Le printemps mauricien a laissé la place au début de l’été. Les jours s’allongent, l’atmosphère se réchauffe et les gens se réjouissent.
L’heure sonne. Il est midi à Maurice ! L’heure où le soleil se braque sur notre sol et met en lumière tout le mal-être dans lequel le peuple a vécu. Les langues se dénouent, les squelettes ont refait surface et les conversations téléphoniques sur écoute ont remis les pendules à l’heure, sur les intentions des uns et des autres, sur le fond de leur pensée, sur la soumission de quelques-uns et sur les arrangements machiavéliques d’anciennes personnalités.
Il est midi, l’heure où la lumière éclaire tout, même ce que l’on aurait préféré garder dans l’ombre. Le soleil est au zénith, et avec lui, les vérités aussi. Elles remontent à la surface. Les silences se font bruits et les mensonges se dissipent comme la brume au matin, laissant place à ce qui est. La vérité n’attend plus ! À midi, tout est dit, tout est vu. L’illusion cède et le monde se dévoile en toute simplicité, en toute transparence. Nos traits ne se dissimulent plus et nos défauts se dessinent sans filtre.
Midi. Enfin délivré, le peuple ne veut plus se cacher et laisse voir sa joie au sortir de jours troublés sous l’ancien gouvernement. Son regain de vitalité s’exprime sans crainte au grand jour, même si, indéniablement, les travers humains persistent, ne pouvant s’éclipser en un claquement de doigts : la vanité dans les regards fuyants, l’orgueil derrière de fiers sourires, la jalousie dans les silences gênés… Tout se démasque : failles, lâchetés et faiblesses. À cette heure-là, les fissures laissent entrevoir les imperfections, qui sont des parts de nous-mêmes que nous devons parfois apprendre à accepter et à ajuster pour le meilleur.
À midi, les problèmes sociaux sont translucides, éclatants et flagrants. L’injustice sociale, autrefois sous les apparences d’une société en marche, est mise à jour. Les inégalités attristent et sont comme des cicatrices invisibles sur le corps d’un peuple. La pauvreté murmure toujours son désarroi, en attendant de pouvoir se faire voix et visage. Les discriminations implacables et cruelles s’exposent dans la lumière du jour. Les divisions se révèlent, les profondes fractures s’infectent et le temps suspendu de midi nous rappelle que ces maux ne peuvent plus être ignorés. Ils ne supportent plus le silence. La drogue, la désolation, la dépression gardent, quant à elles, dans une nuit noire qui ne laisse point entrevoir la moindre lueur d’espoir.
Tic, tac ! Tic, tac ! Il est midi. Les problèmes environnementaux sont là, criants de vérité sous le ciel d’un monde en détresse. La planète souffre, et il n’y a plus de place pour l’ignorance. Les océans sont pollués, les forêts dévastées, l’air est saturé. La maltraitance faite par l’homme est visible et devient une plaie ouverte sur la Terre. Les espèces disparaissent, le climat se dérègle, les saisons s’affolent, la météo, imprévisible, menace et inquiète. À cette heure, une évidence claque : les déséquilibres que nous avons créés explosent en pleine face. Les faits écologiques sont trop urgents, trop tangibles pour que nous les ignorions encore.
Tic, tic, tic… La fumée de Mare-Chicose, infect, affecte. Silence, le temps s’arrête et les regards se tournent vers les déchets et les puanteurs dans ce centre d’enfouissement en feu. Serait-ce pour enfouir les abus de l’ancien régime ?
Il est midi. Le soleil tape sur la peau. La sueur perle sur le visage. Les cheveux collent sur la tête. Sentiments et émotions s’affrontent et les révoltes intérieures s’apaisent. Loin de tout mirage, nous reprenons nos vies en mains. Joie de vivre et méfiance dissipée se côtoient. Visages sereins, parole libérée : l’avenir est à nous !
Mais l’heure sonne toujours. Il est encore temps d’ouvrir les yeux sur la jeunesse et les enfants. Enfouis, le dos courbé sur leurs écrans, ils s’ouvrent à un monde qui n’est pas toujours adapté à leur âge, pas nécessairement bienveillant, parfois nuisible et souvent inconnu.
Il est bientôt midi une. Prudents, c’est ce que nous devons maintenant être pour ne point tomber à nouveau dans des dérapages subtils et pernicieux et des événements graves et troublants. Vigilants, c’est ce que nous devons rester pour ne pas nous laisser entraîner dans un contrôle autoritaire proche de la dictature.
Le gong a sonné et nous l’avons entendu d’une même oreille. Le son sourd s’est transformé en un cri strident comme pour s’unir à nos cris du cœur. Debout ensemble, nous nous sommes unis, et avons prouvé d’une même voix harmonieuse, en couleurs, croyances et communautés différentes, qu’un mauricianisme était toujours et encore possible. Nous avons manifesté le refus de mettre en péril l’unité nationale.
Ainsi va la vie et nous avons montré notre appartenance à cette île qui est la nôtre. Un seul peuple, une seule envie, un seul désir : agir librement et sans contrainte, de manière saine et raisonnée, sans ne plus jamais craindre de manière gratuite, ni représailles, ni menaces, ni… planting !