Il pleut sur la ville

Rappelle-toi, Mauricien,

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Il pleuvait sans cesse sur Port-Louis ce jour-là

Et les gens marchaient souriants et un peu soucieux quand même

Tous trempés jusqu’aux os sous la pluie

 

Rappelle-toi, Mauricien,

Il pleuvait sans cesse sur la capitale

Et les passants arpentaient la Place d’Armes

Certains étaient heureux

D’autres troublés par les gros grains

 

Rappelle-toi, Mauricien,

C’était le samedi 30 mars 2013

Les piétons se croisaient sans se connaître

Certains se frôlaient même dans le passage sous-terrain

Rappelle-toi, rappelle-toi quand même ce jour-là, n’oublie pas

 

Il pleuvait des cordes ce jour-là

Et des cris ont certainement dû retentir

Et quelques-uns ont couru sous la pluie, ruisselants, abrutis, affolés

Pendant que d’autres voyaient leurs doigts se détacher de la main ferme qui les tenait

 

Rappelle-toi cela, Mauricien,

Et ne m’en veux pas si je réveille des souvenirs

Mais ce jour-là, onze personnes que je ne connaissais pas n’ont plus pu dire je t’aime

Quelle tristesse de savoir que des corps sans vie étaient pris au piège dans les eaux

Même si je ne les connaissais pas

 

Rappelle-toi, Mauricien, n’oublie pas

Cette pluie qui peut être sage et bienfaisante sur des visages

Peut aussi plonger une ville heureuse dans une tragédie sans pareil

Cette pluie déchaînée a troublé même la mer, au bord du Waterfront

Elle a fait valser les bateaux du port de la capitale

 

Oh Mauricien !

Quelle connerie les prévisions météo, quelle tristesse les désastres !

Qu’a-t-on appris de cette journée noire, sous cette pluie, ce torrent qui a parcouru Port-Louis ?

Et ceux qui se serraient les mains, angoissés à en mourir

Que sont-ils devenus ?

Et ceux qui ont perdu un proche, ont-ils pu panser leur plaie ?

 

Oh Mauricien

Il pleut encore sur la ville comme il pleuvait avant

Mais ce n’est plus pareil, ce drame d’il y a neuf ans nous effraie encore

C’est une pluie de deuil terrible et désolée

Ce n’est même plus l’orage qui fait peur, mais la puissance de l’eau qui engloutit tout

Simplement parce que des barrages et du béton favorisent d’emprisonnantes accumulations d’eau

 

Cette eau qui disparaît au fil des heures sous le soleil de plomb de Port-Louis

Ou va mourir au loin près du port

Au loin, très loin des ruelles abîmées et souillées de Port-Louis

D’où il ne reste que des détritus, de la boue et des images immortalisées

 

Il pleut sans cesse ces jours-ci et plane encore le souvenir de ce samedi noir

Mais, rappelle-toi, Mauricien, souviens-toi en et n’oublie pas !

 

Texte inspiré du poème « Barbara », de Jacques Prévert

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