Comme un air de liberté

Comme un air de liberté. Comme une respiration joyeuse. C’est ce que l’on ressent aux quatre coins du pays depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Le temple du peuple était devenu, sous Sooroojdev Phokeer, son remplaçant d’occasion et un gouvernement outrageusement confiscatoire de la démocratie, le creuset de tous les ressentis et le symbole de toutes les frustrations du pays. Sa disparition a provoqué un soulagement général qui se traduit dans le ton de cette campagne électorale. La fin d’un régime étouffant est vécue comme une vraie délivrance.

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Parce que, au-delà des habituelles vociférations de campagne, de l’argumentaire bassement communal d’un Prakash Maunthrooa qui a laissé à la CWA, où il officiait récemment, un aussi triste bilan que dans l’affaire Boskalis, il est réconfortant de voir comment les Mauriciens célèbrent leur liberté retrouvée aux quatre coins du pays.

Lorsque, à un rassemblement nocturne, comme à Cap Malheureux il y a quelques jours, des Mauriciens de toutes les générations et de tous les horizons se mettent à danser dans la joie, cela dit quelque chose de l’humeur d’une bonne partie de la population qui a dû courber sous le poids de l’oppression depuis 10 ans.

Plus personne désormais ne semble avoir peur du régime mafieux qui s’est développé avec une rare sophistication depuis 2017 et qui s’était manifesté dans toute son horreur autour du crime de Soopramanien Kistnen. Ce n’était, on le sentait bien, que la partie immergée de l’iceberg. La réalité était encore plus effrayante.

Ce que l’on soupçonnait des agissements glauques d’une police pourrie au service des puissants du jour, ce qu’on décelait de ce racisme d’État qui tourne en dérision les minorités de ce pays, ce que l’on savait du rôle infect des conseillers autour de Pravind Jugnauth, les Moustass Leaks l’ont révélé au grand jour.

C’est le premier mérite de la bombe qui plombe gravement la campagne du gouvernement sortant. Les conversations téléphoniques divulguées confirment la nocivité du système MSM, celui qui est parfaitement incarné par les Sooroojdev Phokeer, les Anil Kumar Dip et autre Anooj Ramsurrun. C’est ça le MSM : la vulgarité, la voyoucratie et la vacuité.

Qu’apprenons-nous des morceaux, choisis et ciblés, il est vrai, de ses conversations téléphoniques ? Ce que nous supputions déjà. Qu’on avait un commissaire de police capable d’excès de gel, pardon, de zèle, mais surtout d’orienter les enquêtes, d’ingérence dans le dossier de son propre fils, de décider de la caution à accorder ou pas à un prévenu et, surtout, de grossièretés inimaginables jusque sur la Vierge Marie.

Le rôle des ministres et conseillers, payés des deniers publics est tout aussi déplacé que dégoûtant. Ils se mêlent de tout et de rien. Ils interviennent dans l’affaire de « drink driving » d’Adrien Duval, ils demandent de ralentir le débit d’internet ou de faire libérer leur fournisseur de briani et ils vont même jusqu’à distribuer des prescriptions pour libido cahoteuse à un proche de Pravind Jugnauth.

Comment ne pas penser, après avoir écouté cet échange sulfureux, à la question parlementaire de Kavi Doolub sur les « comprimés » retrouvés dans le coffre-fort de Navin Ramgoolam ? Que l’ironie est cruelle ! Que le boomerang revient frapper en pleine face ceux qui se sont fait des gorges chaudes du contenu des coffres du leader du PTr !

En matière de gestion des missiles létaux du moustachu, le Premier ministre sortant et l’Évêque de Port-Louis sont au coude à coude. Avant d’inventer le gadget tardif de la commission d’enquête qui n’a aucune chance d’exister avant les prochaines élections, Pravind Jugnauth avait pourtant imputé péremptoirement ces bandes sonores à l’intelligence artificielle. L’épisode Raj Dayal de 2016, l’affaire « bal kuler » basée sur un enregistrement vocal confondant l’ancien ministre de l’Environnement et le poussant à la démission, connais pas…

Lorsque plusieurs protagonistes ont reconnu avoir tenu les conversations révélées par les Moustass Leaks, la posture a changé. Au lieu de sanctionner sur-le-champ ceux qui ont comploté et qui ont insulté le symbole extrêmement puissant d’une religion, le Premier ministre sortant s’emploie avec sa commission d’enquête de façade à essayer de confondre l’auteur des écoutes et celui qui les diffuse avec un art consommé de la perfidie. Peine perdue !

L’Évêque, lui, à la tête d’une Église qui n’en est pas à une bourde près avec ses choix de la St Louis, sa gestion de l’agent Grégoire du MSM — que les paroissiens de Ste Thérèse ont fait battre en retraite pour avoir tenté de convertir des sessions d’évangélisation prévues fin octobre en soutien à sa candidate Sandra Mayotte — s’est complètement fourvoyé avec sa photo en compagnie de l’honni et du pestiféré commissaire Dip. Il a finalement été contraint d’implorer le pardon après le tollé que sa rencontre a provoqué au sein de la communauté catholique.

Pour pallier ce déficit de succès dans la présente campagne électorale, Lalians Lepep a publié son manifeste électoral. C’est malheureusement un document qui ne suscite pas un grand intérêt au sein de la population, plus attachée à savoir comment préserver son porte-monnaie. À côté des supposés cadeaux qui ne séduisent plus grand monde, il y a des annonces qui frisent tout simplement le ridicule.

Eh oui, c’est après dix ans et après les révélations du fonctionnement glauque de l’appareil d’État et de toutes ses institutions que le MSM va encadrer les écoutes téléphoniques. Plus risible encore, la révision projetée des charges provisoires tant décriées et si abondamment et abusivement utilisées depuis 10 ans.

Et, comble de l’ironie, pendant que l’annonce, qui se voulait tonitruante, était faite au Sun Trust, le destructeur présumé des dangereuses oriflammes orange de The Vale sollicitait sa remise en liberté conditionnelle après six jours de détention. Oui, un long enfermement pour avoir porté atteinte à la couleur royale des propriétaires du pays !

Pravind Jugnauth a, sur le ton du dépit, déclaré vendredi à Triolet que « si dimoun pou dir mwa pran enn konze, be lerla mo pran konze mo ale mwa ». L’heure du congé forcé est peut-être arrivée !

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