L’Independant Broadcasting Authority, dont on sait qu’elle est tout sauf indépendante, vient encore une fois de sévir. Elle vient de promulguer de nouveaux règlements contre sa cible privilégiée : les radios privées. Pas l’ensemble des radios mauriciennes, mais deux d’entre elles, celles qui ont les plus fortes audiences, parce que faisant de l’information, organisant des débats sur des sujets d’actualité — parfois controversés — recevant sur ses plateaux des invités de tous horizons, prenant au téléphone tous les auditeurs voulant s’exprimer — souvent avec véhémence. Bref, faisant ce qu’une radio digne de ce nom doit faire. C’est une manière de faire de la radio — la seule qui soit, en fait — qui ne plaît pas aux maîtres de l’IBA. Car ça aussi on l’a compris au fil du temps : l’institution indépendante prend ses instructions d’en haut. Ceux qui les donnent à l’IBA préfèrent nettement la façon de faire de la MBC : des journaux à la gloire du gouvernement, de la désinformation, des débats où ne sont invités que ceux qui sont en faveur de l’action gouvernementale. Soit une radio sur le modèle de la Pravda, dont on a pu voir le « traitement impartial » depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’IBA a manifestement branché ses radars sur ces deux radios privées, pas les autres, surtout pas sur la MBC, même quand cette dernière viole de façon flagrante les règles minimum de l’impartialité. Le plus fameux exemple étant la censure d’un passage du message de Noël du Cardinal Maurice Piat considéré comme inapproprié par un censeur embusqué. Non, l’IBA n’écoute pas la MBC et elle n’a pas besoin de le faire puisqu’elles font partie de la même écurie et leur mission est de défendre leur patron et ses amis en essayant de réduire au silence ceux qui ont l’outrecuidance de les critiquer.
Selon les nouveaux règlements de l’IBA, les présentateurs des émissions d’information — surtout celles qui traitent de sujets de brûlante actualité — doivent être impartiaux. C’est-à-dire de ne pas permettre que le gouvernement soit critiqué sans pouvoir y répondre. Or, l’IBA le sait : les représentants du gouvernement refusent de participer aux émissions des deux radios où le gouvernement peut être critiqué. Alors, comment permettre à quelqu’un de se défendre dans un débat auquel il refuse de participer ? Il faudra que l’IBA vienne avec un autre nouveau règlement pour expliquer aux journalistes comment faire pour respecter les nouveaux règlements qu’elle vient de pondre. Qui va juger de la partialité ou de l’impartialité d’un journaliste, d’une émission ou d’une radio ? L’IBA, cette autorité régulatrice qui n’hésite à brandir la menace du non-renouvellement de la licence des radios qui n’obéiraient pas au doigt et à l’oeil à ses nouveaux règlements ridicules. Dans le paysage politique mauricien, il y avait déjà le Speaker, qui au lieu d’arbitrer les débats parlementaires, y participe en tant que goalkeeper du gouvernement. Avec ses nouveaux règlements, l’IBA est en train d’essayer de lui ravir ce poste. Pour aller jusqu‘au bout de sa logique de goalkeeper gouvernemental, l’IBA devrait, comme l‘a suggéré un journaliste, « assister au briefing de la rédaction, choisir les sujets à traiter et ceux à éviter, déterminer à qui il faut poser telle question. » En résumé, faire exactement ce que fait la MBC en muselant la liberté d’expression de ses journalistes et de ses auditeurs payeurs de redevance. Mais notre histoire récente l’a démontré : pendant la période de l’état d’urgence des années 1970, la censure de la presse n’a pas empêché la circulation de l’information. Peut-être même que, paradoxalement, la censure l’a aidée à mieux circuler…
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À la suite d’un message publié sur les réseaux sociaux alléguant que le Deputy Prime Minister Obeegadoo était intervenu pour éviter la quarantaine sanitaire à sa fille, la CID avait sévi. L’auteur du message avait été arrêté, incarcéré pour une nuit et poursuivi par la CID. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque, mais elle est passée totalement inaperçue quand les charges portées contre l’auteur du message ont été rayées en cour, cette semaine. Encore un cas d’une accusation de la police portée contre un internaute, dans un cas impliquant un membre du gouvernement, ou ses proches, qui a été rayée en cour. Encore un cas dont la fin a été moins bien traitée, médiatiquement, que son début.
Jean-Claude Antoine