Le 11 décembre 2017, cette politicienne, candidate à la partielle de Quatre-Bornes sous les couleurs du Mouvement patriotique, participe à une émission de radio au cours de laquelle un des invités la traite en direct d’opportuniste. L’adjectif qualificatif est repris par la presse et l’émission postée sur les réseaux sociaux sans que la politicienne se sente diffamée. À la proclamation des résultats, elle ne recueille que 6,66 des voix et perd sa caution. En 2019, à la veille des élections générales, le MP réalise un exploit : après avoir été partenaire de l’alliance menée par PTr, il change de casaque et rejoint celle du MSM en quelques heures seulement. Cette rapidité dans le changement d’allégeance provoque beaucoup de réactions dans la presse et sur les réseaux sociaux. Le 6 octobre 2019, après ce changement de camp du MP, Mme Fazila Ruhomally, une internaute très active sur le net, poste sur son site une copie de l’émission où la candidate du MP était traitée d’opportuniste avec ses commentaires. Aucune réaction de la politicienne qui se présente aux élections générales de 2019 à Quatre-Bornes. Elle est, une fois de plus, rejetée par l’électorat, mais repêchée par le système de best loser qui lui permet d’entrer au Parlement où elle se rend célèbre par son « élégance », ses discours, ses citations – de la chanteuse Rihana, entre autres – et ses approximations qu’elle est obligée de rectifier. Jusqu’au mois de juillet 2020, la politicienne ne réagit pas au post de Mme Ruhomally, toujours présente sur le net. Et puis en juillet, la politicienne découvre, avec effet rétrocatif, qu’elle a été diffamée par le post de 2019, se sent « annoyed » et dépose une plainte à la police.
Comme à chaque fois qu’un membre du gouvernement ou un notable se sent « annoyed » par un post sur internet, la police agit rapidement et en force. Le 23 juillet, à six heures du matin, une dizaine de policiers débarquent au domicile de Mme Ruhomally et la conduisent aux Casernes Centrales où elle est interrogée pendant plusieurs heures avant d’être accusée d’avoir « annoyed » la députée pour avoir repris un post… datant de presque trois ans. L’internaute est accusée de breach of ICTA et l’affaire, qui devait être entendue en Cour au mois d’avril dernier, est renvoyée à cause du confinement. Entre-temps, il y avait eu le jugement de la Cour suprême donnant raison au syndicaliste Vinod Seegum qui, condamné pour breach of ICTA par la Cour intermédiaire, avait fait appel. Dans le jugement, deux juges de la Cour suprême ont décrété que le terme « causing annoyance » utilisé par la police pour poursuivre les internautes est anticonstitutionnel. Du coup, toutes les affaires de la police contre les internautes sous cette accusation devaient être, de facto, rayées. Comme celle logée contre Mme Ruhomally.
Sauf que le CCID semble avoir jugé bon d’ajouter une suite inédite à la conclusion logique de cette affaire. Lundi dernier, Mme Ruhomally est convoquée à la Cybercrime Unit où elle se rend le lendemain. Elle apprend d’un inspecteur que l’affaire allait être rayée en Cour mais qu’avant, il fallait qu’elle signe un papier envoyé par le bureau du DPP. Dans ce papier, l’internaute devait prendre l’engagement de ne plus écrire des commentaires sur la députée qui avait été traitée d’opportuniste et de lui présenter des excuses. L’internaute ayant refusé de signer le libellé de la lettre attribuée au bureau du DPP, son contenu a été amendé par l’inspecteur de la Cybercrime Unit. Question : est-ce que la Cybercrime Unit est désormais une section du bureau du DPP ou est-ce la police a essayé de forcer l’internaute à présenter des excuses à la politicienne qualifiée d’opportuniste ?
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Du côté MSM, on s’extasie sur l’anglais de Steeve Obeegadoo interviewé par CNN. C’est vrai qu’il n’y a pas de comparaison possible à la calamiteuse interview de Pravind Jugnauth à la BBC, l’année dernière. Le ministre du Tourisme répond et argumente, tandis que le Premier ministre, mal à l’aise, récitait une leçon mal apprise. Parce que mal écrite ? Ceci étant, il conviendrait de se départir de l’admiration éperdue pour l’anglais shakespearien de M. Obeegadoo pour s’arrêter sur le contenu de son discours. Est-ce faire preuve de responsabilité et de transparence de déclarer sur CNN que Maurice était « relatively covid safe », vendredi, alors que la veille, les services du ministère de la Santé avaient enregistré plus de cent nouveaux cas de covid ? Que ne faut-il pas dire – avec ou sans accent – pour conserver un poste de ministre ?