C’est mardi, à l’Assemblée Nationale, que sera voté le report des élections municipales qui pourraient ne se tenir que dans deux ans. Pas de surprise à prévoir quant à l’issue du vote, le texte ne requérant qu’une majorité simple des voix pour être effectif. Pour ne pas changer, et alors même qu’ils avaient promis de ne pas faire comme leurs prédécesseurs, il est à parier qu’ils seront nombreux sur les bancs de la majorité à citer les renvois successifs qui ont eu lieu dans le passé pour tenter de justifier leur démarche tout en s’abritant aussi derrière la pandémie. Laquelle a parfois très bon dos.
Au pays où l’on peut voyager à soixante dans un autobus et faire parfois des trajets de plus d’une heure coincé dans un transport mal aéré, on ne peut pourtant pas aller aux urnes. On peut se retrouver dans une longue file d’attente pour se rendre au supermarché et dans des services gouvernementaux, et on vient nous dire que l’électeur, lui, ne pourra en faire de même et choisir ceux qui vont gérer sa ville parce cela risque de provoquer une flambée de l’épidémie.
Le MSM et ses acolytes ont pris le contrôle des municipalités en 2015. Le bilan est terrible. Les villes sont dans un état déplorable, les infrastructures sont laissées à l’abandon, les routes sont défoncées, la politique culturelle et sportive est inexistante. Nos villes sont d’une grande tristesse. Elles ne sont pas loin de ressembler à des cimetières.
Depuis le dernier confinement, tout le monde a appris à communiquer sur les réseaux sociaux. Pourquoi pas une campagne numérique et un vote électronique, sûr et inaltérable bien sûr, et sans salle informatique secrète où les chiffres peuvent être manipulés ? Il faut toujours avoir un œil dans le rétroviseur.
L’élection municipale est non seulement un droit démocratique, un acquis, mais il est aussi nécessaire, six après, pour essayer de revitaliser nos administrations urbaines appauvries. Dans tous les sens du terme. Les élections étaient prévues pour le mois prochain, pourquoi ne pas les fixer dans un délai plus rapproché, en décembre 2021, par exemple ? Pourquoi aller jusqu’à deux ans, jusqu’à 2023, jusqu’aux prochaines élections générales ? Pour que le gouvernement ait le temps de terminer son projet de Metro Express qui a profondément modifié pour pas dire défiguré nos villes, pour commencer enfin à réparer et à embellir un cadre de vie devenu infernal ?
Mais rien ne dit que les citadins se laisseront impressionner par le clinquant ou le semblant de modernité alors même que les besoins du quotidien sont ignorés. Le MSM n’avait-il pas précipité le lancement de la ligne du métro entre Rose-Hill et Port-Louis, juste avant les élections générales de novembre 2019, pour n’arriver qu’à obtenir qu’une seule députée sur les douze sièges concernés des circonscriptions 19, 20, 1 et 2 traversées par le tramway ?
Ce renvoi des municipales devrait aussi être l’occasion d’un débat sur la structure de la démocratie régionale. Entre 2000 et 2005, il y eut une initiative en vue de municipaliser tout le pays avec une dizaine de mairies. Au lieu de poursuivre l’initiative et faire aboutir le projet, le gouvernement de l’Alliance sociale avait, pour de basses considérations de clientélisme politique, préféré conserver le statu quo et maintenir le folklore des villageoises, occasion de toutes les dérives et de la confiscation du vote populaire. Comme on a pu le constater lors du dernier scrutin rural organisé en octobre dernier.
Vingt ans après cette tentative d’assainir le vote régional, on en est encore au clivage organisé, injuste, malsain et désuet ville/village, alors que le paysage rural a été profondément modifié depuis le développement des constructions hôtelières et résidentielles à grande échelle dans nos campagnes. Pire, le régime fiscal est toujours discriminant à l’égard des habitants des villes qui s’en souviendront certainement au moment d’accomplir leur devoir civique. Jusqu’à quand va durer cette ignominie ?
Et pourquoi ne pas considérer la suggestion formulée par Xavier Duval de tenir toutes ces élections le même jour, soit les élections nationales et les élections régionales dans le cadre d’une municipalisation sur tout le territoire ? Ce serait bien pratique et tellement plus économique.
Et qui dit qu’à la veille de l’échéance des deux ans, il n’y aura pas la présentation d’un autre texte pour renvoyer de nouveau les municipales. Ensam tou posib pour ceux qui sont devenus de véritables fossoyeurs de la démocratie. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir comment fonctionnent leur Parlement, leur MBC, leur GRA, leur ICTA, leur ICAC et leur police. Pour ne citer que quelques-uns des organismes qui se sont totalement dévoyés ces dernières années.
Gagner du temps, c’est la stratégie. Le temps de réaliser ce qu’ils savent faire de mieux : acheter les votes, distribuer des bribes sous forme de cadeaux et d’emplois. Recruter dans la circonscription du ministre, comme l’a fait, hier, Ivan Collendavelloo, et, aujourd’hui, Joe Lesjongard, par exemple.
La CWA, qui a une belle ardoise de Rs 3,7 milliards d’argent du contribuable, a embauché pas moins de 218 travailleurs qui seront affectés au secteur des réparations. Les fautes et les casses se sont multipliées autant que cela qu’il faille mobiliser une telle main d’œuvre supplémentaire ! La ficelle est bien grosse.
Il est dommage qu’en 1982, l’année du grand coup de balai et de cet amendement constitutionnel qui a rendu impossible le renvoi d’une élection générale, qu’il n’y ait pas eu, lors du rétablissement par la même occasion des municipales et partielles, la même démarche salvatrice et progressiste de faire en sorte qu’on ne puisse pas jouer avec les élections régionales. Comme quoi, il faut toujours faire des lois qui les inscrivent dans le marbre pour qu’ils aient un statut inviolable et pour que de petits dictateurs à venir ne les triturent à leur guise, pour leur intérêt politique personnel.