On avait affirmé que le gouvernement était en campagne depuis la fin de l’année dernière et que ses multiples cadeaux-bribes électoraux ciblés allaient lui assurer une victoire facile aux élections. On avait assuré que pousser Xavier Duval à quitter le front de l’opposition était un coup de génie politique destiné à casser en petits morceaux l’alliance de l’opposition ou ce qui en restait. On avait prétendu qu’avec le PMSD dans les villes et le MSM dans les régions rurales, les possibilités de victoire électorale étaient plus que doublées. On avait aussi dit que les candidats de Pravind étaient top, qu’il allait renouveler ses candidats et faire honneur aux femmes en accordant un ticket féminin par circonscription. Mais voilà, comme les promesses électorales n’engagent que ceux qui veulent y croire, il y a une sacrée différence entre une stratégie et son application dans la réalité. Pravind Jugnauth vient de le découvrir à ses dépens. Les Mauriciens se sont habitués à recevoir des cadeaux-bribes électoraux et en redemandent. Mais les effets de ces cadeaux-bribes avec le feel-good factor se sont rapidement évaporés face aux augmentations du coût de la vie. Au lieu de démembrer l’alliance de l’opposition, la démission de Xavier Duval ne l’a pas que renforcée, le ND a rapidement remplacé les bleus et l’alliance avec Rezsistans ek Alternativ a été conclue. Le remplacement du Loudspeaker par Adrien Duval a surtout profité à ce dernier avec voyages et pension à vie, après seulement trois séances parlementaires. La mayonnaise bleu-orange ne prend pas et les candidats PMSD sont loin d’être accueillis à bras ouverts par les partisans du MSM. Ne parlons pas des orange, dont ils prennent les tickets.
Malgré les signes évidents que sa stratégie ne fonctionnait pas, Pravind Jugnauth a continué à l’appliquer. Lundi, il a animé une conférence de presse en présence de ses alliés et de quelques candidats, qui devait être le lancement de la campagne de son alliance. Dans l’après-midi, les trois candidats de Quatre-Bornes sont officiellement présentés. Le lendemain, l’un d’entre eux se retire : il s’était présenté comme docteur, alors qu’il n’est pas enregistré auprès du Medical Council ! Le lendemain, on devait découvrir que, contrairement à ce que l’on croit au Sun Trust, tous les partisans du MSM ne sont pas des soldats respectant et exécutant les décisions prises d’en haut. Ceux de la circonscription Numéro 6 l’ont démontré en interrompant une réunion, au cours de laquelle le président et le secrétaire général du parti devaient présenter les nouveaux candidats, dont un parfait inconnu : un cousin du Premier ministre. Les partisans ont fermé la réunion et exigé que l’ex-ministre de la Culture, qui avait été rayé de la liste, obtienne un ticket. À la surprise générale, cette exigence est acceptée dès le lendemain. Un autre ticket cause problème et fait plus que grincer des dents au MSM. Celui donné à Vikram Hurdoyal, qui avait été révoqué comme ministre par Pravind Jugnauth et qui, à la surprise générale, se retrouve sur la liste officielle des candidats orange. Pour célébrer sa nomination, M. Hurdoyal n’a rien trouvé de mieux que de dire qu’avec le MSM il venait de s’embarquer sur un plus gros bateau que le… Titanic. Mais il y a aussi ces déplacements de candidats d’une circonscription à l’autre qui autorise cette question: si un député ne mérite pas un ticket dans une circonscription où il a été élu aux dernières élections, donc qu’il a été mauvais, pourquoi l’envoyer dans une autre ? Pour les 20 candidates, c’est renvoyé aux prochaines élections.
En quelques jours seulement, Pravind Jugnauth est passé du statut du maître du jeu politique, donné grand vainqueur des prochaines élections, à celui d’un leader de parti en décrépitude et dont la stratégie est en train de voler en éclats. Face à cette situation, inédite pour un parti qui dirige le pays depuis 2014, les langues commencent à se délier dans les rangs du MSM. Tous les malheurs de ces derniers jours sont attribués aux membres de Lakwizinn et à leurs stratégies qu’on est obligé de corriger constamment. C’est ainsi qu’en quelques jours seulement, Pravind Jugnauth a changé trois fois de colistier, sans oublier que celle qui avait été élue en 2014 et 2018 a émigré vers le Numéro 7. Au train où vont les choses au MSM, il est possible que d’autres changements soient apportés à la liste des candidats, que ceux qui en avaient été exclus reviennent en force sous la pression de la base. Ce qui signifie que le leader du MSM, celui qu’on qualifiait de « enn tigit pli tipti ki bondie », ne contrôle plus grand-chose dans son parti. Et tout ça grâce aux stratégies de Lakwizinn. Cette pagaille généralisée, cette dégringolade, incite à se demander si le MSM, devenu une espèce de Titanic, n’est pas en train de commencer à couler ?