posent à propos de l’enquête sur le contrat du St Louis Gate, dont la BAD annonce l’ouverture dans une lettre à la direction du CEB en février 2019. Cette lettre, qui révèle que « members of the Mauritian administration and others » sont impliqués, est envoyée au CEB en février de l’année dernière. Mais ni son directeur ni les hauts fonctionnaires qui siègent à son conseil d’administration, dont des représentants de ministres, ne jugent bon d’informer le ministre de Tutelle, le Premier ministre ou l’ICAC de cette allégation de corruption ! Il aura fallu que la firme danoise impliquée dans la corruption publie un communiqué sur cette affaire, en juin 2020, pour que le ministre deTutelle et, subséquemment, le Premier ministre et ministre de l’Intérieur, en soient finalement informés ! Il aura fallu que l’opposition et la presse fassent pression pour qu’enfin le conseil d’administration du CEB et son directeur, qui font tout sauf faire remonter les informations portant atteinte à l’image du pays, soient révoqués. Une révocation technique presque sans importance, selon le ministre de Tutelle dans sa plaidoirie. Il s’agit pourtant d’un scandale international, même si, selon le Premier ministre, il n’est pas assez grave pour la nomination d’une commission d’enquête parlementaire. Il préfère référer l’enquête à l’ICAC. Ce qui pourrait faire penser, disent certains, à une célèbre phrase très imagée de feu le cardinal Margéot : mette lisien veille saucisse !
Cette enquête de l’ICAC commence plutôt mal, puisque la BAD refuse de lui donner une copie de son rapport, après avoir refusé d’envoyer un exemplaire au gouvernement mauricien. Ce refus d’une institution internationale de donner copie d’un rapport sur une affaire de corruption le concernant à un gouvernement et à son institution nationale anti-corruption, présageait déjà que Maurice allait être inscrite sur la liste financière noire de l’Union européenne. Cela a été officiellement fait hier par l’Union européenne, dont les experts ont dû suivre avec attention comment le gouvernement mauricien a géré cette affaire de corruption. Il l’a fait principalement en essayant, à travers son vice-Premier ministre, de la rejeter sur le gouvernement travailliste, selon utilisation de la technique politique orange éprouvée du « pas moi ça, li ça ».
On l’aura compris, en dépit des bruyants « tap la tab » des parlementaires de la majorité, la plaidoirie du vive-Premier ministre n’a pas convaincu. Elle a provoqué plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses sur le St Louis gate. Et ce n’est pas le fait que l’ICAC a décidé de rouvrir son enquête sur les allégations faites en 2014 (!) qui va permettre de faire la lumière sur ce « gate ». Que beaucoup semblent vouloir refermer le plus vite possible en essayant de faire croire que, comme l’écrivait Shakespeare, cette affaire est « much ado about nothing » !
Jean-Claude Antoine
PS : Excités de manifester contre le discours/plaidoirie d’Ivan Collendavelloo, l’opposition parlementaire réunie s’est fait piéger par le gouvernement par le Speaker. Alors que l’opposition se félicitait d’avoir fait le buzz avec masques et pancartes, le gouvernement expédiait en quelques minutes le Commite of Supplies, exercice qui permet de décortiquer le budget dépense par dépense ! Comment des parlementaires chevronnés ont pu se faire manipuler aussi facilement ? On a le gouvernement et l’opposition que l’on mérite !