La démarche aurait pu être considérée pour ce qu’elle mérite : une anecdote, un non-événement et la toute dernière expression d’un instinct de survie politique. Qu’il y ait eu des dissonances notées déjà lors de cette première réunion, vendredi, et des réserves exprimées ici et là quant aux agissements des poulains et des pouliches des uns et des autres, n’a rien de vraiment surprenant.
Mais les propos tenus par les dirigeants du Muvman Liberater, de la formation d’Alan Ganoo, ou de la Plateforme Militante à l’issue de leur réunion de vendredi, appellent quand même quelques observations.
Les entendre parler de “valeurs militantes” sonne comme un juron, eux qui se sont fondus dans le MSM pour participer à un des gouvernements les plus opaques et anti-démocratiques que le pays ait connu depuis l’Indépendance.
Qui a entendu un de ses trois dirigeants exprimer la plus petite désapprobation des initiatives du MSM ? Personne. Au contraire, ils se sont toujours mis en avant pour tout défendre, tout justifier et tout avaler. Des avaleurs dociles de tout et de rien et ça ose encore se réclamer du militantisme !
Il n’est, d’ailleurs, pas difficile de les confondre et d’exposer leur imposture permanente. Le semblant de Speaker est l’objet d’une réprobation quasi-unanime dans le pays et ce sont ces bons praticiens des “valeurs militantes” qui montent les premiers au créneau pour le défendre et justifier ses insupportables excès gestuels et langagiers et son arbitraire manifeste.
Entre Alan Ganoo, connu désormais comme le “Mr point of order”, le bouclier de toutes les infamies de ses collègues et celui qui avait refilé les photos de Jasmine Toulouse en compagnie de Franklin à Pravind Jugnauth pour que le Premier ministre s’en prenne lâchement à une artiste qui n’est pas au Parlement pour pouvoir se défendre et, Steve Obeegadoo, l’artisan enthousiaste et zélé des motions de suspension des députés de l’opposition, surtout ceux de son ancien parti, il y a comme une compétition féroce pour démontrer à leur patron qui cire le mieux ses pompes.
Ivan Collendavelloo a, lui, eu un petit sursaut au moment des débats sur le Finance Bill, en juillet de l’année dernière. Il s’était élevé contre une modification du Local Government Act pour permettre au ministre Anwar Husnoo de nommer deux personnes sur le Permis and Business Monitoring Committee des administrations régionales.
Le ministre sommairement révoqué, qui s’est contenté de son statut de back bencher au lieu de démissionner et de se poser en homme d’honneur, avait déploré que le ministre “aura une mainmise directe” sur ses nominés, ce qui ne garantit en rien leur “indépendance”. Que d’autres ministres, à commencer par le premier d’entre eux, nomme, par exemple, le directeur de la Financial Crimes Commission n’a, par contre, rien de dérangeant pour les prétendus défenseurs des “valeurs militantes”.
À ces hypocrites qui se gargarisent de “valeurs militantes”, on a envie de leur dire “look at your face” pour reprendre cette insulte mémorable répétée 11 fois par Sooroojdev Phokeer à l’adresse de Rajesh Bhagwan, en référence à son problème de vitiligo, en ajoutant “in the mirror” pour voir comment ils sont réellement devenus, de bons petits valets du Sun Trust et de ses coffres, ceux-là toujours très bien garnis, eux. À ce rythme, pourquoi ne pas faire comme l’autre, Kavi Ramano qui a fait court et rapide en intégrant directement le bureau politique du MSM ?
“Valeurs militantes” ? Qui de ses trois mousquetaires a élevé la voix lorsque les élections municipales ont été renvoyées en pas moins de trois
occasions ? Ils pestent, oui. Mais seulement lorsqu’une de leurs protégés est malmenée. À l’instar d’Alan Ganoo qui, d’une voix larmoyante, s’en prend à ces méchants du MSM qui font toutes sortes de misère à Tania Diolle, son intouchable muse que l’on aurait pu croire aussi solide que Rihanna.
Si on peut entendre une toute petite musique discordante lorsqu’une protégée est malmenée, les “valeurs militantes” se font mutiques dans le cas de multiples coups de rabot aux libertés individuelles. Comme cette soudaine obligation de ré-enregistrer sa carte SIM au motif que cela a été recommandé par la commission Lam Shang Leen, comme si tout ce qu’elle a préconisé a été implémentée à la lettre.
Pourquoi quelqu’un, un abonné qui a le même numéro de portable depuis plus de 30 ans, doit-il de nouveau se déclarer ? Est-ce bien nécéssaire d’importuner des milliers d’usagers honnêtes du téléphone portable pour cibler quelques trafiquants ? La vraie question est de savoir si cela permettra vraiment de les mettre hors d’état de nuire, connaissant les longueurs d’avance qu’ont souvent les malfrats sur les autorités qui sont censées les traquer.
Quant aux prétentions des Ganoo, Obeegadoo et Collendevelloo de rallier les “déçus” du MMM à leur cause, ils devraient d’abord venir expliquer leur silence devant toutes les dérives et leurs petites lâchetés devant tant de carences gestionnaires. Ils devraient aussi aller examiner, avec plus d’attention, les résultats des dernières élections générales qui s’étaient déroulées sur le mode triangulaire.
C’était à un moment où Pravind Jugnauth, bien que bénéficiant encore de l’indulgence de la nouveauté en tant que Premier ministre et, avec leur soutien présenté comme la “caution militante”, n’avait pu récolter que 37% des voix.
En scrutant de plus près les résultats des législatives de 2019, ils verraient que même si le report des voix des électeurs combinés du PTr, du MMM et du PMSD n’est pas automatique, ils auront énormément de difficultés non seulement dans les villes, mais également dans nombre de circonscriptions rurales où, faut-il le rappeler, le PTr dispose déjà de trois élus. Autant ne faire ni dans la caricature ni dans la fanfaronnade. L’humilité aussi est une “valeur militante”.
JOSIE LEBRASSE
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