Dans quatre jours, les premiers cent jours de l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, période de grâce pour lui permettre de maîtriser la machinerie gouvernementale, seront écoulés. Bien sûr, tous les ministres ont répété sur tous les tons qu’il fallait donner du temps au temps au nouveau pouvoir, mais même les plus chauds partisans de l’Alliance du Changement sont obligés de le reconnaître : les débuts du nouveau gouvernement ne sont pas totalement convaincants, pour dire le moins. D’autant que ses membres avaient répété depuis des mois que l’alliance avait le programme, les idées et les hommes qu’il fallait pour les réaliser. La déception est venue dès l’annonce de la composition du Cabinet des ministres quand on s’est aperçu que la loyauté au chef et le respect des « réalités électorales » avaient pris le dessus. En sus de la moyenne d’âge élevée des membres du frontbench, il y a eu le fait que sur 25 ministres, il n’y avait que deux femmes dans un pays où ces dernières sont majoritaires ! Bien sûr, il y eut les bilans sur l’héritage économique laissé par le gouvernement sortant qui n’ont fait que confirmer ce que l’on redoutait déjà : que ses ministres et ses nominés à différents postes de responsabilité avaient défoncé les caisses de l’État. Mais le fait de le répéter ad nauseam a commencé à ressembler à ce que le MSM et ses alliées ont fait pendant les dix dernières : attribuer tout ce qui n’allait pas dans le pays au gouvernement PTr dans le cadre de la stratégie : gete ki bannla ti fer ! Mais on sait ce que le gouvernement précédent a fait, et c’est pour cette raison qu’il a été balayé aux dernières élections. Le passé n’intéresse pas les Mauriciens, puisqu’ils ont dû le subir. Ce qui les intéresse, c’est le présent, les mesures qui doivent être prises pour faire face à la situation que tous les ministres décrivent comme étant catastrophique, et préparer l‘avenir. C’est pour ça que l’Alliance du Changement a obtenu une carte blanche avec les 60/0. Les Mauriciens attendaient les mesures et les décisions qui seraient en rupture avec le passé. Ils commencent à être fatigués d’attendre.
Et puis, il y a eu les nominations à des postes de responsabilité qui ont confirmé que la loyauté au chef et au parti avaient préséance sur tout autre considération. Il y a même eu des annonces non concrétisées, par exemple à Air Mauritius, où un nom fut cité comme CEO, mais rejeté quand on se rendit compte de ses exploits passés dans les compétitions de golf. Ce qui n’empêcha pas de le nommer — en guise de consolation ? — à un poste où il va contrôler le futur CEO de la compagnie aérienne ! Qui serait un ex-OIC qui avait été suspendu sous l’ancien gouvernement et a fini par démissionner! Est-ce que cette préférence aux générations d’avant est une indication qu’il n’existe pas au sein des quatre partis qui composent le gouvernement des jeunes capables de deliver the goods, comme promis pendant la campagne électorale ? Tout cela fait à la fois désordre et amateur. Tout le contraire de ce que l’alliance affirmait en campagne. Au cours de laquelle il avait été répété que, contrairement à l’ère MSM, le Parlement allait fonctionner à plein régime et qu’une des priorités du nouveau gouvernement serait d’amender d’anciennes lois ou de faire voter de nouvelles pour renforcer la démocratie. Ces promesses ont été répétées dans le long discours du président. Mais juste après, le Parlement s’est octroyé quelques jours de congé en raison du fait que le Premier ministre est en mission à l’étranger…
Au Parlement, justement, vendredi de la semaine dernière a eu lieu une séquence que l’on croyait appartenir à un passé révolu. Le Premier ministre adjoint et le leader de l’opposition se sont affrontés sur l’utilisation du mot « culprit », que le second estimait « unparliamentary » dans le contexte dans lequel il avait été utilisé. En dépit des protestations du leader de l’opposition, le Premier ministre adjoint a répété le mot, au point où Joe Lesjongard a effectué un walk-out en signe de protestation. Le Premier ministre adjoint a accompagné le walk-out du leader de l’opposition en hurlant cette phrase : « Eta al met pandi ! » La Speaker, très à cheval sur les règlements quand il s’agit de remonter les bretelles d’une nouvelle députée quand elle dépasse les limites parlementaires, n’a pas réagi. Est-ce que Madam Speaker souffrirait déjà de la maladie qui semblait avoir atteint son prédécesseur : ne pas entendre et ne pas sévir contre les membres du gouvernement qui utilisent un langage unparliamentary contre leurs adversaires ?
C’est pour quand le changement ?