Ainsi donc, la direction d’Air Mauritius a choisi de licencier Yogita Baboo avant de réintégrer ses collègues. Pour rappel : un groupe d’employés d’Air Mauritius a choisi de ne pas se faire vacciner contre le Covid en suivant les recommandations du ministère de la Santé. Mais comme la direction d’Air Mauritius est — en tout cas se croit — un État dans l’État avec ses propres règles, elle avait suspendu les employés qu’elle considérait récalcitrants. Parmi se trouvait Yogita Baboo, qui commençait à agacer la direction du Paille-en-Queue. En effet, non seulement cette employée refusait de se faire vacciner, mais en plus, en tant que présidente de l’Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA), elle fourrait son nez partout et, en plus, se permettait de faire des déclarations à la presse écrite et parlée.
Dans n’importe quelle autre compagnie aérienne, on dirait que c’est le travail d’une syndicaliste de se préoccuper du sort de ses membres et de défendre leurs intérêts. Mais à Air Mauritius, la direction croit toujours qu’elle est en situation de monopole et ne tolère pas la critique. Surtout quand elle questionne ses décisions et démontre qu’elles ne sont pas dans l’intérêt de la compagnie. Une compagnie qui, à cause justement de ces décisions, a été mise en liquidation, forcée de vendre ses avions — pour en acheter d’autres ! — a mis au chômage technique plus de la moitié de son personnel, dont les salaires ont été réduits et la retraite devenue de plus en plus incertaine. Et pendant que le personnel était obligé de se serrer la ceinture, la direction continuait de jouir de ses privilèges malgré la grave crise à laquelle faisait face la compagnie.
Dans une ambiance de plus en plus malsaine, avec des menaces à peine voilées répétées, Yogita Baboo a continué à faire son travail de syndicaliste puisque son employeur lui interdisait de pratiquer son métier d’hôtesse de l’air. Ses critiques contre la direction continuant et trouvant un écho dans l’opinion publique, il a été décidé, puisqu’on ne pouvait pas la faire taire, de se débarrasser d’elle. Pour avoir une fois de plus répété ce qu’elle a dit une centaine de fois dans les journaux et sur les ondes des radios privées, elle fut assignée à comparaître devant un comité disciplinaire. Ce qu’elle refusa pour suivre les instructions des syndicalistes basés sur des pratiques en cours dans le monde de l’aviation commerciale. Profitant de son refus de comparaître devant le comité disciplinaire, la direction la licencia. Il est évident que Yogita Baboo aura gain de cause devant la justice pour licenciement abusif non justifié, comme le pilote à qui Air Mauritius doit payer la bagatelle de Rs 140 millions pour les mêmes raisons. Comme déjà écrit, il semblerait que la direction dispose d’un confortable budget pour payer les dommages et intérêts que lui valent, régulièrement, ses mauvaises décisions prises. Comme déjà suggéré, est-ce qu’avec le nombre croissant de réclamations — et le mauvais état financier de la compagnie aérienne nationale —, le temps n’est-il pas venu de faire directeurs et managers payer le prix de leurs mauvaises décisions ? En ajoutant sur la liste des payeurs les hommes ou femmes de loi qui ont soutenu la direction dans ses mauvaises décisions ? Comme me l’a récemment écrit un des licenciés d’un procès contre la compagnie : il faut instituer à Air Mauritius la politique de « to fane, to peye ! »
Yogita Baboo a donc été licenciée et quelque temps après, la direction lui a donné gain de cause dans le combat mené contre la vaccination imposée. La suspension du groupe a été levée, mais comme elle avait été déjà licenciée, elle n’en a pas profité. Elle est victime de la décision d’une direction qui n’a pas supporté d’être remise en cause et critiquée, et pour se venger et lui montrer kisannla mari ! On a écrit que son licenciement était le prix à payer quand on veut faire du syndicalisme à Maurice, et surtout à Air Mauritius. C’est un prix fort pour n’importe qui, mais plus encore pour une veuve avec un enfant. Déjà du temps de sa suspension, Yogita Baboo avait levé la tête et refusé de se laisser abattre. Non bénéficiaire aujourd’hui du combat qu’elle avait mené pendant deux ans pour faire réintégrer les employés qui avaient refusé de se faire vacciner, elle garde la tête haute malgré la situation dramatique qui est la sienne. Juste parce qu’elle a voulu défendre ses droits. C’est ainsi que doivent survivre les syndicalistes, à plus forte raison quand elles sont du sexe féminin, à l’île Maurice, en 2023. Déjà dans les années 70 du siècle dernier, Siven Chinien chantait « dan lalit pena rekonpans ». Plus de cinquante ans après, la situation est la même.
Triste constat.