Commentaires premierministériels

Est-ce que malgré ses affirmations selon lesquelles il n’a pas peur de l’opposition, Pravind Jugnauth redouterait de répondre à ses questions au Parlement ? La manière dont il a transformé la traditionnelle question posée au Premier ministre avec interrogations supplémentaires des autres membres de la chambre sur un sujet précis en une longue déclaration interpelle. En effet, depuis quelques semaines au lieu de respecter le jeu démocratique et de répondre à la question posée, le Premier ministre lit une longue déclaration, souvent avec des passages critiquant et attaquant l’opposition. La longue déclaration, ou plutôt le monologue premierministériel, dure une bonne demi-heure. Le temps alloué à l’ensemble de l’exercice. Autrefois, d’autres Speakers avaient rappelé des Premiers ministres au respect des règlements quand ils essayaient de répondre en longueur à une seule question pour éviter les suivantes. On se souvient de Maya Hanoomanjee ramenant à l’ordre sir Anerood Jugnauth. Dans la nouvelle méthode, qui n’est en fin de compte qu’une fuite, l’actuel Speaker joue parfaitement son rôle de goalkeeper paravent du Premier ministre. Au lieu de veiller que le débat parlementaire ait lieu et que le chef du gouvernement soit, comme les règlements le prévoient, interrogé sur les affaires du pays, il s’assure que le Premier ministre fuie ses responsabilités. À la fonction de goalkeeper, le Speaker a ajouté celle de chronométreur. Il se contente d’empêcher les députés de l’opposition de prendre la parole en hurlant « Time is over. »
Si le Premier ministre refuse de répondre aux questions de l’opposition au Parlement, il utilise la moindre occasion — plus particulièrement ses sorties publiques répercutées par la MBC dans ce qui ressemble de plus en plus à une campagne électorale télévisée — pour faire des déclarations sur les commentaires et questions de l’opposition. C’est ainsi qu’il a défendu, une fois de plus, son ministre de la Santé en reprenant les mêmes arguments que ce dernier a utilisé pour se défendre dans le scandale de la nourriture avariée servie aux malades dans les hôpitaux. Un scandale pourtant dénoncé par l’audit interne du ministère de la Santé, démenti par le ministre, mais qui a quand même provoqué deux transferts. Au lieu de s’expliquer sur le fait que des produits avariés avaient été utilisés dans la confection de nourriture servie aux malades — ce qui est un comble dans des hôpitaux —, le ministre a déclaré que tout cela était un complot de l’opposition. Le ministre s’est contenté de dire que la marque de tomates en boîte incriminée n‘était pas utilisée dans les hôpitaux. Le Premier ministre n’a fait que répéter ses dires. L’un et l’autre n’ont pas démenti formellement, avec preuves à l’appui, que des légumes et des produits avariés étaient utilisés dans la confection de la nourriture servie aux malades.
Dans le même registre, mais sur un autre sujet, le Premier ministre a également utilisé son passage dans son passage quotidien dans le JT de la MBC pour reprendre la réponse du ministre du Metro sur l’inondation du cimetière St Jean. L’un et l’autre ont affirmé que ce ne sont pas les travaux de construction du métro, au cours desquels des drains auraient été bouchés, qui ont provoqué l’inondation. Mais malheureusement pour l’un et l’autre, le député travailliste Osman Mahomed vient de republier sur les réseaux sociaux un post qu’il avait réalisé en mars 2022, attirant l’attention des autorités sur ce qui pouvait arriver si des mesures n’étaient pas prises pour corriger les travaux effectués pour la construction du métro à côté du cimetière St Jean. Comme d’habitude, cette alerte venant d’un membre de l’opposition avait été totalement ignorée par les autorités dites responsables. Et au début du mois, ce qui avait été redouté par le député Osman Mahomed s’est malheureusement réalisé, provoquant l’inondation du cimetière. Si les tombes n’avaient pas atténué la puissance des eaux, c’est un autre mur du cimetière qui se serait écroulé en submergeant les maisons des alentours. Pour montrer que son gouvernement n’est pas responsable du problème, le Premier ministre a déclaré : « Il n’y a aucun drain dans le monde adapté à 100 millimètres de pluie. Il faudra une rivière pour évacuer autant d’eau. » Puisqu’il est évident que le gouvernement, qui ne faute jamais, ne va pas faire construire une rivière, que doivent faire les habitants des alentours du cimetière St Jean, dont les maisons sont menacées par une autre montée des eaux ? Prier ?