Deux poids, deux mesures

Quand, en mars 2023, un mandat d’arrêt a été émis par la Cour Pénale Internationale contre Vladimir Poutine, les grandes puissances, qui se disent des modèles de démocratie, se sont félicitées de l’excellent travail accompli par l’instance des Nations Unies.

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Mieux : elles ont suivi ses directives en déclarant persona non grata le président de Russie. Depuis, ce dernier, par crainte de se faire arrêter dans un aéroport international, ne quitte la Russie que pour se rendre dans des pays qui ne respectent pas les directives du CPI, dont la Chine, la Corée du Nord, des États voisins de la Russie et de quelques pays arabes, comme la Syrie. Mais quand le procureur de cette même CPI, au terme d’une enquête sur le terrain, demande l’autorisation d’inculper le Premier ministre israélien et quelques dirigeants du Hamas de génocide à Gaza, les grandes puissances, qui se disent  démocratiques, hurlent au scandale et affirment – sans doute au nom de la démocratie ? – qu’on ne peut mettre sur le même pied d’égalité Benjamin Netanyahu et des dirigeants du Hamas. Mais à bien voir, est-ce qu’ils ne font pas tous la même chose : massacrer des civils palestiniens en les utilisant, le premier comme des cibles et les autres comme des boucliers dans cette guerre commencée depuis octobre de l’année dernière ? Quand ça arrange les grandes puissances qui se disent démocratiques, elles louent le travail du CPI. Quand ses actions vont à l’encontre de leurs intérêts – il ne faut pas oublier qu’elles fabriquent et vendent à Israël les armes que ses militaires utilisent à Gaza –, elles proclament que le CPI dépasse ses attributions.

Comme quoi, ces grandes puissances qui se disent démocratiques et veulent que le reste du monde soutiennent leurs stratégies n’hésitent pas à pratiquer une politique de deux poids, deux mesures.
En France, pour avoir déployé un drapeau palestinien dans l’enceinte du Parlement, pour attirer l’attention sur le massacre de civils qui continue de plus belle à Gaza, un député de l’opposition a été suspendu pour quinze jours. De quoi se demander si notre Phokeer national ne serait pas en train de faire des émules ? Mais il convient aussi de rappeler que la présidente du Parlement français a été une des premières personnalités du monde occidental à se précipiter en Israël, après le 7 octobre dernier, pour afficher sa solidarité avec Benjamin Netanyahu. Mais aucune des ces nombreuses personnalités qui ont fait le voyage à Tel Aviv et qui s’autoqualifient de champions de la démocratie n’a jugé bon de se rendre dans la bande de Gaza pour soutenir les parents des dizaines de milliers de Gazaouis tués par l’armée israélienne. Non satisfaits de soutenir Benjamin Netanyahu, ils justifient ce que fait son armée à Gaza en répétant qu’Israël a le droit de se défendre en attaquant militairement ses adversaires ! Même si jusqu’à présent ce sont surtout des civils qui sont victimes des bombes et des balles israéliennes.

Combien de temps durera cette « défense » d’Israël et combien de civils gazaouis devront être tués pour assouvir sa vengeance ? Au lieu de donner des ultimatums ou des cessez-le-feu qui ne sont mêmes pas considérés par Israël, il existe un moyen efficace de l’obliger à mettre fin à la guerre : arrêter de lui fournir les armes qui servent à tuer les civils à Gaza.

Mais en appliquant cette mesure, les grandes puissances vont ralentir ou peut-être même stopper leurs florissantes industries de fabrication d’armes. Dans ce cas, la logique économique l’emporte, et de très loin, sur les considérations démocratiques. C’est ce qui explique cette politique de deux poids, deux mesures actuellement pratiquée par les grandes démocraties. Si ce n’était pas le cas, est-ce que certaines d’entre elles continueraient à opposer leur veto aux résolutions des Nations Unies pour mettre fin à cette guerre qui, il faut le répéter, a tué des dizaines de milliers de civils et chassé de chez eux plus de deux millions de Gazaouis ?
L’acharnement militaire d’Israël sur la bande de Gaza a fait descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes, principalement des jeunes, pour dire leur solidarité avec les victimes. Mais surtout pour dire leur désaccord avec la politique menée par les dirigeants de leurs pays qui, en guise de réponse, leur envoient les forces de l’ordre.

La multiplication des manifestations démontre que le fossé entre gouvernants et gouvernés se creuse dans les pays qui se considèrent comme les grandes démocraties qui doivent continuer à diriger le monde. Ces gouvernants ne semblent pas se rendre compte que leur manière de diriger est de plus en plus contestée et que leur « gestion » de la guerre de Gaza est en train de créer les conditions pour l’avènement d’un printemps dans les pays occidentaux. Comme celui qui emporta des dirigeants de certains pays arabes, à partir de décembre 2010.
Jean-Claude Antoine

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