Le Guide - Législatives 2024

Derrière les photos

L’affaire de la double casquette du notaire Kavi Ramano qui signe les demandes de permis EIA au ministre Kavi Ramano n’ayant pas encore été totalement enterrée, voilà que le ministre se retrouve projeté dans un nouvel épisode peu glorieux. Il figure dans une photo d’un de ses mandants interpellés pour trafic de drogue. Il ne peut pas dire qu’il ne connaît pas Hussein Issack, sa photo en la très bonne compagnie de ce monsieur fait l’objet d’une large circulation sur les réseaux sociaux.
La proximité n’est visiblement pas que photographique. Il y a bien plus derrière les photos. Le trafiquant est un employé du ministère qu’occupe Kavi Ramano. Il est un General Worker du ministère de l’Environnement. Il est de cette catégorie dont le recrutement procède des pouvoirs délégués de la Public Service Commission et qui sont dévolus directement au ministère. Il ne faut pas être grand détective pour savoir comment ce trafiquant /agent politique a atterri au ministère de son député /ministre.
C’est comme ça, d’ailleurs, que les ministres, PPS et députés de la majorité établissent la liste de leurs agents et de leurs mandants et qu’ils casent un grand nombre d’entre eux dans les ministères et les organismes para-publics.
Lorsqu’on sait que même le protocole de la Public Service Commission et de la Discipline Forces Service Commission est contourné pour le recrutement de proches du pouvoir et que, là aussi, il y a des listes bloquées et des répartitions par circonscriptions pour qu’il n’y ait pas de jaloux ou de frustrés dans les rangs de la majorité, on peut imaginer comment les coups de canif à la méritocratie sont organisés de la part de ceux qui, en 2014, promettaient des séances filmées et enregistrées des entretiens d’embauche dans le public. Mais on n’en est pas à un renoncement près…
Kavi Ramano, lui, a apparemment un vrai problème d’environnement. Déjà, alors qu’il était député indépendant et qu’il se trouvait dans l’antichambre du Sun Trust qu’il allait rejoindre l’année suivante, son chauffeur personnel, un habitant de Quatre-Bornes évidemment, avait été arrêté le 5 novembre 2018 à son domicile en possession d’une certaine quantité de cannabis.
Cette affaire, pourtant très sérieuse, puisqu’il s’agissait de trafic de drogue de quelqu’un qui gravite dans l’entourage d’un homme public, avait aussi suscité de grands sourires pour ne pas dire des ricanements lorsque le prévenu avait, pour sa défense, expliqué avoir ramassé le paquet de stupéfiant « dans la rue ».
Sa colistière du même camp de la majorité gouvernementale, Tania Diolle, n’est pas en reste puisqu’il y a des photos d’elle en circulation où on la voit, encore plus complice, avec Hussein Issack. La protégée d’Alan Ganoo est décidément mal barrée sur le front de la drogue puisque son propre frère, Joachim Diolle avait été interpellé en janvier dernier en possession d’héroïne.
Le plus scandaleux dans ce dernier cas est qu’il a bénéficié d’un traitement un peu particulier de la part de la police. Il avait été rapidement libéré et avait bénéficié d’un exceptionnel encadrement policier lors de sa comparution au tribunal de Rose-Hill.
À Quatre Bornes comme ailleurs, au no 14, par exemple, où la « grande générosité » des élus est poussée à l’extrême, avec couettes, gâteaux Marie, vins, chocolats, matériel scolaire, bref tout ce qui peut être distribué, des interrogations sont de rigueur sur la provenance des fonds qui servent à de telles distributions infantilisantes pour la population.
Retour à 1983 où les « tent lamone ladrog » finançaient à peu près tout jusqu’au fameux gratte-ciel portlouisien et que le cartel dont le slogan « guvernma dan nou lame », resté célèbre, s’affichait avec arrogance et s’infiltrait jusqu’à la State House !
Il y a tout lieu de le penser lorsqu’on sait qu’un pouvoir – sans principe et qui ne veut pas connaître la provenance de l’argent, même s’il a une forte odeur de poudre et de mort – a le don d’attirer tous ceux qui sont dans la drogue ou qui ont un proche impliqué dans un quelconque trafic.
Qui ne se souvient du cas de cet ancien membre du MMM de la région de Quinze Cantons, Yannick Catherine, qui avait démissionné en février 2022, trois mois seulement après l’arrestation de son frère en possession de Rs 300,000 de drogue synthétique à Pierrefonds ? Lorsqu’on annonce une démission avec fracas, il faut toujours aller fouiller un peu pour établir les vraies raisons derrière des retournements spectaculaires de veste. Le glauque n’est jamais très loin.
Ce qui est mis en exergue plus haut impose plusieurs grilles de lecture. Il est, d’abord, un fait que, malgré tous les grands discours sur la drogue, le fléau est partout, à tous les coins de rue. Il l’est parce que, entre les revendeurs et les consommateurs, de temps en temps pris la main dans le sac, aucun vrai baron n’a jusqu’ici été mis hors d’état de nuire et mis derrière les barreaux. Sa source de financement n’est pas, non plus, établie ni tarie.
Rien de tout ça. Ce qui laisse prospérer le commerce de la mort et qui accrédite la croyance populaire que le fléau revêt deux facettes, les saisies spectaculaires, curieusement moins récurrentes à l’approche des élections, et une tolérance du trafic par des barons qui tiennent certaines autorités, le cas Franklin étant l’exemple le plus éloquent de cet état de fait.
Ce serait intéressant de savoir si Pravind Jugnauth – celui qui se pose en « gran kaser lerin mafia ladrog » et qui est friand de l’exhibition de photos considérées comme compromettantes pour ses adversaires qui ne sont pas à l’Assemblée Nationale – brandira, mardi, lors des débats sur le financement politique, celles de Geanchand Dewdanee, de Shakeel Baulaum, d’Alan Ganoo avec son chauffeur personnel Ravin Jani et de ses ministres Maneesh Gobin, Kavi Ramano et Tania Diolle en compagnie du tout dernier agent politique de la majorité épinglé avec des stupéfiants. Ça promet…

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