Ce qui s’est produit le 3 septembre, à Trianon, est honteux, voire grotesque. Comment un président, de surcroît à la tête de la plus haute instance sportive d’un pays depuis plus d’une dizaines d’années, peut-il déraper à ce point ? S’il n’y a pas eu de motion de blâme à l’encontre de Philippe Hao Thyn Voon, en revanche, la réunion a pris une tournure à laquelle on ne s’attendait pas. Elle dépasse même l’imagination !
Philippe Hao Thyn Voon est allé trop loin, la semaine dernière, notamment en associant vie sociale et carrière sportive. La démarche de mêler les affaires de famille, étroitement liées à une entreprise, au sport n’était définitivement pas appropriée. Elle était tout simplement hors contexte.
Sauf que Philippe Hao Thyn Voon a, lui, décidé de briser les interdits en exposant « ses problèmes personnels » sur la place publique. Les problèmes que rencontrent actuellement la compagnie PADCO, dont Philippe Hao Thyn Voon est le fondateur, n’avaient visiblement pas leur place dans ce décor et nous sommes sûrs qu’ils sont nombreux à penser comme nous.
Ce faisant, Philippe Hao Thyn Voon a-t-il voulu s’attirer la sympathie de ses membres ? Cela en a tout l’air. Qui plus est, et comme en certaines occasions, le président du COM a versé quelques larmes. Sauf qu’en tant que dirigeant qui se respecte, on doit savoir se tenir en public. Voyez-vous un des présidents d’une des grandes instances sportives internationales verser des larmes en pleine assemblée générale ou lors d’un discours officiel ? Forcément, il y a un problème.
Sauf que tout s’enchaîne étrangement. Comme du papier à musique. « Je n’ai désormais plus que le COM. Vous êtes mes amis. Donnez-moi encore une chance », déclarait Philippe Hao Thyn Voon. En somme, le président veut bénéficier de la confiance de ses membres pour un nouveau mandat, la cinquième ! Soit. Rien ne l’empêche de le faire. C’est la façon de procéder qui interpelle. Preuve que le président du COM doit obligatoirement prendre la porte de sortie.
Pourtant, c’est ce même Philippe Hao Thyn Voon qui a proposé la tenue des élections du COM au terme d’un mandat de quatre ans, même si les Jeux olympiques ont été repoussés d’une année en raison de la pandémie de COVID-19. Le Comité olympique international ayant aussi proposé l’option de les organiser après les Jeux de 2021. Si la proposition peut être bien interprétée, en revanche, on comprend très mal son empressement à vouloir tenir, à tout prix, les élections, avant même que les fédérations nationales n’en fassent les leurs !
La démarche interpelle. Elle est même troublante. Tout comme ses explications sur la question de représentants fédéraux qui posera certainement problème si les conditions sont maintenues. Quelque chose ne tourne définitivement pas rond au sein du COM et ça, ce n’est pas bon pour le sport local. On vit tout de même dans un pays démocratique où le droit de chaque citoyen est et doit être impérativement préservé.
Mais la manière dont les choses se présentent assombrit davantage le paysage sportif. Tout comme cet amendement voté et privant, qui plus est, la Commission des athlètes d’élire démocratiquement ses deux représentants. Il y aura désormais nomination et c’est le comité exécutif qui s’en chargera ! Pas d’élection, donc pas de pouvoir de décision pour ces derniers. Les représentants de fédérations sont eux aussi dans l’expectative concernant leur pouvoir de décision à venir au sein du COM.
Les fédérations sont-elles prêtes à accepter une situation aussi inédite, voire grotesque, occasionnée par une décision du COM et dénuée de sens ? Ou alors, feront-elles pression, afin que le bon sens et que la logique soient respectés?
Aussi, on aurait bien aimé savoir ce que pensent les membres du COM et ceux présents à Trianon, concernant la position adoptée par Philippe Hao Thyn Voon. Se sentent-ils à l’aise avec ce qui s’est passé ? Car seul le président de l’Association mauricienne d’Athlétisme, Vivian Gungaram, a eu l’audace de poser des questions pertinentes, mettant le président du COM dans une position inconfortable.
Les membres du COM et les présidents de fédérations présents n’avaient-ils, eux, rien à dire ? Et bien, sachez messieurs-dames, que votre silence est dangereux pour la démocratie. Elle est surtout inquiétante pour l’avenir même de nos sportifs. Et ça, c’est très grave. Est-ce la tenue des Jeux olympiques, l’année prochaine, au Japon qui impose cela ? Ce qui est sûre, c’est en acceptant de demeurer indifférents aux vrais problèmes qui rongent le sport local, on devient forcément complice d’une situation qui est loin de faire honneur au sport.
JEAN-MICHEL CHELVAN