— Hey toi là, tu as vu cette affaire-là ?
— Quelle affaire encore ? Celle du ministre amateur de cerf et de biches ?
— Je savais qu’il y avait une histoire de cerf, mais je ne savais pas qu’il y avait aussi une biche dans cette affaire-là, moi.
— Il paraît qu’il y avait une biche, qui était avec le ministre le soir de la Black Label Stag Party dans la chasse où les bribes ont été donnés.
— Comment tu sais tout ça toi ?
— Tout est sur les réseaux sociaux toi. Il suffit de chercher sur le web.
— C’est de ça même que je voulais te parler. Je sais que tu passes beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, tu dois faire bien attention !
— Ayo, ne me dis pas que comme ma maman tu penses que si on regarde trop l’écran de ton PC, on peut avoir la cataracte !
— Elle ne doit pas avoir tort, à force de fixer l’écran tu vas finir par abîmer tes yeux. Mais c’est pas de ça que je voulais te parler.
— De quoi tu veux me parler alors ?
— Du fait que des gens peuvent utiliser les réseaux sociaux pour faire du chantage avec toi.
— Je ne comprends rien à ce que tu es en train de raconter en parabole. Comme dit mon bonhomme : vinn kare-kare do !
— Tu n’es pas au courant de cette histoire d’escroquerie sur le programme Telegram ?
— C’est pas un programme, c’est application qu’on dit.
— Moi je ne connais rien dans ces affaires-là. Laisse-moi te dire qu’un quelqu’un a été victime d’extorsion et a dû payer je ne sais combien de milliers de roupies.
— Non, je n’étais pas au courant. Raconte-moi un coup cette affaire-là.
— D’après ce que j’ai compris, un jeune homme venait d’ouvrir un compte Telegram et avait fait la connaissance d’une jolie femme avec qui il a commencé à correspondre.
— Ça commence toujours comme ça…
—… après avoir échangé des messages, ils ont commencé à échanger des photos…
—… ça continue toujours comme ça…
—… des photos de plus en plus intimes…
—… tu veux dire dénudées ou chacun tire un peu plus son linge pour se retrouver tout nu et en train de prendre des poses !
— Tu étais au courant de cette affaire alors. Pourquoi tu m’as dit le contraire ?
— Je n’étais pas au courant pour cette affaire-là, mais il y a eu d’autres cas avant. Ça arrive plus souvent que tu ne le crois.
— Quoi, que des hommes et des femmes se mettent nus avant de tirer leur photo pour envoyer à leur correspondant ?
— Mais c’est devenu une affaire normale toi. Beaucoup de gens font ça maintenant.
— C’est pas possible, toi !
— Mais enfin ! Tu es restée à l’époque où pour faire son galant à une fille, le garçon lui envoyait des lettres…
—… sur un papier spécial avec des fleurs, des papillons et de petits oiseaux, tu te rappelles ?
— Aujourd’hui, ma chère, le garçon envoie une photo de son zozo et la fille des photos de son… tu sais quoi sur le net ! Sous tous les angles avec des poses tout ça, qu’est-ce que je vais te dire ! Et crois-moi, ils ne sont ni des Brad Pitt ni des Angelina Jolie, loin de là !
— On est arrivés ce point-là à Maurice ?! Mais pourquoi est-ce que les gens font ça ? Pourquoi ils font des photos de leur… affaire ?
— Tu sais, on croit toujours qu’on est meilleur que les autres dans tous les domaines. Je crois qu’ils font ça pour montrer qu’ils sont des experts en tout. Même quand il s’agit de faire un gâté !
— Notre jeunesse est finie toi.
— Mais il n’y a pas que les jeunes. Tu ne te rappelles pas de l’affaire des photos de l’avocat et de sa pièce en train de se faire un gâté que la police a postée sur les réseaux sociaux ?
— C’est vrai ça. J’avais oublié cette affaire-là. Tu vois que j’ai raison, il faut faire attention sur le web.
— Mais je fais attention, qu’est-ce que tu crois. Tu n’as pas fini ton histoire, qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?
— Quelques jours après avoir envoyé des photos de lui sans chemise et sans pantalon et reçu des photos style Playboy de sa correspondante, le jeune homme a reçu un coup de téléphone.
— De kisannla ?
— D’un homme qui lui disait qu’il était le boyfriend de la supposée correspondante et qui a menacé de rendre publiques les photos que le jeune homme avait envoyées.
— C’est classique. Et après ?
— Le supposé boyfriend a dit au jeune homme de le payer pour qu’il ne mette pas ses photos de lui nu sur internet.
— Et le jeune home qui avait honte de se retrouver comme Adam et Ève sur les réseaux sociaux a payé…
— Exactement. Il a payé une fois, deux fois, trois fois plus d’une dizaine de milliers de roupies. Puis, quand le boyfriend a voulu encore de l’argent pour soi-disant effacer les photos, le jeune homme s’est rendu compte qu’il était entré dans un piège sans fin.
— Qu’est-ce qu’il a fait alors ?
— Il est allé donner une déclaration à la police en donnant les adresses mail et les numéros de téléphone de sa supposée correspondance et son supposé boyfriend. Tu vois qu’il faut faire attention.
— Écoute, tant que tu ne cherches pas la grattelle…
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Tant que tu n’envoies pas des photos de toi sans rien sur le corps et tant que tu ne demandes pas à tes correspondants de t’envoyer des photos sans chemise et sans pantalon, personne ne peut te faire chanter !
J.-C.A.