Les partis politiques l’ont, un temps, suggéré. Ils sont même quelques uns à l’avoir inclus dans leur programme de gouvernement, mais la mesure n’a jamais été introduite.
Il s’agit du Fiscal Responsibility Act, un texte qui existe dans plusieurs pays et qui s’assure qu’aucun ministre des Finances ou tout autre gestionnaire des fonds publics ne les détourne et les utilise pour favoriser les desseins de son camp politique.
Le dernier dirigeant politique à avoir publiquement évoqué l’introduction d’un Fiscal Responsibility Act est Navin Ramgoolam. C’était le 28 août 2022 lors du congrès annuel de son parti à Trianon. Il critiquait alors le fort taux d’endettement public. Beau joueur pour la circonstance, il avait tenu à préciser qu’il s’agissait d’une proposition faite par Paul Bérenger depuis 1996.
Il avait aussi pris la précaution d’ajouter “mo kontan rann à Cesar seki appartient à Cesar. Pou bizin fer li parski pa pou kapav less enn gouvernma fer seki MSM pe fer ek nou zordi. Zot pe defons lakes…” Voilà qui a le mérite d’être aussi clair qu’intellectuellment honnête.
D’autres acteurs politiques sont régulièrement revenus sur la nécessité d’une discipline fiscale, à l’instar de Veda Baloomoody qui, en tant que président du Public Accounts Committee, avait, lors de son intervention sur le budget 2016/2017, ardemment plaidé pour un texte qui réglemente la gestion des fonds publics.
Les récentes révélations sur la trésorerie précaire du fonds de la contribution sociale généralisée, une taxe arbitrairement imposée à la population par Renganaden Padayachy en 2020, a relancé celui de la redevabilité et de la responsabilité de ceux qui décident du sort des contributions des salariés et de leur épargne.
Parce que le fonds national de pension, sommairement biffé d’une trait de plume de notre patrimoine financier historique, servait à faire fructifier les placements des travailleurs et cela leur assurait leur pension de demain. Il était géré par un comité indépendant qui se chargeait de rechercher les meilleurs investissements permettant d’accroître le FNP.
Ce qui avait été dénoncé au moment de l’introduction de cette CSG, vulgairement copiée sur la France, où le ministre Padayachy a entrepris ses études universitaires, revient avec acuité dans le débat sur la gestion des finances publiques. Les mêmes critiques formulées lors de son introduction sont aujourd’hui reprises après que des questions des députés Ritesh Ramful et Aadil Ameer Meea ont permis la révélation de chiffres effarants : les cotisations à la CSG depuis 2020 se sont montées à Rs 25,8 milliards, desquelles Rs 25 milliards ont déjà été déboursées.
Ce n’est pas faute d’avoir pourtant été prévenu que l’aventure CSG était risquée. Reza Uteem l’avait comparé à un genre de “Ponzi Scheme”, des actuaires avaient souligné son caractère discriminatoire entre le public et le privé, tandis que les défenseurs des auto-entrepreneurs pestaient contre la supercherie qui consistait initialement à leur faire croire qu’ils devraient s’acquitter d’un taux fixe de CSG, avant de les frapper ensuite d’un pourcentage sur leurs revenus.
Il y eut de nombreuses mises en garde contre l’introduction de la CSG, sauf celle notoire de Reaz Chuttoo de la CTSP qui avait applaudi son introduction au motif que le FNP posait problème. Il est complètement mutique après la révélation de la caisse quasi-vide de la CSG. Et on peut le comprendre !
Il est, d’ailleurs, éloquent que les seuls qui soient montés au créneau pour défendre le bilan catastrophique de cette nouvelle taxe sont les porte-parole des entités créées par le ministre des Finances lui-même, à l’instar du directeur de Maurice Stratégie, Sanroy Seechurn, un ancien de l’Economic Development Board. Et çà ose se présenter comme “indépendant”. Oui, le FNP demandait à être amélioré et c’est par là qu’il fallait commencer, au lieu de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Mais il n’y a pas que la CSG qui remet sur le tapis l’urgence d’une loi sur la discipline fiscale. Il y a aussi tous ces rapports du PAC autant que ceux de l’audit – dont ils ont été nombreux à réclamer qu’ils soient débattus à l’Assemble Nationale – qui, tristement, nous rappellent chaque année à quel point le gaspillage, la fraude, la corruption et des irrégularités en tous genres siphonnent l’argent des Mauriciens, qu’ils paient la CSG, l’impôt direct et la TVA.
Où vont les milliards gaspillés, dénoncés chaque année, si ce n’est dans la poche de ces trop nombreux pourris qui continuent à piller l’argent des Mauriciens avec une révoltante impunité ? Qui a organisé la dilapidation des Rs 1,2 milliards dans l’acquisition d’équipements médicaux défectueux provenant de fournisseurs aussi improbables que Pack and Blister ? A-t-il été inquiété ? Non. Juste des semblants d’enquête comme sur le Molnupiravir, puis plus rien.
Ils sont quotidiens des exemples comme ceux-là. Les journaux en parlent, on s’en émeut, on se répand sur les réseaux sociaux, on se défoule à coups d’invectives jusqu’au prochain scandale, sans que le précédent ait été investigué, que les responsabilités aient été établies, et les fautifs identifiés et poursuivis. Et c’est ainsi que la longue trame des vols organisés des fonds publics est sans fin.
Le temps des paroles et des promesses est révolu. Les échéances électorales approchant, les partis politiques doivent prendre un engagement public et ferme d’introduire un Fiscal Responsibilty Act. Des modèles existent qui peuvent inspirer sa version mauricienne. Ils sont parfois couplés à une inscription dans la constitution et à une Freedom of Information Act, ce qui rend encore plus prudente et rigoureuse la conduite des affaires fiscales d’un pays.
À la fin, ce sont les mêmes principes qui doivent guider la gestion économique et financière : la transparence, la prévisibilité, un état des lieux régulier de la situation économique et, surtout, rendre délictueux et punissable par la loi toute infraction du Fiscal Responsibilty Act.
JOSIE LEBRASSE