L’une des priorités de l’industrie touristique est de renforcer l’image de Maurice, afin de faire augmenter le nombre d’arrivées. Mais l’image de marque d’une destination, ce n’est pas seulement de belles affiches sur papier glacé. Elle réside aussi dans la qualité de l’accueil et des prestations offerts aux touristes qui ont franchi le pas, fait leur réservation et pris l’avion. Ceux qui ont débarqué cette semaine et pensaient accomplir rapidement les formalités, pour aller profiter de leurs vacances, ont dû déchanter. Déjà, à bord de l’avion, on leur avait appris que les fiches de débarquement n’étaient plus distribuées, mais que des facilités étaient offertes à l’aéroport. Les « facilités » consistaient en une petite table sur laquelle étaient posées des piles de fiches blanches, pour le débarquement, et jaunes, pour le contrôle sanitaire. Comme il n’existe pas de table ou de comptoir pour remplir ces fiches, on a vu plus de la moitié des passagers d’un gros porteur essayant de remplir les leurs. Certains en utilisant leur valise comme écriteau, d’autres écrivant directement sur le sol, sans que cela ne semble gêner les employés de l’aéroport se promenant avec un air inspiré avec leur walkie talkies. Les ressortissants mauriciens ont eu droit à une autre surprise désagréable. Après avoir lutté pour remplir la fameuse fiche de débarquement, ils ont vu et entendu le préposé à l’immigration la refuser, en disant « pas nécessaire rempli li senn lala ! » S’il n’est pas nécessaire de remplir cette fiche, pourquoi est-ce qu’on l’imprime – sans doute, à des milliers d’exemplaires – et qu’on en dispose des piles à l’aéroport?!
C’est une perte d’argent pour l’aéroport et de temps pour les passagers qui la remplissent. En parlant d’accueil, on a souvent dit, avec raison, que le premier contact visuel est important dans l’appréciation d’une destination. Est-ce que Ken Arian, le grand manitou de l’aéroport, ne pourrait pas organiser un cours pour apprendre au personnel de l’immigration à être poli et à sourire aux passagers dont ils vérifient les papiers d’identité ? Un sourire pourrait être un petit plus dans la construction de l’image de la destination.
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En dépit de son crash financier qui l’a obligé à vendre (à solder, disent certains) ses appareils et à se séparer (à se débarrasser, disent d’autres) d’une partie de son personnel, la direction d’Air Mauritius a gardé les mauvaises habitudes du passé. L’une d’entre elle consistait à ne pas discuter ou le moins possible avec les représentants des employés, les syndicalistes. Les directions précédentes préféraient dialoguer avec des syndicalistes accommodants – je n’utilise pas le qualificatif qui leur était donné. Souvent, dans le passé, la direction avait tenté de se débarrasser de syndicalistes encombrants en les licenciant, mais dans pas mal de cas, elle avait été par la suite condamne à payer des millions de dommages. Cette manière de faire que l’on croyait d’un temps révolu a encore cours, comme le démontre l’affaire Yogita Baboo. Cette syndicaliste a eu le tort, selon la direction d’Air Mauritius, de faire le travail pour lequel ses collègues l’ont élue : défendre leurs droits. Elle l’a fait, comme le font tous les syndicalistes du monde, en acceptant de participer à une émission de radio pour parler des problèmes de ses membres. Cela a suffi pour provoquer une poussée d’urticaire chez la direction d’Air Mauritius, la poussant à convoquer la syndicaliste devant un comité disciplinaire pour s’expliquer et se justifier. C’est devant l’assemblée générale de ses syndiqués qu’un syndicaliste doit s’expliquer, pas devant les représentants du patronat. La syndicaliste s’est rendue à la réunion, mais a refusé de se soumettre au comité qui était censé l’écouter – pour ne pas dire la menacer, la juger et probablement la licencier.
En ces temps où le chatwaisme est devenu une pratique courante, où la génuflexion devant les puissants du jour est une deuxième nature pour beaucoup, il faut saluer Yagita Baboo. Mère célibataire, privée de salaires depuis deux ans – comme 14 autres de ses collègues, qui ont refusé la vaccination anti covid – et qui, malgré tous ces handicaps, fait le travail pour lequel elle a été élue et déclare fièrement : Mo pas per personn ! Mo pas dwa personn ! ce qui est réconfortant dans un pays où on commence à avoir peur de tout. Il arrive, de plus en plus, que face à la léthargie – pour ne pas dire la lâcheté ou le refus de prendre position de certains –, on se dise que ce pays est fini. Mais heureusement qu’il y a encore des voix qui s’élèvent dans le silence complice des chatwas, pour résister, refuser de capituler devant la force et l’injustice. Merci de faire résonner la vôtre, Yogita Baboo !