Sous la contrainte d’une opinion unanimement réprobatrice, le Premier ministre sortant a dû reculer et libérer, de nouveau, l’accès aux réseaux sociaux, après l’annonce d’une censure qui a profondément choqué les Mauriciens.
Du simple utilisateur qui aime discuter, commenter et qui fait ses transactions en ligne, aux petits commerçants qui font du business sur la toile, en passant par les touristes habitués à partager les clichés de leurs vacances avec leurs amis et proches, pour finir avec un écho négatif considérable au plan international, il n’y avait pas quatre solutions possibles que celle, obligée, de rétablir l’accès aux réseaux sociaux.
Que de plumes supplémentaires perdues en moins de 48 heures dans une campagne déjà ratée sur toute la ligne. Après tous les rapports négatifs d’agences internationales dont celle, très récente, de Mo Ibrahim qui classe les Seychelles devant l’île Maurice, il fallait se sauver au plus vite la queue entre les jambes et opérer un retour à la case départ.
Quoi qu’il en dise, il est désormais franchement difficile d’accorder le moindre crédit aux paroles du leader du MSM tant il dit tout et son contraire. Visiblement dépassé par les événements en cette fin de campagne – qui n’est pas pour lui une promenade de santé – et ne pouvant plus compter que sur cette horreur qu’est la MBC pour essayer de limiter la casse, il multiplie les décisions qui se retournent contre lui et son Lalians Lepep.
Il critique des députés de l’opposition qui n’ont jamais représenté des trafiquants de drogue devant les tribunaux, mais il accorde une investiture à Alexandre Leblanc, celui qui a tout récemment défendu Franklin pour essayer de faire annuler l’ordre d’extradition prononcé à son encontre. Il n’est pas présumé innocent ou en cours de jugement. Il est un condamné pour trafic de stupéfiant.
Pire, c’est en compagnie de l’avocat de quelqu’un qui purge en ce moment même une peine d’emprisonnement à l’île de La Réunion pour trafic de drogue que deux des filles du leader du MSM font du porte-à-porte à Vacoas/Floréal. Comme casseur de reins auto-proclamé de barons de la mafia, c’est quand même assez paradoxal.
Comment empêcher l’opinion de ne pas soupçonner qu’il y a vraiment un étrange lien entre des personnes bien connectées et celui qui a longtemps bénéficié d’une bien suspecte indulgence de la part des autorités, alors qu’il avait déjà été condamné depuis 2021 chez nos voisins et qui a, en plus, bénéficié d’un siège en classe affaire pour y aller finalement purger sa peine.
Mais le PM sortant n’est pas à une contradiction près. Après la censure révoltante des réseaux sociaux, une décision qui traduit un sentiment de panique et qui nous place, malheureusement, dans la très peu envieuse compagnie des pires dictatures de la planète, il y a la teneur des enregistrements audio des Moustass Leaks.
Plus question d’intelligence artificielle, désormais, c’est bien sa voix qui est entendue sur les enregistrements, reconnaît-il, mais pour la teneur des propos, faut voir. Non, c’est sa voix et ce sont bien ses propos reconnaissables entre mille. Et qu’entendons-nous ? La confirmation que la clique mafieuse qui empoisonne la société depuis bien trop longtemps s’empare de tout pour traquer, manipuler, orienter, cibler, “installer” tous ceux qui ne marchent pas à leurs ordres et qui contestent leur manière d’opérer.
On entend Pravind Jugnauth lui-même échanger, avec un suiveur répétant à l’infini “yes sir” récompensé d’ailleurs tantôt par un poste de conseiller et, tantôt, par un contrat aux Casernes, des avocats à la solde du MSM et même avec un magistrat sur des dossiers comme l’enquête sur l’assassinat de Soopramanien Kistnen. C’est comme ça que l’État fonctionne. Où avons-nous atterri ? En Corée du Nord ?
Et que dire d’une épouse de Premier ministre qui se mêle de ce qui se passe à la Baie du Jacotet, là où sont installés les équipements ultra-sensibles touchant aux câbles de connexion internet et qui se préoccupe des déplacements du technicien en chef affecté à ce site ?
Qui peut imaginer Veena Ramgoolam intervenant dans des situations relevant strictement de la gestion interne des affaires d’un gouvernement jusqu’à s’enquérir des structures mises en place par le bailleur de fonds du MSM, le PTP de Lee Shim au Champ de Mars ?
Ce dossier hippique révélé a aussi eu le mérite de montrer Pravind Jugnauth sous son vrai visage et dans toute sa vulgarité, au point de terroriser littéralement son ministre des Finances, Renganaden Padayachy. Il émule ainsi le très fin commissaire de police et ses acolytes qui sont incapables d’aligner deux phrases sans proférer les pires jurons. Qui se ressemble s’assemble, n’est-ce pas !?
Tout aussi glaçant le rôle de cette cohorte d’avocats à la solde du MSM, dont Désiré Basset, Sharmila Sona-Ori, Ravi Yerrigadoo, Raouf Gulbul, qui cite même son “madame” dans une conversation, Ravi Rutnah, Samad Goolamally et Ashley Hurunghee, de ces nominés politiques comme Zouberrr Joomaye, Dev Beekarry, Dick Ng Sui Ha et Vikram Jootun et ces conseillers rétribués des fonds publics qui, en plein “demi-carême”, s’ingèrent dans pratiquement tout, le but étant de faire taire et de couvrir les excès et les entorses mafieuses du régime.
Pour justifier la censure des réseaux sociaux, le PM sortant a évoqué des actes de “cyber-terrorisme” parce que sa “ligne sécurisée” a été placée sur écoute. Bloquer les réseaux sociaux a rendu son téléphone plus sûr entre vendredi matin et samedi midi ?
Il ne faut pas dire n’importe quoi. Si sa ligne a été mise sur écoute, c’est que les techniciens concernés n’ont pas été à la hauteur des enjeux posés par les intrusions et la corruption de logiciels. Ce qui est certain dans toute cette affaire de fuites de conversations téléphoniques, c’est que la mafia n’a que trop régné.
Si ces pratiques sont indéniablement illégales et que les écoutes doivent être strictement encadrées, elles ont eu au moins, ici, le mérite de provoquer une enquête judiciaire sur la mort de Steve Juliette et de démasquer la mafia. C’est déjà ça !
JOSIE LEBRASSE
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