Cyclone classe 5

Comment se fait-il que nous nous soyons révélés aussi en danger face à un cyclone comme Batsirai ?
Certes, cela faisait 20 ans, depuis Dina en janvier 2002 et ses vents de 228 km/h, que nous n’avions pas connu de fort cyclone. De ces monstres à « plus de 200 » comme Carol en février 1960 avec des rafales de 256 km/h, Jenny en février 1962 (rafales de 235 km/h) Gervaise en février 1975 (rafales de 280 km/h), Claudette en décembre 1979 (rafales de 231 km/h), Hollanda en février 1994 (rafales de 216 km/h).
Depuis Dina en 2002, nous avons quand même eu quelques épisodes, comme Gamede en 2007 avec des rafales de 158 km/h, Bejisa en 2014 (rafales de plus de 100kms /h), ou Berguitta en janvier 2018 (rafales d’environ 100 km/h). Nous n’aurions donc pas dû être dans la position de ceux qui ont oublié au point de se retrouver démunis devant un phénomène qui se sera révélé, en comparaison, plutôt « mineur ». Car oui, avec ses rafales allant de 100 à 150 km/h selon les endroits, Batsirai, en ce début février 2022, n’aurait pas dû être de nature à autant nous ébranler humainement.
Ne nous y trompons pas : nous l’avons échappé belle.
Si cette formation cyclonique classée de niveau 4, donc très intense, a causé chez nous des dégâts matériels limités, c’est bien parce qu’elle est passée à bonne distance de nos côtes. Un petit changement de trajectoire et ses vents de 240km/H autour du centre auraient causé bien plus de casse. Comme Madagascar en fait hélas l’expérience depuis hier soir.
Mais ce qui frappe, c’est le sentiment, à Maurice, d’avoir été livrés au cyclone après son passage. Tous ceux qui ont vécu un cyclone savent bien qu’au moment du passage de la queue, pluies et vents violents sont enregistrés. En enlevant toutes les alertes à 5h du matin jeudi, les autorités ont contraint des milliers de Mauriciens à se mettre sur la route du travail alors que des rafales de 100km/h soufflaient encore par endroits et que nombre de routes étaient impraticables. Ces premières heures ont hélas vu la mort d’un homme de 55 ans, Ramjeet Gosto, rentré à moto dans un arbre tombé en allant prendre son service à la Triolet Bus Company. Une victime de trop.
Il semble maintenant y avoir unanimité à reconnaître que notre système d’alerte n’est plus adéquat pour faire face aux nouvelles réalités climatiques qui se font déjà ressentir depuis un moment et qui vont manifestement aller en s’aggravant. A côté de nous, La Réunion s’est montrée plus avisée. Vendredi 4 février, quand l’alerte rouge a été levée à 9h du matin à mesure que Batsirai s’éloignait des côtes réunionnaises, la « phase de sauvegarde » a été déclenchée par le préfet de La Réunion.
« En raison des conditions météorologiques encore dégradées toute la journée et des conséquences du passage du cyclone qui présentent encore des dangers, la phase de sauvegarde du dispositif spécifique ORSEC Cyclones est déclenchée.
Cette phase de sauvegarde s’accompagne du maintien d’un certain nombre de mesures destinées à préserver la sécurité de la population » dit le communiqué officiel.
« Cette phase de sauvegarde ne veut pas dire retour à la normale. Des dangers importants persistent. Les services de secours et d’intervention devront dégager les routes, sécuriser les fils électriques, déblayer les accès, rétablir les réseaux téléphoniques et d’alimentation en eau potable. La prudence restera donc de mise et les déplacements fortement déconseillés. La cartographie de l’ouverture des axes routiers en fonction de leur viabilité sera présentée et actualisée au cours de la journée. Les administrations, les établissements scolaires, les crèches et les accueils de mineurs, les installations sportives, resteront fermées », poursuit ce communiqué.
Il n’y a eu aucun mort à La Réunion en lien avec le passage de Batsirai, même si des vents plus forts et des précipitations plus importantes qu’à Maurice y ont été enregistrées, compte tenu de la ré-intensification de Batsirai et des spécificités du relief très accidenté de La Réunion.
Apre lamor latizann, dit le proverbe mauricien. Aujourd’hui, on parle d’adopter aussi le système de « phase de sauvegarde ». Il aura fallu qu’un homme meure. Et personne, bien sûr, ne s’estime responsable.
Aucun responsable également dans la sidérante débâcle électorale de mardi dernier au n°19. Alors que commencent à souffler les premières rafales de Batsirai, le recomptage demandé par la candidate de l’opposition Jenny Adebiro face à l’ex-ministre Ivan Collendavelloo aux élections de novembre 2019 révèle ceci : 73 bulletins manquant par rapport au compte de 2019 ; 2 bulletins sans sceau de la commission électorale, donc en principe invalides ; 1 bulletin du n°1 retrouvé parmi ceux du n°19. Sérieusement ?
Ce qui est sidérant, c’est qu’avec toutes ces irrégularités révélées, la Commission électorale ait quand même procédé à la proclamation des résultats. Confimant la victoire d’Ivan Collendavelloo. Non plus avec 92 voix de plus comme annoncé en 2019 mais avec 80. Donc les résultats du 1er février 2022 ne correspondent pas à ceux de novembre 2019. Car quoi qu’on en dise, il y a quand même, en plus des trois grosses irrégularités mentionnées, non pas une, pas deux, mais 12 « erreurs » de comptage.
Ce n’est pas sur l’ensemble des 20 circonscriptions. C’est dans une seule circonscription, lors du recomptage entre 2 candidats seulement sur 38.
Ca fait une sacrée grosse concentration « d’erreurs » humaines non ?
Parce que c’est ça qu’on nous a servi : l’argument de l’erreur humaine.
Il ne faut pas confondre entre l’erreur humaine et la fraude électorale, tance le Commissaire électoral.
C’est un peu court M. Irfan Rahman.
Est-ce parce qu’il n’y a pas préméditation qu’il n’y a pas problème ?
Dans cette logique, on ne devrait juger que les cas d’assassinat. Pas les cas de meurtre. Parce que dans le meurtre il n’y a pas de préméditation…
Abscons non ?
Toutes ces irrégularités ne prouvent pas en effet, à ce stade, qu’il y aurait eu volonté délibérée et planifiée de truquer ces élections. Mais elles montrent que notre processus de décompte électoral est entaché d’énormes failles. Et cela vient, concrètement, ajouter au doute sur ces élections au cours desquelles, faut-il le rappeler, des milliers d’électeurs de certaines circonscriptions spécifiques se sont retrouvés interdits de voter parce que rayés pour des raisons étonnantes du registre électoral ; et où a été mise en place une Computer Room dont candidats et partis ne savaient rien de l’existence ni du fonctionnement.
1. Irfan Rahman est à la tête d’une institution qui avait jusqu’ici été très respectée, l’expertise mauricienne étant souvent sollicitée pour participer à la supervision d’élections dans d’autres pays. Mais le doute qui plane depuis 2019, et les révélations du 1er février 2022 portent gravement atteinte à la confiance en cette institution capitale dans une démocratie.
Fraude ou pas, il y a eu des manquements graves. Plutôt que de le reconnaître, et d’assumer, M. Irfan Rahman ne trouve rien de mieux que de déclarer que ce n’est pas lui qui vérifie la validité des bulletins dans les 21 circonscriptions du pays. Encore une fois : Sérieusement M. le Commissaire électoral ?
Il n’y a, dans ce pays, plus aucune notion d’ « accountability ».
Personne n’est responsable de rien. Personne n’assume rien.
Le Premier ministre et son gouvernement ne sont responsables de rien si aucune action n’a été entreprise pendant 12 longs jours pour empêcher la marée noire pourtant annoncée du Wakashio.
La météo n’est pas responsable si on a livré les Mauriciens à des éléments encore déchaînés suite au passage de Batsirai.
Le Commissaire électoral n’est pas responsable si ses officiers ont mal fait leur travail dans des proportions énormes et très lourdes de conséquences.
C’est l’extension, sidérante, effrayante, du règne du « dir mwa kot monn fote »…
L’an prochain, nous célèbrerons les 55 ans de l’indépendance de Maurice. Peut-être est-il temps d’enclencher le grand chantier qui permettrait de faire entendre, 5 sur 5, notre volonté de doter cette République de mécanismes moins susceptibles de la livrer au chaos des hommes « non responsables »…

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