Dingueries

Et si tout cet épisode rocambolesque relevait, lui aussi, des méthodes de la mafia ? Un trait de l’esprit, vous croyez ? Non. À bien y voir, il y a tout ce qui se fait de mieux dans les milieux glauques des trafics et du grand banditisme. Il y a la rancœur, le désir de vengeance, l’estocade, puis il y a l’omerta.

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Pravind Jugnauth est dans la même posture que ces chefs de clan qui n’ont pas à se justifier, qui décident un petit matin et qui liquident un dimanche soir, avant de se murer dans un long silence. Le temps devant favoriser l’oubli. Vikram Hurdoyal constituait une belle prise pour le MSM en 2019. C’est un membre très influent de Lakwizinn qui avait eu l’idée de le faire tomber dans l’escarcelle du Sun Trust.

Sur son nom seulement, il avait recueilli 9,775 voix à Montagne Blanche/ Grande-Rivière Sud-Est aux élections générales de 2014. Cette belle performance en solo avait attiré l’attention. Resté longtemps dans le giron du PTr, le MSM trouva une occasion en or pour le convaincre de se rapprocher du parti lorsqu’il éprouva des difficultés auprès d’Air Mauritius pour exporter ses ananas.

“On t’embarque tes fruits et tu embarques avec nous”. C’est sur la base de ce deal, du genre dont est familier le MSM pour faire courber les gens, à défaut de les convaincre de le rejoindre par choix et par adhésion à ses projets, que Vikram Hurdoyal a rejoint l’équipe de Pravind Jugnauth avec, en prime, un ticket pour les élections de 2019.
Bénéficiant, cette fois, de l’appui puissant de l’appareil de parti et celui de l’État, il arrive en tête de liste avec près de 5,000 votes de plus devant ses propres colistiers Zahid Nazurally et Sunil Bholah. C’est dire son ancrage dans la circonscription No 10.
Et si, en voulant jouer au matamore, Pravind Jugnauth s’était, en fin de compte, tiré une balle dans le pied ? La séquence de la révocation s’est, en tout cas, retournée contre lui. En croyant faire dans la fine stratégie, il a réalisé une dinguerie et déclenché une machine infernale dont le calendrier lui échappe désormais.

Lui qui s’est plu à narguer ses adversaires et la population en évoquant des élections organisées le plus tard possible, en 2025, s’en retrouve fort dépourvu. S’il voulait prendre les devants et ne pas perdre la face avec un éventuel départ de son ministre dont les velléités de prendre le large et voir ailleurs datent de la fin de 2023 et des péripéties de la désignation du président du conseil de district de Flacq, il aurait certainement pu s’y prendre autrement.

Pourquoi avoir révoqué le ministre un dimanche soir et en son absence ? Y avait-il vraiment urgence ? Avait-il été mal renseigné par sa police politique sur les agissements de Vikram Hurdoyal et qui lui a mis sur des pistes fumeuses telles que des rencontres avec le leader du PTr et une démission imminente ?

Malgré tout cela, rien ne lui interdisait d’attendre le lendemain, jour du retour au pays de son ministre, pour obtenir de lui des clarifications sur ses intentions et ses états d’âme. Il est évident que, compte tenu du caractère effacé et plutôt docile de Vikram Hurdoyal, il n’a à aucun moment prévu que, dans un sursaut de dignité, il démissionne aussi comme député suivant son humiliante éjection du Conseil des ministres.
Il a dû se dire que, comme tous ceux qu’il a réussi à garder dans son giron malgré la multiplication de leurs casseroles, que le ministre révoqué ferait comme les autres, se taire et attendre patiemment la prochaine échéance pour être soit reconduit soit jeté par dessus bord, puis repêché dans un organisme para-public.

Il a aussi dû se dire qu’un ministre qui vient tout juste d’obtenir trois permis en septembre 2023 pour l’exploitation de bateaux de plaisance se tiendrait tranquillement à carreaux et à jouir des facilités qui lui ont été accordées. Un peu comme le fils de l’autre révoqué de Pravind Jugnauth, l’avocat Irvin Collendavelloo qui, lui aussi, s’est vu octroyer une licence de bateau de plaisance.

Et, est-ce pour conserver ces privilèges que le révoqué-démissionnaire remercie toujours le Premier ministre… pour lui avoir administré un coup de pied et qu’il a aussi choisi de garder sa carte de parti du MSM. À moins qu’il n’y ait d’autres raisons un peu moins reluisantes à ce feuilleton de l’été et que chacun se tienne par la barbichette. Toutes les conjectures sont permises en l’absence de déclarations claires de part et d’autre.

L’épisode Vikram Hurdoyal, déterminant, certes, pour la suite du calendrier politique et qui n’a pas encore révélé tous ses dessous, ne devrait pas nous faire perdre de vue d’autres dossiers urgents comme la dengue. Comme le Covid, cette maladie virale qui peut tuer, a initialement été prise à la légère.

Ce n’est que lorsque des foyers ont été identifiés que les autorités ont décidé de prendre l’épidémie, il est vrai encore régionalisée, au sérieux. Le nombre de cas ne cesse d’augmenter et on enregistre déjà deux morts, dont une très jeune femme.
Sur la dengue aussi, on attribue les décès aux complications induites par les “comorbidités”. Terme bateau et passe-partout qui permet de masquer les manquements de la politique précoce de prévention et de prise en charge des malades atteints de la dengue.

Au lieu de mobiliser les énergies et d’entreprendre une campagne de sensibilisation et de démoustication, on a eu droit, vendredi, à une “denguerie” plutôt, une de plus du ministre de la Santé qui s’est substitué aux professionnels pour s’emparer d’un canon à fumigation pour tuer les moustiques aux Salines, à Port-Louis.
La tisane après la mort. La quantité de déchets verts restée dans la nature et en bordure de routes depuis le passage mémorable de Belal est considérable. Et dire que l’on a les collectivités locales, Maurifacilities et la National Environment Cleaning Authority placée sous l’égide du Premier ministre, et que, plus d’un mois après la visite furtive d’un cyclone, le pays est toujours sale et propice à l’éclosion des moustiques. Et on ose s’étonner de la propagation de la dengue !
JOSIE LEBRASSE

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