Savez-vous quel est le sujet le plus important de la présente campagne électorale qui a commencé depuis des mois, pour ne pas dire dès le lendemain des élections de 2019 ? Tout simplement, le montant de la pension de vieillesse. Pravind Jugnauth l’a compris depuis 2019 en promettant au troisième âge une augmentation du montant, s’il remportait les élections. C’était une invitation, on ne peut plus claire, à voter pour lui, afin qu’il puisse tenir sa promesse. Ce que firent la majorité des pensionnaires qui avaient compris, comme beaucoup de Mauriciens, que même si elle ressemble à un bribe électoral, une promesse électorale est toujours bonne à croire. D’autant plus que, suite à des mois et des années de procédure, la Cour suprême puis le Privy Council ont conclu qu’en annonçant une augmentation du montant de la pension de vieillesse, lors d’un grand rassemblement de pensionnaires à la veille des élections, Pravind Jugnauth n’avait pas violé la loi électorale en promettant un « bribe » aux électeurs.
C’est, sans doute, ce jugement qu’il célébra comme grande victoire sur ses adversaires, qui a incité Pravind Jugnauth à récidiver cette année. En s’y prenant avant l’annonce de la date des élections, afin d’éviter toute éventuelle pétition pour bribe électoral. On ne peut pas faire autant confiance à l’ICAC qu’à tous les juges. C’est, donc, en janvier que le sujet fut remis sur le tapis. Mais comme d’habitude, la stratégie de la kwizinn fut sinon mal conçue, en tout cas mal exécutée. Car Pravind Jugnauth annonça une augmentation du montant de la pension de vieillesse uniquement pour ceux âgés de plus de 75 ans. Une minorité dans cette catégorie sociale et surtout électorale. La majorité, dépitée, fit savoir aux députés du gouvernement qu’elle se souviendrait de cette politique de deux poids deux mesures aux prochaines élections. Comme cette catégorie regroupe plus de 240,000 électeurs, elle est indispensable, incontournable pour une victoire électorale, en ces temps où un tiers de l’électorat dit ne pas vouloir aller accomplir son devoir civique. Il fallait, donc, faire oublier l’erreur de janvier.
C’est ce que fit Pravind Jugnauth à la télévision, le 12 mars, dans son discours à l’occasion de la fête nationale. Il annonça qu’à partir du mois prochain, le montant de la pension de vieillesse passerait à Rs 13,500 : le montant promis en novembre 2019. Vendredi, le Conseil des ministres décida « d’améliorer » l’annonce du Premier ministre en créant des tranches d’âges entre pensionnaires avec des barêmes différents. Ainsi, ceux âges de 60 à 65 ans auront Rs 13,500 ; les personnes âgées de 65 à 74 ans auront droit à Rs 14,500 ; ceux âgés de 75 à 89 ans toucheront Rs 16,000 ; ceux de 90 à 99 ans Rs 23,700, et ceux âges de 100 ans et plus Rs 28,710.
Pour les pensionnaires, c’est à la fois Noël et le Nouvel An en mars et pour le gouvernement, le sentiment d’avoir réparé l’erreur de janvier et de s’être assuré le vote d’un important segment de l’électorat, car qui ne voterait pas pour que le distribution de cadeaux – qui ne sont pas officiellement des bribes électoraux – continue ? Tout le monde se fiche du fait que cette généreuse augmentation coûtera d’autres milliards à l’État, c’est-à-dire aux contribuables, et qu’en plus il en récupérera une bonne partie, grâce aux taxes directes et indirectes. Certains se posent, cependant, la question suivante : puisque le gouvernement a déjà « gâté » les pensionnaires en mars, que va-t-il lui rester comme cadeaux à leur offrir d’ici aux prochaines élections ? D’autant plus qu’il est connu que l’électeur a la mémoire courte, qu’il réagit dans le très court terme et qu’il vaut mieux le cajoler au plus près possible des élections pour obtenir son vote.
Face à ce coup politique réussi du gouvernement, l’alliance de l’opposition aura du mal à encaisser et à réagir. Dans sa conférence de presse de samedi, Navin Ramgoolam a estimé que les Rs 13,500 qui seront payés en avril ne valent plus que Rs 10,500 avec la dévaluation de la roupie et les diverses augmentations de prix. Pour sa part, Xavier-Luc Duval a déclaré que les augmentations annoncées sont « enn illusion monetaire. » Je ne suis pas sûr que ces arguments feront les pensionnaires voter pour l’alliance PTr/MMM/PMSD aux prochaines élections.