La folle course

C’est une folle course dans laquelle s’est engagé le Premier ministre. Comme il est le seul, avec probablement quelques initiés de son premier cercle, à connaître la date des prochaines élections générales, il s’est engagé dans un sprint effréné pour essayer de ratisser le plus large possible. C’est le signe évident que le bilan qu’il revendique ne sera pas suffisant pour faire mieux que les 37% obtenus lors de la triangulaire de 2019. S’il était certain qu’il remporterait la mise dans ce qui s’annonce, cette fois, un duel, il afficherait une sérénité.

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Après l’installation d’Adrien Duval au poste de Speaker, celui qui, décidément, est parti pour briser tous les records, trois voyages pour cinq séances présidées, nos évoquions ici-même « un MSM qui semble, à la veille d’une échéance électorale, aussi désespéré qu’en mode panique, pour être prêt à toutes les courbettes, les reniements et les dénégations… » Tout ce qu’entreprend ces jours-ci le leader du MSM ne fait que confirmer cela. Il court, il court tel un cheval fou, parce que le temps presse et qu’il est urgent d’essayer de faire plaisir à tous, quitte à frustrer plutôt que conforter et rassurer.

Le réalignement salarial tant attendu a été tellement mal ficelé qu’il a fallu plus d’une communication publique du ministre du Travail pour expliquer, corriger et même menacer. La première mouture avec les 5% intérimaires destinée aux fonctionnaires, annoncée la veille d’un rassemblement de l’opposition, n’a pas marché. Comme celle-ci a promis de mieux cajoler les fonctionnaires, le voilà qui annonce quelques promesses cette fois pour 2025.

Dans cette grande cavalcade, les institutions sont massacrées au passage parce que, pour ce régime, seul le résultat importe. C’est comme ça que le Premier ministre s’improvise directeur du Pay Research Bureau, pour annoncer des cadeaux aux fonctionnaires, le temps de l’inauguration d’un nouvel hôpital à Flacq, même si la promesse de services adéquats est loin d’être tenue et que le rodage s’annonce plus problématique que prévu pour les patients. Mais il fallait inaugurer. À tout prix. Pour le reste, on bricole comme on peut…
Avec le PRB, c’est aussi la PSC et la DFSC qui sont court-circuitées. Des promotions sont distribuées par milliers à des officiers de police à la veille d’une consultation populaire. Dans cet exercice, l’on ne sait pas si c’est le mérite qui a prévalu, si c’est l’ancienneté qui a été retenue comme critère de la promotion ou si c’est comme souvent des policiers au service des ministres ou les proches du MSM qui ont décroché le pactole.

Et comme à chaque sortie, son annonce, hier, lors de la cérémonie promotionnelle, Pravind Jugnauth a promis une compensation de Rs 3 millions aux familles d’agents de l’ordre qui meurent dans l’exercice de leurs fonctions. On ne sait pas combien d’agents se retrouveront dans de telles situations, mais les familles éprouvées devraient pousser un soupir de soulagement. Mais pourquoi pas les pompiers et les autres catégories de fonctionnaires et l’introduction d’une police d’assurance couvrant de telles situations imprévues ?

Dans le grand chambardement préélectoral en cours et la manœuvre grossière qui consiste à faire oublier dix longues années d’un règne sans partage très controversé, le régime est prêt à tout fracasser. Comme en témoigne l’épisode assez burlesque du passage du collier mairal dans deux municipalités. Les habitants des villes réclament, avec raison, des municipales qu’ils n’ont pas eues depuis 2015. Ils le veulent pour changer d’équipes. Parce que des gestionnaires médiocres se sont succédé depuis cette année sans que les agglomérations urbaines ne retrouvent leur lustre d’antan.

Et là, croyant pouvoir berner des citadins vraiment exaspérés de l’état de décrépitude avancée de leurs villes, ils ont décidé que les binômes qu’ils ont eux-mêmes installés en grande pompe en mai 2023 à Curepipe et à Beau Bassin/Rose-Hill devraient débarrasser le plancher. Pour les remplacer par qui ? Par ceux qui ont déjà fait la preuve de leur incompétence. À moins que ce ne soit une nouvelle et honteuse capitulation devant la basse-cour qui ne dispose pourtant que d’une poignée de conseillers. Qui sait, peut-être verrons-nous resurgir les fameuses écuries d’Augias de triste mémoire !
Dans le secteur hippique, la situation est encore plus rocambolesque. Le Premier ministre, avec ses complices, Steve Obeegadoo, le ministre des Terres et du Logement, celui qui a octroyé le Champ de Mars au bailleur de fonds du MSM, ont mis fin à une histoire bicentenaire. On passe sur les saisons « soy » et les interminables incidents qui ont émaillé les journées organisées par des amateurs, dont la présence de tapeurs pour intimider le public. Peut-on oublier cet épisode, celui des clous, piquets, pièges et autres vis retrouvés, in extremis, sur la piste à la veille du Maiden en 2022, lorsque le MTC était encore l’organisateur des courses.

On ne sait toujours pas où en est l’enquête policière sur cet acte délibéré de sabotage, alors que cela aurait pu représenter un danger mortel tant pour les jockeys et les chevaux. Mais après avoir tué les courses, poussé des opérateurs historiques à l’abandon, voilà que le Premier ministre court après ce même MTC honni pour qu’il reprenne le Champ de Mars. Jusqu’où va-t-il aller dans la reculade et de l’autoflagellation ? On ne sait pas encore si le MTC est prêt à revenir et à faire revivre le bon vieux Champ de Mars, mais, ces jours-ci, c’est le calendrier lui-même qui est chamboulé à grandes foulées. La prévisibilité étant une condition essentielle d’une saison réussie, personne ne comprend ces changements brusques de dates de fin de saison.
Si tout ça ne marche pas, le Premier ministre pourrait venir avec le 14e mois et une nouvelle baisse du prix de l’essence. Et si ça ne passe toujours pas, il pourrait, pourquoi pas, piquer dans les 20 mesures annoncées par l’opposition le 1er mai.

JOSIE LEBRASSE

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