Je voudrais commencer cette rubrique en présentant les plus plates excuses pour avoir écrit, dimanche dernier dans le billet d’humeur consacré au cessez-le-feu à Gaza, plusieurs fois Hezbollah à la place de Hamas. Cela méritait d’être précisé.
Navin Ramgoolam l’a dit et répété dans nos colonnes dimanche dernier : ceux qui ont fauté auront des comptes à rendre. Oui, tout le monde est d’accord avec cette déclaration, surtout qu’au fur et mesure que des parties de certains audits sont rendues publiques, on se rend compte à quel point le précédent gouvernement et ses « dimounn » nommés à la tête et au sein des conseils d’administration des institutions publiques ont pillé les caisses de l’État. Ils se sont comportés comme s’ils avaient hérité de l’argent public et pouvaient le dépenser et le dilapider comme bon leur semblait, sans avoir de comptes à rendre.
Le problème c’est que malgré les promesses de Navin Ramgoolam et de ses ministres, le nombre de ceux qui ont des comptes à rendre peut, pour le moment, se compter sur les droits d’une seule main. Et en plus, comme souligné sur les réseaux sociaux, les rares interpellés s’en tirent avec un interrogatoire suivi d’une autorisation à quitter le pays. Pour le moment, ce ne sont que de petits poissons qui sont attrapés, si l’on peut dire, pas les gros, les très gros, qui semblent encore bénéficier de certaines protections. Ce qui fait que les Mauriciens commencent à se dire que plus ça change, plus c’est la même chose, et que, comme l’écrivait Jean de La Fontaine dans une de ses fables, il y a quelques siècles déjà : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.»
J’ai déjà évoqué dans cette rubrique les frasques du conseil d’administration du CEB, capable de nommer un chef de département au poste de CEO un jour, d’accepter sa démission en lui accordant sa pension calculée sur son nouveau salaire deux jours plus tard, et de lui accorder un contrat de deux ans pour le même poste quelques jours après. Ce même conseil d’administration n’a pas pris les décisions urgentes nécessaires pour renouveler les moteurs servant à la production de l’électricité, avec pour résultat que les coupures se multiplient. Comme ont pu se rendre compte les invités à la lecture du discours-programme du gouvernement, vendredi dernier.
Autant que je sache, les membres du conseil d’administration du CEB n’ont pas encore été questionnés et vaquent à leurs occupations — peut-être en tant que membres d’autres conseils d’administration — comme si de rien n’était. Dire que sous le précédent gouvernement on pouvait se faire interpeller, être longuement questionné, traduit en cour sous une accusation provisoire avec interdiction de quitter le pays seulement pour s’être moqué du Premier ministre ou d’un des membres de son gouvernement ! Autre gouvernement autre mœurs !
Concentrons-nous à présent sur une autre institution, la Mauritius Tourism Promotion Authority, qui a pour mission d’organiser des campagnes pour faire la promotion de l’industrie touristique mauricienne. Au fur et à mesure que l’on ouvre les dossiers disponibles de cette institution, on a la nette impression qu’elle a surtout été utilisée pour organiser les déplacements de son directeur aux quatre coins du monde et pour promouvoir les activités d’un membre de la prétendue jet-set locale. Dont la principale qualité aurait été d’être le beau-frère de l’ex-Premier ministre.
La MTPA aurait dépensé « plus de 200 millions de roupies dans des événements somptuaires, dont la sulfureuse “White Party” à Maradiva où des call-girls de luxe déguisées en mannequins internationaux auraient été payées sur fonds publics. » Le conseil d’administration de la MTPA aurait, dans la foulée, payé les billets d’avion de quatre supposées influenceuses russes, ukrainiennes et brésiliennes venues faire la promotion de l’hôtel Maradiva.
Est-ce qu’il n’est pas temps de demander aux membres du conseil d’administration de la MTPA et à son personnel de rendre des comptes sur les projets qu’ils ont approuvés et fait financer des fonds publics et les retours qu’ils ont générés ?
Il paraît que le Secrétaire Permanent du ministère du Tourisme, qui faisait partie du conseil d’administration de la MTPA, a été transféré dans un autre ministère. Est-ce que c’est en procédant à des transferts ou en ne réclamant pas des comptes à ceux qui ont été responsables des institutions de l’État et de leurs dépenses qu’on va faire payer ceux qui ont fauté ?
Jean-Claude Antoine