Jeudi de la semaine dernière, j’ai reçu un SMS de Loga Virahsawmy m’informant que son mari Dev, atteint d’un cancer, était en phase terminale et souhaitait me rencontrer. Je suis allé le voir le lendemain matin à son domicile et nous avons eu la longue conversation sur sa vie et son cheminement dont vous allez lire la transcription. Pour ceux qui l’ignoreraient, Dev Virahsawmy a été une personnalité politique des premières années de l’île Maurice indépendante. Un des fondateurs du MMM, il a été le candidat élu de ce parti aux élections partielles de 1970 dans le fief de sir Seewoosagur Ramgoolam. Prisonnier politique avec les autres dirigeants du MMM, il a ensuite quitté le MMM pour fonder son propre parti, le MMMSP. Après la cassure du MMM de 1983, il fut un des fondateurs de l’alliance MSM-PMSD-PTr qui remporta les élections générales, en séparant le pays en deux camps. Dev Virahsawmy fut conseiller de plusieurs ministres et changea de camp politique à plusieurs reprises. Mais il fut surtout l’un des promoteurs et défenseurs de la langue créole, le kreol morisien, dans tous les forums imaginables et en écrivant des pièces de théâtre, des poèmes et en composant des chansons, dont quelques-unes font aujourd’hui partie du patrimoine culturel et artistique mauricien. Ce sont tous ces sujets qui ont été abordés par Dev Virahsawmy lors de cette conversation à bâtons rompus dans laquelle il est passé d’un sujet à l’autre, en revenant plusieurs fois sur certains d’entre eux. C’est, en fait, un bilan personnel de sa vie passionnante et passionnée que nous propose l’auteur de Li dans cette conversation que j’ai choisi de titrer en kreol, pour lui faire un clin d’œil.
l Question de base pour commencer : kisannla Dev Virawsamy ?
— J’aimerais commencer par les trois grands malheurs qui me sont arrivés dans l’enfance. Je suis né en 1942 et, trois ans plus tard, arrive à Maurice une épidémie dont on ne connaissait même pas le nom : la poliomyélite, qu’on a appelée paralysie infantile. J’ai perdu l’utilisation de mon épaule et de mon bras gauche et, en même temps, j’ai découvert qu’à Maurice, en général, les gens n’ont aucune pitié, compréhension ou compassion pour les handicapés. Ils se moque d’eux, sont méprisés et j’ai été surnommé mognon ti lame pendant des années. Par ailleurs, mes parents avaient honte de moi et j’ai dû, en permanence, été comme hiver, porter des chemises à longues manches et mettre ma main gauche dans la poche de mon pantalon pour cacher mon infirmité.
l Tes parents se sentaient coupables de ton infirmité ?
— Sans doute, car selon une croyance hindoue, les enfants payent parfois les péchés de leurs parents. J’ai grandi avec ce handicap et la méchanceté de la société contre les handicapés. Malgré cela, j’ai réussi à me débrouiller et à étudier en primaire. À l’âge de 10 ans, je suis devenu orphelin en perdant ma mère. La première réaction de mon père a été de distribuer ses six enfants à ses sœurs, frères et cousins. J’ai été accueilli par un oncle qui m’a fait quitter Goodlands pour aller vivre à Quartier-Militaire, puis je suis devenu un orphelin nomade en passant dans différents foyers avant d’atterrir à Beau-Bassin, chez mon grand-père, et de fréquenter l’école St Enfant Jésus, à Rose-Hill. Pour mes études secondaires, je suis entré au collège St Joseph, où la majorité des élèves étaient alors des blancs et des mulâtres. C’est là que, pour la première fois de ma vie, on m’a traité de « malbar » et « païen », des mots dont j’ignorais la signification. En plus, venant de la campagne, je ne parlais pas le français et au lieu de dire « je » je disais « zé ». En étant handicapé, malbar, païen — donc destiné à brûler en enfer ! — et ne sachant pas parler le français, j’étais la cible idéale pour les élèves exprimant le racisme qui leur avait été inculqué chez eux. Mo finn bizin manz mo margoz jusqu’au SC, et mes bons résultats m’ont permis de quitter le St Joseph pour le collège Royal de Port-Louis, où il n’y avait pas ce type de racisme et j’ai passé mon HSC.
l Est-ce que, paradoxalement, le fait d’avoir dû subir ce que tu viens de décrire ne t’a pas aidé à te construire, à apprendre à résister, à devenir plus fort ?
— Tu as raison. J’ai été obligé de transformer ce que les autres considéraient comme des faiblesses en des forces. Ne pouvant pratiquer les sports que j’aimais, je me suis tourné vers la musique, j’ai découvert Elvis Presley et le rock n’roll, et j’ai commencé à écrire des textes de chansons en anglais. Entre-temps, j’avais réussi à vaincre mon zézaiement et j’étais parvenu à parler parfaitement. Puis j’ai découvert que j’avais des aptitudes artistiques et je voulais devenir peintre. Mais malgré tous ces progrès personnels, je portais toujours des chemises à longues manches et je mettais ma main handicapée dans ma poche de pantalon pour la cacher.
l Comment est-ce que tu as réussi à ne plus cacher ta main gauche, à la tirer de ta poche ?
— Cela s’est passé quand j’avais 18-19 ans et que j’ai rencontré Loga dans un club, le Telegu Youth Circle. Nous sommes devenus amis et, bien vite, nos sentiments ont évolué et un jour je lui ai dit « Mo krwar mo kontan twa » et elle m’a répondu « Mwa, mo sir mo kontan twa ! » Je lui ai dit « Malgre mo lame gos ? » Elle a sorti ma main handicapée de ma poche et l’a embrassée. Depuis ce jour, je n’ai plus caché mon handicap. Mais d’autres problèmes ont surgi : Loga et moi nous nous aimions, ses parents étaient pour, pas les miens.
l Vous étiez tous les deux de la communauté télégoue, non ? Quel était le problème ?
— Aujourd’hui, cela peut paraître comique, mais à l’époque… mes parents, dont mon grand-père, chef du clan familial et président de l’Andra Maha Sabha, l’association des télégous – étaient contre parce que nous nous étions choisis, Loga et moi, alors que, selon la tradition, c’était à eux de le faire, d’arranger le mariage ! Entre-temps, l’université d’Édimbourg avait accepté ma demande d’admission et je suis parti pour l’Écosse et, plus tard, Loga est venue me rejoindre et nous nous sommes mariés à Londres.
l Quelles étaient les matières que tu es allé étudier à l’université Édimbourg ?
— J’ai commencé par faire un degree en anglais, en français en langue et littérature. En deuxième année, le directeur de la faculté des humanités, un expert shakespearien, m’a demandé quelle était la langue que je parlais chez moi. Au départ, je n’ai pas osé lui dire que je parlais le kreol, puisqu’à l’époque à Maurice on disait que c’était un patois, un dialecte. Puis, j’ai fini par dire au directeur que je parlais kreol en utilisant le terme dialecte. Il m’a répondu que le kreol était une langue et j’ai alors décidé qu’après mon degree, j’allais me spécialiser en linguistique, sujet dont on parlait beaucoup à l’époque avec la publication des travaux de Noam Chomsky. Je voulais étudier la linguistique appliquée et faire du kreol mon sujet de thèse. J’ai eu la chance d’être accepté dans un cursus de linguistique grâce à une défection de dernière minute. Un nouveau chapitre de ma vie venait de commencer avec l’étude de tout ce qui concerne le kreol dans le monde et à partir de là, j’ai écrit la première étude sur la langue créole de Maurice. Et puis, en 1966, j’ai dit qu’il fallait cesser de l’appeler kreol, mais mauricien, puisque c’était la langue nationale de Maurice. À Maurice, justement, où le combat politique pour l’indépendance battait son plein et auquel nous voulions participer Loga et moi. Nous sommes donc rentrés à Maurice en 1967, juste après l’obtention de mon diplôme et avant les élections générales.
l Tu aurais pu rester en Angleterre et faire carrière ?
— Et comment ! Nous aurions pu le faire, d’autant que et Loga et moi avions eu des propositions pour de très bons jobs. Mais nous voulions rentrer pour participer au combat en faveur de l’indépendance, et nous l’avons fait. Après la victoire, j’ai publié un article dans l’Express pour dire que maintenant que nous étions indépendants dans un pays multiethnique, il fallait créer une culture nationale en proposant que le kreol devienne la langue nationale du pays et qu’elle soit appelée mauricien. Tu ne peux pas imaginer les réactions négatives et virulentes à cette proposition. Toute l’intelligentsia mauricienne était contre moi et me traitait d’assassin de la langue française. Le plus remonté d’entre tous était André Masson, du Mauricien, qui voyait en moi, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, une menace contre le français qu’il fallait faire taire. Anecdote : quelques années plus tard, son frère, Hervé, sera un des défenseurs de ma proposition et deviendra membre du MMM ! C’était un combat dur, mais nécessaire, et je dois reconnaître que cela m’a donné enn nisa apar de le mener. Heureusement, il y avait aussi d’autres personnes avec des opinions favorables à ma proposition, dont un certain Paul Bérenger.
l C’est ainsi que ceux qui allaient faire partie des membres fondateurs du Mouvement Militant Mauricien se sont rencontrés, avant de devenir des adversaires politiques acharnés ?
— En vacances à Maurice, Paul Bérenger a découvert mes articles, a demandé où j’habitais, et il est venu me voir. Nous nous sommes présentés et avons échangé sur nos idées : il était très influencé par Mai 68, moi par la création d’une nation, d’une culture nationale et la reconnaissance du kreol et du combat contre le communalisme. Il ne faut oublier que nous sortions de la bataille pour l’indépendance, dont la campagne électorale avait été marquée par une forte montée du communalisme. Le pays était sorti divisé en deux blocs : les pour et les contre, et le climat social était malsain malgré — et sans doute à cause de — la coalition PTr-PMSD de 1969. Ce qui a mené à la naissance du MMM pour protester contre l’état d’urgence qui avait été décrété pour lutter contre la mobilisation syndicale, qui devait, grâce à des grèves, causer la paralysie du port. C’est alors qu’une élection partielle a dû être organisée dans la circonscription N°5, Pamplemousses-Triolet, celle du Dr Ramgoolam, suite au décès d’un député. J’ai décidé de poser ma candidature, ce qui a été accepté par le parti. J’étais considéré par la communauté hindoue comme un jati betchoa – un vander lalit de la communauté —, d’autant que ma famille était travailliste et mon oncle ministre !
l Il me semble qu’au départ, le MMM était un parti politique qui n’avait pas l’intention de prendre le pouvoir en passant par la voie électorale…
— C’était surtout la position de Paul Bérenger. J’avais argué que cette élection partielle allait nous permettre de faire connaître le parti et ses idées à l’ensemble du pays, malgré l’état d’urgence et la censure. Nous sommes entrés dans la campagne électorale sans savoir comment l’organiser et la mener. Nous avons tout appris sur le terrain. Bien vite, j’ai compris une chose importante : l’électorat — et une grosse partie du pays — était en colère contre la coalition faite par Ramgoolam et Duval. Pour les hindous majoritaires, Ramgoolam les avaient vendus, pour les créoles musulmans et autres minorités, c’est Duval qui l’avait fait. Ils étaient en colère et voulait le faire savoir, et ils m’ont utilisé comme un rotin bazar en votant pour moi, candidat du MMM, à une grande majorité. C’était un vote de rejet, enn eleksion koreksion pour le gouvernement de coalition PTr-PMSD.
l Et puis, il y a eu les séjours en prison des membres et activistes du MMM…
— Effectivement. En 1972, la reine Elizabeth II vient en visite à Maurice et doit s’adresser au Parlement. Comme j’étais le seul élu du MMM, je décide de faire un coup d’éclat, juste après le discours de la reine, avec une déclaration dénonçant l’état d’urgence et la dictature. J’ai fait la bêtise de dire à quelqu’un ce que je voulais faire et il a été le répéter. Comme nous étions sous l’état d’urgence, j’ai été arrêté par la police, malgré le fait que j’étais un député. Avec d’autres camarades, nous avons été enfermés sous haute surveillance aux Casernes centrales, où j’ai passé mon temps à faire de la conscientisation sur les grandes questions philosophiques, politiques et linguistiques à mes gardiens. Après, j’ai été transféré à la prison de Beau-Bassin où j’ai retrouvé Paul Bérenger et d’autres membres du MMM, emprisonnés sous diverses accusations. L’organisation d’une manifestation contre la qualité de nourriture a poussé les autorités à faire retourner les leaders, comme Paul et moi, à la prison de haute sécurité des Casernes centrales.
l Beaucoup a été dit et écrit sur l’emprisonnement des leaders et de certains membres du MMM pendant l’état d’urgence. On a dit, entre autres, que tu étais malade, dépressif, que tu n’en pouvais plus…
— En prison, j’étais surtout tracassé par ma famille : Loga et mes deux petites filles laissées seules, sans aucune ressource économique. Dans un premier temps, je n’avais pas le droit de lire et d’écrire. J’ai dû faire deux semaines de grève de la faim pour obtenir le droit de lire et d’écrire. Au début de ma grève, les autorités ont dit « les li mor », avant de réaliser que s’il arrivait malheur à l’unique député du MMM, cela allait provoquer des réactions dans le pays, et elles ont cédé. Après, l’ambiance s’est détendue, pas à cause des instructions données par les autorités, mais parce que nos gardiens ont sympathisé avec nous. Ce qui a fait que nous avons commencé à organiser, depuis la prison, les futures activités du MMM. Plus important, c’est en prison que j’ai réalisé que jusqu’à l’heure, j’avais surtout écrit des textes théoriques sur la langue créole et j’ai commencé à écrire des poèmes, des chansons et des pièces de théâtre. On peut dire que le passage en prison aura contribué à développer ma vocation littéraire.
l On pourrait même dire qu’en t’emprisonnant, le gouvernement PTr-PMSD a grandement contribué à ta créativité artistique et à ton combat en faveur de la langue créole…
— Exactement. Tout ce qu’ils ont fait pour essayer de me casser, je l’ai utilisé pour lutter contre eux. C’est en prison que j’écris Li, Disik sale et La fime dan lizie. Dans Li, tous les personnages sont adaptés des mythes bibliques et de l’hindouisme. Li, un prisonnier politique assassiné en prison, pourrait être Jésus-Christ, et il est tué par Rawana, qui symbolise le mal dans l’hindouisme, etc. J’ai puisé dans tous les mythes pour les réinterpréter, créer les personnages, tout en faisant référence à la situation locale de répression et de violence d’État. Après ma libération, ma première démarche a été de faire monter cette pièce. J’ai fait des copies du texte que j’ai envoyé à la censure, qui l’a rejeté, sous prétexte que cette pièce, qui critique la police, pouvait provoquer des désordres dans le pays.
l C’est en partie cette interdiction de la censure qui contribuera au succès de Li…
— J’ai fait imprimer des copies du texte que l’on a fait circuler en dépit de l’interdiction. Le texte est arrivé à La Réunion où un mouvement en faveur du créole réunionnais, un peu inspiré par ce que je faisais à Maurice, était en train de se développer. Carpanin Marimoutou, un ami, traduit le texte en français et en réunionnais, et en envoie une copie à un concours de Radio France International, où il obtient le premier prix ! L’ironie a voulu que pour respecter ses accords de coopération avec RFI, la MBC a été forcée de diffuser sur ses ondes la version française de Li, une pièce de théâtre qui est interdite à Maurice ! Ce succès inattendu a été une contribution dans le combat pour la langue créole.
l Est-ce que tu considères que Li est la plus importante pièce de ton répertoire ?
— Li est important parce que c’est la première pièce de théâtre pensée et écrite en kreol pour faire réfléchir. Certains ont même parlé d’une tragédie qui mène à l’espoir, l’amour et le pardon. Après, j’ai écrit d’autres pièces, mais celle qui, à mon avis, montre le mieux la puissance de la langue créole et la force de mon écriture et mon adaptation, plus exactement ma réécriture de The Tempest de Shakespeare qui est, pour moi, sa plus grande tragicomédie. Il y a dans ce texte un passage où le Blanc est assimilé à l’enfant de Dieu et le Noir à celui du démon. C’est ce passage qui m’a poussé à réécrire The Tempest pour en faire Toofan.
l Toofan est, pour toi, ton œuvre maîtresse ?
— Au niveau de mes pièces de théâtre, oui. Dans Toofan, je me suis permis de corriger le maître, le mythe qu’est William Shakespeare. Avec le recul, je dois reconnaître qu’il fallait avoir un sacré culot pour oser faire ça. D’ailleurs, certains, à l’époque, m’ont qualifié de mauvais sauvage.
l Est-ce que l’inspiration pour le théâtre, pour la poésie et pour les chansons est arrivée en même temps chez toi ?
— En ce qui concerne les chansons, j’avais eu ma période Elvis Presley pendant laquelle j’avais écrit des textes en anglais. Et puis, pendant mes études à Édimbourg, j’ai découvert les protest songs et je me suis dit qu’on ne pouvait continuer à chanter les ségas avec toujours les mêmes refrains et qu’il fallait faire autre chose en utilisant la langue créole. La première protest song que j’ai composée a été Lasours. En même temps, au niveau politique avec les conflits avec Paul et ma séparation du MMM…
l… quel était le principal conflit entre Paul Bérenger et toi ?
— Paul avait fini par adopter une stratégie dont la finalité était d’arriver au pouvoir en passant par les élections. Une grosse partie du parti était d’accord avec lui. Moi, j’étais plus intéressé par la formation politique du peuple et par la création d’une culture nationale. C’étaient deux lignes différentes qui sont devenues antagonistes, et j’ai préféré quitter le MMM pour créer le Mouvement Militant Mauricien Socialiste Progressiste (MMMSP), qui allait continuer dans la voie qui était la mienne. J’ai alors créé le Group Kiltirel Soley Ruz en recrutant des artistes et musiciens comme Menwar…
l… et Bam Cuttayen…
— L’histoire de Bam est tout à fait intéressante. C’était un tailleur de Mont Roches qui ne savait ni lire ni écrire, et qui avait un talent artistique indéniable. Après avoir appris à lire et à écrire, il a découvert la poésie et a écrit de très beaux textes qu’il a mis en musique. Il y avait aussi les frères Joganah, Ram et Nitish, Micheline, Rosemay et Eric Nelson, entre autres… toute une équipe d’artistes et de musiciens talentueux avec qui nous avons lancé la chanson créole engagée à Maurice. Une expression artistique qui a dominé la scène culturelle locale pendant des années. Cette expérience fait partie des grands moments de ma vie qui tire à sa fin.
l Tu viens de m’offrir la transition idéale pour parler de ce cancer du foie que l’on vient de te découvrir…
— J’ai 81 ans, mais depuis mes 75 ans, j’ai commencé à ressentir des symptômes que j’ai mis sur le compte de la vieillesse : perte d’appétit, des douleurs dans le corps, perte de poids. En cinq ans, je suis passé de 85 à 60 kilos. J’ai littéralement rétréci ! J’ai fini par comprendre que j’étais atteint du Post Polio Syndrome (PPS), maladie d’autant plus inconnue que la polio a été éradiquée, que la majeure partie de ceux qui en étaient atteints sont morts et que les jeunes médecins ne la connaissent pas. À partir de là, j’ai eu tendance à mettre tous mes maux sur le compte du PPS. Je suis allé dans un hôpital spécialisé en soins palliatifs en Inde, où mon état s’est amélioré. J’ai repris du poids, avant de commencer à en reperdre, et les douleurs sont revenues, plus fortes, avec des nausées. Le Père Alain Romaine, qui est un ami, m’a proposé de rencontrer un de ses amis gériatres, le Dr Naga. Ce dernier m’a fait faire des tests poussés et on a découvert que j’avais un cancer du foie très développé. En fait, que j’ai déjà atteint le stade terminal de la maladie.
l Tu n’avais pas senti qu’il y avait quelque chose qui te rongeait ?
— Si, je sentais que ça n’allait pas, que justement quelque chose me rongeait, mais je l’avais mis sur le compte du PPS.
l Si on revient au début de cette conversation et au fait que tes parents croyaient que les péchés se payent sur la terre ou à travers les enfants, on pourrait dire que tu serais en train de payer tes péchés avec cette maladie…
— Mon Dieu à moi s’appelle Jésus-Christ qui, pour avoir réussi à faire ce qu’il devait accomplir, à accepté de mourir sur la croix. Je me dis que, toutes proportions gardées, je suis peut-être en train de suivre la même voie, que je dois souffrir pour laisser un message. Sur le sens et l’importance du combat de ma vie…
Dans notre prochaine édition le deuxième volet de cette rencontre