L’humiliation subie par la sélection nationale féminine senior, lors de la COSAFA Cup, en août dernier en Afrique du Sud, n’aurait donc servi à rien. Aucun éveil de conscience et encore moins de réaction digne, dans un moment pareil, de la Mauritius Football Association (MFA). Trois grosses défaites et une bagatelle de 26 buts encaissés, sans le moindre inscrit ! Fidèle à son habitude, la MFA est restée léthargique, préférant s’enfermer dans sa tour d’ivoire au lieu de trouver des solutions. Comme si c’était normal pour cette sélection de se faire marcher dessus !
Au lieu de colmater les brèches et de prendre du recul par rapport à une situation des plus chaotiques, Samir Sobha et consorts ont, eux, décidé de jeter une autre sélection en pâture, pour ne pas dire dans la fosse aux lions ! Comme si, le football féminin méritait un nouveau supplice. Cette fois, ce sont les jeunes des moins de 17 ans qui ont été portées à l’autel des sacrifices et c’est vraiment chagrinant pour elles, voire démotivant. Elles s’en souviendront d’ailleurs pour très longtemps encore de ce malheureux baptême du feu.
Pourtant, elles y ont cru après avoir surclassé (5-1) les Comores, adversaire n’étant pas une référence du football féminin. L’illusion dissipée, le retour à la réalité a ensuite été plus que brutal. Un cinglant 0-11 face à l’Ouganda, avant le 0-8 face à la Zambie. Tout simplement révoltant. Non pas pour les filles, puisqu’elles n’y sont pas responsables. Mais bien pour tous ceux qui gouvernent notre football.
Pourquoi la MFA a-t-elle donc accepté d’abriter une compétition de ce niveau quand elle savait pertinemment bien que notre football féminin n’était pas encore sur la même longueur d’onde que les équipes du continent ? Quelles ont été ses réelles motivations quand on sait tous qu’aucune structure digne de ce nom n’est en place pour soutenir une telle participation ? N’était-il pas plus responsable qu’on réfléchisse sur des solutions durables après la déconvenue d’août dernier ? Ou encore, n’était-il pas mieux que la MFA fasse tout simplement l’impasse sur cette compétition ?
Malheureusement, à la MFA, on a prouvé, une fois de plus, qu’on ne réfléchissait pas football de la même façon que l’auraient fait des personnes avisées. Quitte aux conséquences psychologiques que cela pourrait avoir sur ces joueuses. Et ça, c’est vraiment inquiétant quand on sait que jouer au football, c’est avant tout prendre du plaisir à le pratiquer. On ne peut cependant en dire autant, en prenant en considération les circonstances et conditions entourant cette participation «kamikaze».
La mission était donc impossible et ça, Samir Sobha et ses membres le savaient très bien. Au moins, savaient-ils que, pour bâtir sur le concret, une base solide était nécessaire ? Depuis le temps que ça dure, on commence à se poser des questions. Ce n’est certainement pas un championnat organisé de façon peu professionnelle et à la va-vite qui aidera à dynamiser le football féminin local. Ce qu’il faut, ce sont des décisions fortes et surtout bien réfléchies et des hommes capables pour les appliquer, tant au niveau de l’administration qu’au niveau technique. À ce titre d’ailleurs, on ne comprend toujours pas comment l’entraîneur de ces deux sélections, Kofi Kawata, puisse être maintenu à son poste après ces humiliations.
En dernier lieu, on s’attardera sur la réponse du ministre de la Jeunesse et des Sports, Stephan Toussaint, qui répondait le 17 septembre dernier au député de l’opposition Reza Utem, sur le football féminin justement. Stephan Toussaint faisait alors remarquer que la MFA a investi Rs 2 354 855 de janvier à juin 2019. La question que l’on se pose est de savoir comment la MFA a-t-elle dépensé autant d’argent sur cet item, alors que de mémoire, on ne recense pratiquement pas grand-chose en termes d’activités ? Est-ce pour préparer ces deux sélections uniquement ou pour d’autres activités ?
Une chose est cependant sûre, si on se base sur la réponse du ministre Toussaint. C’est son ministère qui gère les écoles de football regroupant 660 filles, dans le cadre de la restructuration. Sauf qu’on ne sait pas vraiment quelle est l’implication de la MFA, même si Stephan Toussaint dit travailler en collaboration avec toutes les fédérations. Ou encore si les Rs 2 354 855 dépensées par la MFA au cours de ces six derniers mois comprenaient aussi une assistance financière à ces écoles de football ? Rien ne le dit et ce, même si Stephan Toussaint a lui été on ne peut plus clair sur ce sujet en précisant que son ministère allait mettre tous les moyens possibles à la disposition du football féminin.
En attendant de voir plus clair devant la confiance affichée par le ministre à l’Assemblée Nationale, on suivra avec un certain intérêt la position qu’adoptera la MFA sur ce dossier. Si, bien évidemment, elle a vraiment à cœur le développement du football féminin.
JEAN-MICHEL CHELVAN