Gavin Glover, lauréat, avocat de formation et ancien président du Mauritius Turf Club (MTC), se lance dans une nouvelle aventure en acceptant le poste d’Attorney General sous le gouvernement de Navin Ramgoolam. Dans cet entretien, il revient sur sa décision de quitter la présidence du MTC, ses priorités en tant que ministre de la Justice et sa vision pour l’avenir de l’industrie hippique. Une prise de position résolue, entre défis à relever et réformes à mener, sans oublier son engagement envers l’évolution du MTC.
l Entrons dans le vif du sujet. La décision d’accepter le poste d’Attorney General a-t-elle été prise avant les élections ou après, et quelles sont les raisons qui vous ont motivé à accepter la proposition de Navin Ramgoolam ?
— Disons que l’idée fut émise avant les élections et tout a été confirmé après. J’ai pris une décision difficile. Sortir de mon confort pour faire face à des challenges que je ne connais pas, mais mon expérience et mes accointances au barreau me serviront sûrement.
l Est-ce un défi après tout ce qui s’est passé ces derniers temps ?
— Oui, tout à fait. La justice, dans son sens large, pâtit depuis un bout de temps déjà et tous les acteurs sont unanimes à le reconnaître. Il y a donc une grande envie de faire bouger les choses et j’espère me servir de cet élan pour faire avancer quelques réformes indispensables au meilleur fonctionnement de la machinerie.
l Dans tous les secteurs, on parle actuellement des priorités. Quelles seraient les vôtres ?
— Nous vivons à une époque où le judiciaire fait face à un exode de talents. Il faut stopper cela. Lorsque vous regardez la grille de salaire des officiers du State Law Office, des magistrats et des auxiliaires de justice, il n’est pas difficile de comprendre l’intérêt croissant de quitter le service public pour le privé. Il faut stopper l’hémorragie, car c’est le citoyen qui en souffre.
l Nous ne vous apprendrons rien en vous disant que les Mauriciens ont perdu confiance dans nos institutions. En tant que le nouvel Attorney General, qu’avez-vous à leur dire pour les rassurer ?
— Le changement ne s’opérera pas du jour au lendemain. Nous sommes dans une structure un peu rigide et beaucoup de leviers doivent être activés pour réussir les changements à être apportés. Mon but c’est de rendre la justice accessible pour que les citoyens arrêtent de dire que c’est une justice à deux vitesses. La justice doit être au service de la Nation tout simplement. C’est un grand chantier !
l Vous ne quittez pas seulement votre bureau d’avocat, mais également la présidence du Mauritius Turf Club. Avez-vous le sentiment d’avoir accompli votre devoir ?
— Oui, le MTC a survécu à la tempête et peut regarder l’avenir avec espoir. À ce titre, la décision du Cabinet vendredi, alors que je n’y étais pas, traduit non seulement l’intention du gouvernement d’honorer ses engagements, mais aussi la volonté de transparence dans des décisions importantes.
l Vous n’allez quand même pas nous dire que vous avez tout accompli. Quels sont les dossiers en suspens, que vous n’avez pas eu le temps de compléter ?
— Mon premier but était de garder le MTC vivant. Mission accomplie. La deuxième c’était de remettre le MTC en selle. Mission accomplie. La troisième était l’assainissement des finances. Mission accomplie aussi. La quatrième était de s’assurer que le MTC opère en 2025, avec en outre l’exclusivité du Champ de Mars. C’est fait. Alors, la dernière étape était donc de mettre en pratique toute l’organisation pour la première journée en 2025, mais ça sera une tâche pour d’autres. Je suivrai de loin ce que mes ex-collègues feront, mais j’y serai bel et bien le jour J !
l Votre plus grosse satisfaction durant ces deux ans M. Glover ?
— Le support indéfectible des membres a été une grande source de satisfaction. Aussi, la confiance des turfistes en général que le MTC sortirait gagnant a été tellement précieux. Quand à chaque coin de rue on vous demande : Kan pou retourne la ? Ça fait chaud au cœur. Et j’ajouterai le travail colossal des membres du conseil d’administration du Club, de notre secrétaire et des derniers irréductibles employés, comme notre chef de piste qui nous est resté fidèle.
l Vous n’avez pas réagi après la déclaration de l’ex-PM lors d’une de ses réunions à Rivière du Rempart, où il a dit qu’il ne vous avait jamais promis l’exclusivité de l’organisation des courses au MTC. Tactique délibérée ?
— Oui. Il a ses raisons pour avoir dit cela. Il était Premier ministre et avait décidé de dire ce que lui considérait être sa vérité. La mienne est tout autre. Point, barre !
l Les turfistes disent que le MTC n’avait aucune chance de refaire surface avec Pravind Jugnauth comme Premier ministre. Peut-on dire qu’ils n’avaient pas tort ?
— Oui, ils n’avaient pas tort. J’ai joué le jeu, car le MTC est un club apolitique où se côtoient toutes les tendances, et je donne toujours le bénéfice du doute dans ces cas-là — déformation professionnelle sans doute ! — mais force est de constater que l’agenda du gouvernement d’alors était de ramener le MTC au Champ de Mars pour faire bonne figure politiquement tout en permettant la concurrence à Petit Gamin. Ça, le MTC l’a dit et redit, n’est pas viable financièrement. Si PTP organise les courses à Petit Gamin, je peux vous assurer que le MTC n’organisera pas les courses au Champ de Mars. Le Cabinet a décidé d’octroyer un bail minimum de cinq ans au MTCJC ; je pense que le message est clair !
l Depuis le verdict du 10 novembre, que s’est-il passé entre le gouvernement et le MTC ?
— Alors que j’étais président en exercice, le secrétaire a demandé un rendez-vous avec la COIREC et les choses se sont enclenchées avec Stephan de Chalain menant les discussions au nom du Club.
l Comment voyez-vous l’avenir ou plutôt la nouvelle structure de l’organisation des courses ? La GRA, la HRD et la COIREC doivent-elles être abrogées ou non ?
— Je pense qu’il faut revoir la structure de la GRA et de la HRD. Avons-nous besoin d’une HRD ? Pas sûr ! Vous vous rendez compte que le HRD est au point mort depuis le 6 octobre dernier et que les employés, incluant les Stipes, sont toujours payés des fonds publics ? Je suis sûr que le ministère des Finances fera ce qu’il faut dans les jours à venir.
l Quelles sont les prérogatives qui doivent revenir au MTC ?
— Le Cabinet a pris la décision de mettre sur pied un High Level Committee pour se pencher sur la question. Je ne voudrais donc pas donner mon opinion au vu de ma présente position.
l Nous savons tous qu’en matière hippique, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, aura besoin forcément de conseils. Qui serait à votre avis l’homme de la situation ?
— Votre question me fait sourire. Navin Ramgoolam connaît certes quelques-unes de mes positions sur la question hippique, mais je tiens à bien clarifier que mon action en tant qu’Attorney General sera complètement dissociée de ma position passée au MTC. Pas question de confondre les rôles ! En tant qu’avocat d’une certaine expérience, ayant travaillé pour de nombreux clients aux intérêts divers, je pense savoir travailler avec de telles limites et faire abstraction de mes opinions personnelles. Ici, mon « client », c’est le gouvernement élu par le peuple.
l Gavin Glover, soyons honnêtes, toute la volonté des uns et des autres ne suffira pas à remettre du jour au lendemain l’industrie hippique sur les rails. Le MTC aura besoin d’argent et de moyens. Sans l’aide du gouvernement, il n’y arrivera jamais. Partagez-vous notre avis ?
— Vous avez tort ! Je crois que si tous les acteurs — incluant les stakeholders, le gouvernement et notre partenaire financier qui nous a soutenus durant ces dernières années alors que nous étions au bord de la faillite totale — y mettent du sien, le MTC rouvrira ses portes en juin 2025 pour la première journée. Du moins, c’est ça le plan.
l Qu’arrivera-t-il au procès que le MTC intente à l’État, à la COIREC et à la municipalité ? Y a-t-il un moyen de trouver un terrain d’entente, et si c’est le cas, à combien estimez-vous ou évaluez-vous ce dédommagement ?
— Chaque chose en son temps et laissons au nouveau président l’espace voulu pour qu’il prenne ses repères. C’est une question épineuse pour toutes les parties et je m’abstiendrai de tout autre commentaire vu mon nouveau rôle.
l Le Champ de Mars vous a été “rendu” dans un état déplorable. Est-ce que la COIREC a rencontré le MTC pour faire une inspection, un état des lieux, ou est-ce qu’elle vous a donné carte blanche pour effectuer la réfection des deux pistes ?
— Nous avons eu la permission de commencer à faire de la maintenance et des réparations avant les grandes pluies d’été. Cette permission est assujettie de conditions que le MTC respecte à la lettre.
l M. Glover, vous pouvez avoir les meilleures intentions du monde, mais si vous n’avez pas votre matière première qui est les chevaux, le MTC Jockey Club ne pourra pas organiser les courses. Qu’en est-il à ce niveau et quelles sont les mesures urgentes à prendre pour “booster” l’importation des chevaux ? La TVA, par exemple, ne doit-elle pas être enlevée sur ces importations ?
— Le MTC a déjà son plan d’action et travaille de concert avec les entraîneurs. Nous savons que certains ont déjà fait des acquisitions. Il faudrait que Santosh et son équipe vous expliquent comment les choses vont se développer.
l Vous aviez préparé un blue print et vous aviez soumis les principaux points à l’ancien gouvernement. Avec le changement qui est intervenu, le MTC a dû sûrement revoir certaines choses, n’est-ce pas ?
— Je ne suis plus partie prenante maintenant, mais je peux vous dire que le blue print remis au PM sortant en juillet 2024 contient les mesures phares à être apportées pour le revamping du Champ de Mars pour des courses hippiques saines et sans trucmardage. C’est ce que le public turfiste attend avec impatience.
l Le MTC avait imposé trois conditions sine qua non pour effectuer son retour : l’exclusivité et la mise à l’écart de Dev Beekharry et Jean Michel Lee Shim. Laissons Dev Beekharry qui est parti de lui-même, mais JMLS est toujours dans les parages, car il est toujours à Petit Gamin. Le MTC doit-il s’en méfier ?
— Je dois malheureusement exercer mon devoir de réserve et refuser de répondre à cette question. Je m’en excuse.
Lorsque vous aviez pris la présidence du MTC, vous aviez dit qu’il n’est pas mort et vous vous êtes donné beaucoup de peine pour le maintenir en vie, mais est-ce qu’il est hors de danger ?
— Non, mais le MTC n’est plus sur un life support system. Le Club ne respire peut-être pas la santé, but we have lived to fight another day.
l Gavin Glover, vous verra-t-on toujours au Champ de Mars ne serait-ce qu’un tant que membre du MTC et en tant qu’amoureux de la race chevaline ?
— Certainement, probablement à la manière de feu sir Gaëtan !