Des municipales

Après avoir été renvoyées à plusieurs reprises et sous des prétextes les plus bidons les uns que les autres, les prochaines élections municipales auront lieu le 4 mai. On comprend que le MSM et ses alliés d’alors aient décidé de renvoyer ces élections trois fois de suite. Leur stratégie politique était de concentrer leurs efforts sur les circonscriptions électorales 4 à 14 qu’ils pensaient acquises à tout jamais pour se maintenir au pouvoir. Des circonscriptions situées dans les régions rurales et qualifiées de hindu belt pour les politologues qui ne fonctionnent qu’en termes de divisions communales, catéistes et ainsi de suite. C’est-à-dire pas mal de partis politiques et de politiciens de tous les bords. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à parcourir avec attention leurs listes de candidats et les circonscriptions qui leur ont été attribuées aux dernières élections. Plus loin dans l’interview qu’il nous a accordée, Shakeel Mohamed explique qu’il fallait passer obligatoirement par cette étape pour remporter les élections afin de pouvoir changer les règles que tous dénoncent en les pratiquant. Attendons voir.
Autrefois, au temps où la politique avait encore ses lettres de noblesse, les municipalités étaient une étape fondamentale dans l’apprentissage de celui qui aspirait à faire carrière dans la vie publique. Il commençait cet apprentissage dans les conseils de village et les conseils de district, où il faisait l’acquisition d’un solide bagage avant de se faire élire dans une municipalité où il apprenait le fonctionnement des rouages de l’administration régionale. S’il parvenait à les maîtriser, s’il arrivait à s’établir une bonne réputation, il pouvait alors obtenir un ticket pour les élections générales et, en cas de victoire, caresser le rêve de devenir un jour ministre. Mais cet apprentissage qui permettait de former le personnel politique n’est plus pratiqué. Les partis politiques ne choisissent plus leurs candidats aux municipales en fonction de leurs capacités et de leurs expériences, mais d’abord et avant tout pour leur loyauté au leader, au parti et leur profil communal. Ce qui fait que le personnel politique municipal qui était autrefois respecté n’est aujourd’hui composé que de seconds ou troisièmes couteaux. Par ailleurs, au fil des années, les gouvernements successifs ont petit à petit diminué ou enlevé tous leurs pouvoirs et leurs ressources aux municipalités et aux conseils de district. Exemple : la taxe municipale qui permettait aux municipalités de disposer de fonds pour financer une partie de leur budget n’existe plus, emporté par une décision électoraliste. Le budget est désormais financé par le gouvernement avec ce que cela implique en termes de dépendance et d’obligation de respecter les instructions dictées depuis l’hôtel du gouvernement ou le siège des partis politiques au pouvoir. Les collectivités locales, créées pour permettre aux régions de se développer, sont devenues des annexes du gouvernement. Comme les conseils de district, elles sont devenues des coquilles vides au service du gouvernement, pas de celui de leurs électeurs. Il est courant de voir des ministres et des leaders de partis donner des directives de votes aux membres de conseils municipaux en pleine séance du conseil. Les élus municipaux ne sont en fait que de pitoyables marionnettes qui votent ce que l’on dit de voter et ont réussi à faire les municipalités reprendre le surnom que l’on donnait dans les années 70 du siècle dernier, à celles contrôlées par le PMSD : les écuries d’Augias.
Eu égard à la situation où se trouvent les municipalités, des aspirants candidats et même des électeurs se demandent si cela vaut la peine de participer aux élections municipales si les lois qui ont été votées pour que la politique municipale soit décidée à partir de l’hôtel du gouvernement — quels que soient ses occupants — sont maintenues. On dira que tenir les élections municipales est, dans le contexte local de trois renvois consécutifs, une grande avancée démocratique. Mais à quoi sert une avancée démocratique si elle est encadrée par des lois et un cadre qui l’empêchent de fonctionner ? Si on souhaite un vrai retour à la démocratie régionale, au lieu d’une victoire électorale qui sera interprétée comme un plébiscite pour l’action du gouvernement, un prolongement des derniers 60/0, ce sont des questions qui devront être posées par les citadins aux candidats et aux dirigeants des partis, principalement ceux du gouvernement, lors de la campagne électorale. Et ces derniers devront y répondre et prendre des engagements pour restaurer, dans les faits pas uniquement dans les discours, la démocratie dans les municipalités.
Est-ce que ce sera le cas ?
Jean-Claude Antoine

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