— Qu’est-ce que tu dis de cette fraîcheur-là !
— Ayo ma chère, mo finn met kwet lor molton, j’ai été tirer le vieux Polar de maman, gagn fre mem je te dis. On a dû mettre des chaufferettes.
— Attention à ton bill de CEB, parce que ces affaires électriques-là, ça use beaucoup de courant.
— Je sais, mais qu’est-ce que tu vas faire, toi ? On est obligés de se chauffer.
— C’est une fraîcheur qui traverse les molletons et entre dans tes os. Moi je mets des linges en coton en dessous, des linges en flanelle et en laine au-dessus, me mo gagn fre mem je te dis.
— J’espère que ce mauvais temps va finir une fois pour toutes. Tu ne peux pas savoir avec quelle impatience j’attends l’été.
— Et je suis sûre qu’à ce moment-là tu vas te plaindre de la chaleur et regretter l’hiver. Dis-moi un coup, ta cousine elle est malade ?
— De quelle cousine tu es en train de parler ?
— X, celle qui est très impliquée dans la politique, qui va dans les fonctions, les meetings tout ça.
— Pourquoi tu me demandes ça ?
— Je l’ai croisée l’autre jour, dans un shopping mall, elle paraissait fatiguée ou tracassée. On dirait qu’elle était en train de causer toute seule en secouant la tête
— Elle n’est pas bien. Si ça continue comme ça elle va avoir une dépression.
— Mais pourquoi ?
— Parce qu’elle est fatiguée d’attendre toi.
— Elle attend quoi comme ça ?
— La confirmation. Ça fait des mois qu’elle attend, elle n’en peut plus.
— Mais qu’est-ce qu’elle attend comme ça, quelle confirmation ?
— Le ticket, enfin ! On dirait que tu n’étais pas au courant…
— J’ai l’impression d’être comme un chien dans la musique. Tu veux dire que ta cousine veut avoir un ticket pour les élections ? Elle va poser ?
— Oui, elle veut avoir un ticket, mais pas pour elle, pour son garçon.
— Ah bon ?! Je ne savais pas. Raconte-moi cette affaire-là un coup.
— Comme tu l’as dit, ma cousine est très impliquée dans la politique, elle fréquente les VIP et elle dit même qu’elle cause régulièrement avec les VVIP. Elle avait demandé un ticket pour son garçon et on lui avait dit oui.
— Il a l’étoffe d’un candidat son garçon ?
— Question communauté et caste il est ce qu’il faut, il a de la famille dans la circonscription et, plus important, ses parents, surtout sa maman, a les contacts et les connexions qu’il faut, au plus haut niveau.
— Il avait fini d’avoir son ticket alors.
— D’après ma cousine on avait promis à son garçon non seulement un ticket, mais aussi un ministère. Tu sais comme elle est grand noir : elle a fané la nouvelle dans toute la famille. C’est tout juste si elle n’a pas fait publier un faire-part dans les journaux !
— Si son garçon a eu son ticket, pourquoi est-ce que ta cousine stresse comme ça alors ?
— Ça, c’était avant les derniers développements.
— Quels développements encore ?
— Écoute : il faut absolument que tu t’informes de ce qui se passe dans le pays. Tu ne sais pas que le PMSD a cassé avec l’alliance de l’opposition, pour rentrer dans le gouvernement MSM ?
— Qui peut l’ignorer : on ne parle que de ça depuis des semaines. Qu’est-ce que ça change pour le garçon de ta cousine ?
— Mais tout, toi.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
— Le plus important dans cette affaire, et le plus dramatique pour ma cousine, c’est que le nombre de tickets a diminué. On dit que le PMSD va avoir 13 tickets.
— 13 tickets ! Est-ce qu’avec tous ceux qui ont quitté la basse-cour il peut avoir 13 candidats ?
— Si tu veux mon avis, deux tickets même c’est beaucoup pour ce que le PMSD représente. Mais tu sais, il y a dans les alliances politiques une logique qui dépasse la logique.
— En quoi cela affecte le garçon de ta cousine ?
— Au départ il avait toutes ses chances quand l’alliance avait 60 tickets à partager. Avec le PMSD, les petits partis de Collendavelloo, Obeegadoo et Ganoo ça fait 20 tickets en moins.
— J’ai entendu dire que le MSM allait garder 40 tickets pour lui.
— Oui, mais on dit que le PM va donner un ticket aux femmes par circonscription, ce qui va encore réduire le nombre de tickets. Et puis, il ne faut pas oublier que les ministres, PPS et députés vont vouloir poser encore une fois.
— C’est vrai que quand tu fais le calcul il reste pas beaucoup de tickets disponibles. Mais tu n’avais pas dit que les VVIP avaient promis, non seulement un ticket, mais un ministère à son garçon.
— Ça c’était avant les développements politiques.
— Mais puisque ta cousine a les bon contacts, pourquoi elle ne demande pas à rencontrer les VVIP, ceux qui donnent les tickets ?
— Elle a essayé, mais il paraît qu’ils ne reçoivent personne pour le moment et que, surtout, ils ne donnent aucune indication sur qui va avoir un ticket. Personne ne sait, toi. Tout le monde attend.
— Je comprends que ça doit être vraiment stressant pour ta cousine d’attendre comme ça.
— Je te dis qu’elle va finir par avoir une dépression politique. Maintenant tu comprends pourquoi elle cause toute seule, en secouant la tête, dans les shopping malls ?!
J.-C.A.