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Judex Rampaul : « Est-ce que les officiers de Fisheries ont respecté les procédures ? »

106 pêcheurs ont finalement décroché leur carte de pêche professionnelle durant la semaine, et ce, après huit jours de formation au Fisheries Training and Extension Centre (FITEC) sur la pêche hors lagon, et surtout après plusieurs années d’attente. Toutefois, sujet à polémiques, cet exercice d’octroi de permis a fait des vagues du côté des autorités. Judex Rampaul, porte-parole du Syndicat des pêcheurs, actuellement en mission au Sri Lanka, répond à nos questions.

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l Vous êtes en ce moment au Sri Lanka. Quelle est la raison de ce voyage ?
Je suis actuellement en mission au Sri Lanka pour tenter d’y récupérer un bateau de pêche, le Yéyé, resté coincé dans Boatyard Ceynor Fondation Limited depuis près de quatre ans. La société coopérative La Gaulette Blanche Offshore Cooperative Society et les autorités mauriciennes m’ont délégué pour faire les démarches. Cela fait quatre ans depuis que le bateau est là-bas, et on a rencontré beaucoup de difficultés à cause de la pandémie. Et d’ailleurs, l’acquisition de ce bateau s’inscrit dans la philosophie des pêcheurs mauriciens, qui est de délocaliser le système de la pêche et de nous tirer des lagons pour aller en haute mer. Maurice a une zone économique exclusive immense, et il est important aujourd’hui de développer cette économie bleue et que les pêcheurs locaux puissent en bénéficier.
Il faut arrêter de vendre nos mers aux étrangers et commencer à valoriser les pêcheurs mauriciens. Cette démarche de faire venir ce bateau, c’est aussi pour mettre l’accent sur la formation des pêcheurs et sur l’importance de les aider à avancer. Acheter un bateau de Rs 8 à 10 millions ce n’est pas facile, mais le gouvernement mauricien devrait pouvoir aider la communauté des pêcheurs, comme cela se fait au Sri Lanka ou aux Seychelles.
Si le gouvernement fait un pas, les pêcheurs aussi feront un pas. Par exemple, là, le gouvernement a donné un grant de Rs 4 millions et les pêcheurs de la coopérative ont pris un loan de Rs 3,5 millions, ce qui nous a permis d’acquérir ce bateau pour al ler pêcher sur les bancs de Nazareth, Saya de Malha, Saint Brandon, Albatros, et j’en passe. On a toute cette mer et on ne peut pas continuer à piétiner dans le lagon. Il est grand temps de délocaliser le système pour que les pêcheurs deviennent des entrepreneurs et pour qu’ils sortir de ce système d’assistés.

l Que pensez-vous des permis professionnels
octroyés aux pêcheurs ?
Cette question est sérieuse et il est important que l’on comprenne la situation dans laquelle les pêcheurs sont aujourd’hui. Nous luttons depuis plusieurs années pour l’ouverture d’une école de pêche, mais en vain, et le problème c’est qu’à ce jour, au ministère de tutelle, il n’y a pas de professionnels pour former les pêcheurs. Voyez-vous, pour pouvoir dispenser de telles formations, il vous faut une personne qui connaisse la mer comme un pêcheur et qui sait, par exemple, comment attacher un hameçon. Beaucoup de fonctionnaires qui travaillent au ministère de l’Économie bleue ne savent rien à la mer et manquent d’expérience, et c’est cela la faiblesse de notre système.
Le ministre Sudheer Maudhoo a dit qu’il fallait revoir les cartes de pêche et des cartes ont été remises à de nombreux pêcheurs qui se sont enregistrés il y a 10 voire 15 ans. Il faut rappeler qu’il y a 10 ans, il n’y avait pas d’école de pêche et de renouvellement de permis, et il est un fait que la population des pêcheurs vieillit ! C’est donc une bonne chose d’avoir enfin remis ces permis professionnels de pêche à ces personnes-là, car elles pêchaient illégalement depuis de nombreuses années. Là maintenant, les détenteurs pourront faire des démarches auprès des banques, par exemple, et avancer et progresser. Toutefois, les choses ne doivent pas s’arrêter là et le gouvernement devrait permettre aux nouveaux détenteurs de permis de se former à d’autres techniques de pêche et d’avoir accès à des études plus poussées.

l Quelles sont les procédures à suivre pour obtenir ce permis ?
Vous avez besoin de faire une application auprès des Fisheries pour faire une demande officielle.
Quand vous pêchez illégalement, votre premier travail, c’est d’aller dans votre poste de Fisheries de votre localité, et il faut donner vos coordonnées, deux photos, etc., vous aurez ensuite un formulaire à remplir ou que les officiers rempliront à votre place. Après cela, un garde de mer ou de pêche des Fisheries ira en mer pour vérifier si la personne est un pêcheur ou pas.
D’après nos lois, c’est l’essence même de leur métier. Mais la question est : est-ce que les Fisheries ont respecté les procédures pour aller à la rencontre des pêcheurs ? Est-ce qu’ils font leur travail comme il le faut ou alors choisissent-ils leurs personnes ? Ce sont les questions qu’il faut se poser, car le ministre, il n’est là que pour quatre ou cinq ans, mais les fonctionnaires et les officiers, eux, sont les mieux placés pour répondre à ces questions-là. D’ailleurs, je sais ce que je dis, car j’ai lutté pendant 25 à 30 ans, et les gardes-pêche font la pluie et le beau temps…

l Justement, certains pêcheurs se plaignent d’injustices et de favoritisme…
Je pense que les personnes qui disent cela sont peut-être celles qui n’ont pas obtenu leur carte professionnelle, mais cela je ne sais pas. Ce qui reste important dans tout cela — et j’insiste sur ce point-là —, c’est la position des gardes-pêche, car ce sont eux et personne d’autre qui savent qui sont ceux qui méritent d’obtenir leur carte ou pas.
C’est chagrinant ce qui se passe, mais on est dans un système dépassé qu’il faut changer. Politique ou pas, si l’on ne change pas le système et si l’on ne met pas des personnes expérimentées à la tête, ce problème d’injustice et de favoritisme sera récurrent. Si les gardes-pêche faisaient leur travail correctement, peut-être qu’il n’y aurait pas eu tout cela.

l En plus de la carte de pêche professionnelle, quelles sont vos autres
demandes ?
Nous avons quand même beaucoup avancé et il est important aujourd’hui de nous améliorer et d’améliorer les techniques de pêche. Il faut aussi donner l’occasion aux petits pêcheurs de former des sociétés coopératives et de se regrouper en des mouvements pour aller pêcher au-delà du lagon. Pour cela, le gouvernement doit leur donner des aides et des facilités, car ils n’ont pas les moyens.
Nous avons aussi besoin de fish markets pour plus d’hygiène avec des bateaux équipés de boîtes à glaçons et aussi des subsides sur l’essence et le diesel. Bref, le but c’est de donner les moyens aux pêcheurs de ramener plus de poissons pour la population, et ce, dans les meilleures conditions et à de meilleurs prix.

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