C’est visiblement en essayant d’éviter au Premier ministre d’avoir à répondre à une question sur Angus Road que le Speaker a laissé remonter à la surface un comportement et un langage plus communs chez des bagarreurs de taverne que chez un arbitre des débats parlementaires. Faut-il comprendre que cette affaire Angus Road mine le Premier ministre pour qu’il utilise des stratégies grossières qui, comme la majeure partie de celles que lui proposent les gâte-sauces de sa kwizinn, finissent par se retourner contre lui. S’il s’était contenté, comme il l’a fait plusieurs fois déjà, de répondre sans répondre ou de répondre à côté de la question, il se serait épargné l’insulte répétée onze fois par son Speaker qui est devenu un buzz sur les réseaux sociaux repris par les médias internationaux et qui rejaillit sur lui. En même temps, Pravind Jugnauth a offert un gros bâton à l’opposition, qui ne va se priver de l’utiliser à tous les coups, pour faire oublier ses propres divisions. Par ailleurs, les tentatives du Premier ministre pour éviter de répondre aux questions sur l’affaire Angus Road commencent à laisser croire qu’il y a, dans ce dossier d’acquisition d’une propriété immobilière, des choses qu’il vaut mieux ne pas rendre publiques. Décidément, en termes de stratégie de communication, Pravind Jugnauth a de plus en plus intérêt à changer d’équipe eu égard aux résultats catastrophiques enregistrés à chaque opération.
L’actuel Speaker a réussi l’exploit de faire regretter Maya Hanoomanjee, qui était pourtant très critiquée du temps où elle assurait la présidence de l’Assemblée. On retiendra cependant du mandat de celle qu’on avait surnommée la maîtresse d’école, cette télévision parlementaire qui permet aux Mauriciens de découvrir les forces et surtout les faiblesses de ceux qu’ils ont élus ou qui ont été repêchés du karo kann de la défaite. Depuis, les caresseurs de joue et les tireurs de langue de la dernière Assemblée pour arriver au secondeur patenté de motions, au spécialiste du point de droit, à celle qui a fait des études à la Sorbonne mais qui est incapable de faire la différence entre LE et LA, sans oublier la spécialiste en jurons que les limiers du CCID et de l’ICTA ne sont pas parvenus à identifier ! Mais le meilleur de tous pour cette présente législature est sans conteste le Speaker. Celui que l’on surnomme le loudspeaker. Il s’était fait remarquer par sa propension à hurler, son ton menaçant et son besoin compulsif de faire taire et d’expulser les députés de l’opposition. Pour la dernière séance de l’Assemblée, il a révélé à quel niveau il pouvait plonger pour insulter les membres de l’opposition. Après avoir hurlé, pratiquement avec la bave aux lèvres, « look at your face ! » à Rajesh Bhagwan à onze reprises, il a assuré qu’il avait voulu faire un joke. En hurlant « look at your
face ! » a assuré le Speaker, il ne visait pas la décoloration de peau dont souffre Rajesh Bhagwan, il voulait simplement lui signaler qu’il ne portait pas son masque sanitaire ! Les explications du Speaker sont au même niveau que son comportement : minables.
Le Speaker affirme qu’il ne voulait pas stigmatiser Rajesh Bhagwan en lui rappelant sa maladie. On aurait pu lui accorder le bénéfice du doute s’il n’avait pas, dans un passé récent, autorisé des ministres à utiliser des termes et des documents médicaux contre leurs adversaires. À plusieurs reprises, le ministre de la Santé a utilisé des termes psychiatriques pour qualifier ses adversaires sans que le Speaker ne trouve à redire. Il y a quelques semaines, le même Speaker a laissé le ministre du Service civil dévoiler l’identité et lire des extraits du dossier médical confidentiel d’une employée du gouvernement décédée dans des circonstances tragiques. Tout en permettant aux ministres de violer les lois les plus élémentaires du respect des individus, le Speaker est d’une sévérité qui confine à la censure vis-à-vis des membres de l’opposition. C’est ainsi qu’il a soutenu la position du ministre des Finances qui, au nom de la confidentialité, refusait que le leader de l’opposition cite le nom de deux compagnies qui ont bénéficié de l’aide de la MIC, qui est alimentée par l’argent des contribuables. On a appris par la suite que ces deux sociétés n’auraient pas rempli les conditions attachées à l’aide de la MIC, mais qu’elles appartiennent à des proches du gouvernement. Il faut aussi souligner que le Speaker n’est pas seul dans cette manière de détourner les règles élémentaires. Il est soutenu par le silence complice — et parfois par les applaudissements — de toute la majorité gouvernementale. Dont le plus gros du travail consiste a dire « Aïe ! » et à taper la table du Parlement après chaque discours ministériel. En redoublant d’efforts, quand il s’agit d’une déclaration premierministérielle. C’est sans doute après avoir pris connaissance des faits évoqués plus haut que le président des Seychelles a déclaré récemment « nou parlman isi li bokou pli sivilize ki lasanble nasional Moris. »