D’abord ce qui peut paraître anecdotique mais qui revêt, en fait, un caractère symbolique considérable : le rétablissement de la circulation à deux voix à Angus Road. Cette rue avait été décrétée à sens unique en septembre de l’année dernière sans aucune explication des autorités parce que ceux qui gouvernaient avaient décidé qu’ils n’avaient aucun compte à rendre aux usagers de la route.
Comme il n’y avait point d’explication, tout le monde avait compris que c’était parce que l’ancien Premier ministre y habitait. Que ce caprice de prince et, peut-être aussi, de princesse ait provoqué de gros bouchons dans le quartier a été le cadet des soucis de ceux qui avaient déjà créé d’énormes problèmes de circulation dans le centre de Vacoas avec l’avènement du tramway.
Aussi, grand fut le soulagement de tous les usagers de découvrir jeudi que la voie à double sens avait été rétablie. Cela a permis de réduire la pression sur Floréal Road, qui était devenue insupportable aux heures de pointe, surtout pour ceux qui se rendaient aux écoles du quartier.
Ce sont des mesures qui ne coûtent rien, mais qui améliorent grandement le quotidien des gens. Tout aussi bienvenu le retour rapide du Mauritius Turf Club au Champ de Mars pour arrêter le massacre que l’ancien gouvernement et son bailleur de fonds avaient commis vis-à-vis d’un patrimoine bicentenaire.
Au-delà des symboles, quand bien même significatifs, il y a le dur travail de reconstruction à accomplir. Maintenant que le conseil des ministres et la cohorte des Junior Ministers sont en place, il y a forcément des mécontents parmi ceux qui pensaient être parmi les « heureux élus ».
Ce n’est ni aux médias ni aux lobbies sectaires, et encore moins aux internautes de dresser leur liste de ministres comme l’avaient fait certains, avant les élections, en décidant qui devait être candidat ou pas. Ils n’ont aucun mandat pour une telle mission. Le temps viendra assez vite, où les uns et les autres seront jugés sur leur performance et leur comportement, et vérifier si la promesse d’exemplarité est respectée.
La tâche des nouveaux gestionnaires ne sera pas du tout aisée. Où qu’ils posent les pieds ils risquent de marcher sur des bombes. La première à éclater est Mare Chicose. Elle a été laissée en abandon avec ses risques pour la santé des populations avoisinantes, en toute connaissance de cause par l’ancien gouvernement et un Kavy Ramano plus notaire que ministre.
Mare Chicose, ou Mare Psychose comme on l’a un temps décrit, n’était pas une urgence pour le gouvernement MSM et ses laquais, plus préoccupés à jeter des milliards sur des ponts, autoponts qui ne font que déplacer le problème de circulation et autres projets de prestige qui rapportaient gros plutôt que de parer aux urgences absolues comme le centre d’enfouissement.
Dans le concert des réactions postélectorales, il y a eu un bal indécent qui s’est déroulé entre les karapat et les tang. Il y a ceux qui s’accrochent alors qu’ils étaient les nominés politiques du Sun Trust comme à Air Mauritius ou dans le port, où des disciples de Jocelyn Grégoire — qui se posaient comme son bouclier systématique sur la toile contre la moindre critique — qui veulent aujourd’hui faire croire qu’ils étaient des « indépendants ».
Les « tang », eux, sont de sortie avec une même indécence et avant même que le gouvernement n’ait été constitué. Il en est ainsi de ceux qui ont subitement découvert les réalités de l’économie mauricienne depuis le 12 novembre. Ils étaient commodément mutiques pendant que des voix autorisées dans l’opposition donnaient l’alerte sur la manipulation des indicateurs.
On n’avait d’ailleurs pas entendu ces « experts » lorsque Renganaden Padayachy affirmait, à la veille des élections, que le pays était en plein « boom économique ». Ils ont, comme des lâches, préféré se taire et, aujourd’hui, non seulement, ils osent dresser le vrai diagnostic bien après d’autres, mais ils s’autorisent même à dessiner une feuille de route pour le nouveau gouvernement.
Les tang se sont aussi soudainement réveillés à la Competition Commission. Ils ont choisi de rendre public leur rapport sur le port après les élections, alors que le document était prêt bien avant. Mais comme le directeur, Deshmuk Kowlessur, parti depuis, était le beau-frère du beau-frère de Pravind Jugnauth, le document était resté dans un tiroir.
Pour ne pas embarrasser ceux qui les avaient nommés, les membres de la Competition Commission ont divulgué le document après les élections. Que le port soit malade de sa politisation, de son incompétence ou de son manque de compétitivité n’est une découverte pour personne. Lorsqu’on sait qu’au dernier classement de la Banque mondiale en juin dernier le port de Maurice s’est classé 369e place sur 405, il n’y a strictement rien de nouveau sous le soleil pâli du MSM.
Dans la catégorie moins tang, mais plus champignons après la pluie : Transparency Mauritius et le conseil des religions. Transparency Mauritius s’est vite fendu d’un communiqué pour dire au gouvernement pas encore formé ce qu’il doit faire. On n’a aucun souvenir d’une telle promptitude de la part de cet organisme lorsque les rapports relevant de l’intérêt public restaient confidentiels ou lorsque des cas flagrants de corruption étaient dénoncés dans la presse.
Pour le conseil des religions, c’est pareil. Alors qu’un pays et sa population se sont réunis pour célébrer le changement et entonner en choeur le Motherland, avec un déploiement de quadricolores que l’on avait pas vu depuis très, très longtemps, ce conseil s’autorise des injonctions sur les « réformes » et l’unité nationale.
Sur ces deux thèmes, on n’avait pas beaucoup entendu ce conseil sous le précédent gouvernement. Tout ça avant même la première réunion du conseil des ministres. Contre-pouvoir, chiens de garde, instruments de veille et de contrôle, oui, mais il y a aussi un temps pour la modestie et la retenue. Les voix pourront amplement se faire entendre passé le temps de l’installation du nouveau gouvernement et de ses premières décisions. Alors, de grâce…
Josie Lebrasse