Fuites

 En attendant demain après-midi 16h, jour et heure de l’annonce de la décision du conseil privé du roi dans l’affaire opposant le travailliste Suren Dayal à Pravind Jugnauth, les supputations et les spéculations vont bon train, chacun y allant de sa petite analyse sur la base de la pertinence des plaidoiries faites par les avocats des deux parties, le 10 juillet dernier.

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Il y a, néanmoins, une drôle de fébrilité au MSM où, après des appels à la mobilisation pour un soutien au Premier ministre, demain après-midi au Sun Trust, le MSM a été contraint de se fendre d’un communiqué pour dénoncer “les auteurs de ces publications désespérées… étroitement liés à des partis de l’opposition”, qui auraient tenté d’accréditer la thèse selon laquelle “le MSM est déjà au courant du jugement.”

Et, dans une conclusion qui se veut vertueuse, le parti du PM invite même “à un minimum de respect pour l’institution qu’est le Privy Council”. C’est ce qui a poussé le ministre du Travail, Soodesh Callychurn à appeler au rassemblement au Sun Trust, lundi, pour manifester au conditionnel la victoire ou la défaite de son leader.

Or, les appels à célébrer la “victoire” de Pravind Jugnauth proviennent des soutiens les plus vocaux et les plus actifs sur les réseaux sociaux. Si le parti orange a choisi de faire semblant de prendre ses distances des plus excités parmi ses affidés, c’est qu’il a déjà une longue et sombre histoire de “fuites” et de partage de documents judiciaires.

On se rappellera qu’une lettre de Me Antoine Domingue, adressée en octobre 2021 à la magistrate Bholah et qui n’avait pas vocation à tomber entre les mains d’une tierce partie, s’était, par un rare tour de passe-passe, retrouvée dans la boîte mail du proche conseiller de Pravind Jugnauth, Prakash Maunthrooa fraîchement exonéré de tout acte délictueux dans l’affaire Boskalis pour absence d’éléments plus convaincants.

Le courriel avait ensuite été adressé à l’avouée du PM, Sharmila Sonah-Ori pas concernée par cette faire mais qui, interrogée, n’avait pas hésité à balancer le nom de Prakash Maunthroa comme celui qui lui avait expédié la lettre annotée de la magistrate.

C’était dans l’affaire de la Private Prosecution de Suren Dayal… contre le PM pour des déclarations de dépenses électorales jugées incorrectes. Des enquêtes avaient été diligentées par le chef juge d’alors Ashraf Caunhye, mais aucune suite ni issue connues dans cette affaire qui avait ému la profession légale.

Il y a aussi eu le précédent Medpoint. Pour ceux qui l’auront oubliée, la fuite du jugement en faveur de Pravind Jugnauth dans ce qui a été qualifié de “scandale du siècle” avait fait grand bruit en février 2019. Avant même que la décision des Law Lords ne soit officiellement annoncée, le ministre des Services Financiers, Sudhir Seesunkur avait célébré la victoire de son leader d’alors sur sa page Facebook.

Cette fuite avait provoqué un véritable tollé, poussant  le Privy Council lui-même à décider de ne plus communiquer les drafts des jugements avant leur divulgation, ce qu’ils faisaient 24 heures auparavant dans une tradition de respect pour les représentants légaux des deux parties concernées. Le Bar Council n’avait pas manqué de rappeler à ses membres l’éthique qui régit la profession.

Les seuls advanced notices que les responsables de organismes publics ne reçoivent apparemment jamais sont, de toute évidence, les grosses claques que leur administre le judiciaire. Sinon, ils auraient été vite se cacher dans la honte et la disgrâce. Et ils débarrasseraient le plancher s’ils avaient un peu d’indécence.

Tous les “fleurons” du MSM y passent, de la police à l’ICAC, en passant sur ce qu’il a fait de la Gambling Regulatory Authority avec sa Horse Racing Division. La police prend régulièrement sa raclée des autorités de justice du pays comme dans le rapport sur l’assassinat de Soopramanien Kistnen. Il avait été question du “high level of incompetence” de la police. Au lieu de se professionnaliser, la police du ministre de l’Intérieur Jugnauth a ouvert les hostilités en direction du directeur des poursuites publiques.

À la GRA, c’est tout aussi indigne et écœurant. Malgré la mise à mort du MTC au profit d’un bailleur de fonds du Sun Trust, le secteur hippique n’en finit pas de défrayer la chronique. Pour de macabres raisons. Entre les pistes piégées par des clous et d’autres objets dangereux, les agressions de gros bras sur des membres du public et la dégradation criminelle du Champ de Mars, rien ne se passe comme il le devrait dans l’industrie des courses de chevaux.

Les étrangers qui se sont succédé à la Horse Racing Division ont tous dû plier bagage ou être démis de leurs fonctions parce qu’ils ne marchaient pas à la baguette des caciques du MSM. C’est dire que cette atmosphère malsaine et glauque continuera à régner sur le secteur hippique et même s’accroître à l’approche des élections générales.

Mais le plus beau des fleurons qui est littéralement démoli par la justice, c’est bien cette ICAC de triste existence. Cette semaine encore, elle a pris une retentissante gifle du tribunal de Rose-Hill. Le magistrat Arun Rohamally a décidé de rayer les changes provisoires qui pesaient sur l’ancien directeur de la State Trading Corporation (STC). C’était en relation avec le bonanza des Rs 1,2 milliards du Covid.

Il ne s’est pas contenté de cette décision. Il a dénoncé les méthodes de l’ICAC, accusée d’avoir perdu la trame des investigations, d’avoir accepté d’être berné par un suspect se déclarant constamment souffrant. Bref, que ses enquêtes sont bidon, qu’elles prennent du temps, que les dossiers sont systématiquement présentés comme étant “complexes” et qu’ils prennent des années avant de les boucler.

Certains diront que la protection de ses copains vaut bien quelques claques, fussent-elles sonores, et que la manière de mener les enquêtes est voulue et délibérée. C’est pour mieux exonérer les vrais coupables. Comment ne pas les croire lorsqu’on voit le triste bilan de cette coûteuse ICAC ?

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