Il y a toutes ces violences qui s’accumulent, celles apparemment petites, celles ouvertement grandes. Les violences du quotidien, les violences pressenties, craintes, fantasmées, subies. Il y a les violences domestiques, et les violences politiques. Qui s’entassent, s’accumulent. Jusqu’où ?
Vendredi dernier au Parlement mauricien, l’opposition a réagi avec virulence à ce qu’elle considère comme une énième violence inacceptable. Depuis 2019, notre Parlement a été gravement entravé dans son fonctionnement par les agissements scandaleusement partisans du Speaker censé y faire régner l’équilibre. Semaine après semaine, cet homme, Sooroojdev Phokeer, a pratiqué, avec une violence verbale inouïe, un systématique barrage des questions de l’opposition, hurlant pour faire taire, expulsant à tour de bras, faisant régner une atmosphère brutale et inique, cela en toute impunité, soutenu par le Premier ministre qui l’a nommé. Le soulagement aurait pu venir du fait que subitement, à la veille de prochaines élections législatives, il ait été décidé d’un « licenciement » qui ne dit pas son nom. Mais c’était sans compter avec les manifestes tractations d’alliance qui se jouent en coulisses entre le MSM au pouvoir et le PMSD supposément encore dans l’opposition, en se défendant de ce qui est évident. Vendredi, c’est le fils de Xavier Duval qui a été installé comme Speaker. En utilisant des procédés que l’opposition PTr-MMM juge anticonstitutionnelles. Et le bras de fer et les affrontements ont repris de plus belle.
Il reviendra aux spécialistes de statuer sur le respect ou non des procédures qui ont présidé à cette nomination. Mais une chose interpelle au-delà de tout. Car voilà nommé, pour présider, même brièvement, à la destinée de notre Assemblée législative, celle qui fait le lois, un jeune homme qui doit en principe répondre en Cour, le 21 août prochain, de graves accusations. Un jeune homme qui, le 21 septembre 2022 à Ebène, a violemment percuté la voiture d’une conductrice. Un jeune homme qui a d’abord affirmé que c’était l’ami qui était dans la voiture avec lui qui conduisait. Un jeune homme qui a laissé la police embarquer cet ami. Un jeune homme qui est ensuite revenu sur sa version initiale, confirmant ce que les témoins sur les lieux de l’accident avaient affirmé, à l’effet que c’était bel et bien lui qui conduisait sa voiture au moment de l’accident. Un jeune homme qui a subséquemment été placé en détention policière, avant d’être libéré sous caution. Un jeune homme sur lequel pèsent quatre chefs d’accusation, concernant : le fait d’avoir initié des «involuntary wounds and blows by imprudence» à la conductrice de la voiture qu’il a heurtée ; le refus de se soumettre à un alcootest et à un test urinaire ; le refus de fournir un «specimen of breath» ; le fait d’avoir conduit une voiture avec une concentration d’alcool dans le sang supérieure au taux autorisé.
Après plusieurs contestations et renvois, l’affaire sera entendue en cour le 21 août prochain. Et si Adrien Duval clame son innocence, à quoi revient le fait de le nommer Speaker de notre supposée « auguste Assemblée » un mois avant son procès ? En présumant, en somme, de sa non-culpabilité ? Comment faire face à la violence-là de cette impunité-là ?
Il y a aussi, au niveau de la violence politique, la situation désastreuse qui s’éternise en France, où les législatives du 7 juillet dernier n’ont toujours pas donné lieu à la création d’un gouvernement, les divers camps n’arrivant pas à se mettre d’accord, ignorant le signal pourtant grave et urgent donné par l’électorat, creusant ainsi un peu plus le lit qui a failli mener à la prise de pouvoir par l’extrême-droite qu’incarne crânement le Rassemblement National.
Il y a encore le coup de feu tiré en plein meeting sur Donald Trump, ex et aspirant futur Président des Etats Unis qui n’a cessé de refuser la régulation du port d’armes aux Etats Unis. Et qui aujourd’hui, image déjà iconique de super-héros à l’appui, capitalise sur sa bravoure pour caracoler vers ce que son camp voit déjà comme une victoire aux élections présidentielles de novembre prochain.
Il y a, de surcroit, ce gigantesque bug informatique qui a affecté le monde ce jeudi 18 juillet. Aéroports et compagnies aériennes paralysés, des milliers d’avions et de trains bloqués notamment dans l’hémisphère nord au moment des grandes vacances, marchés financiers perturbés, chaîne d’approvisionnement de l’industrie automobile chamboulée, travailleurs au chômage technique, perturbation des opérations informatiques des Jeux olympiques de Paris 2024, services d’urgence et hôpitaux touchés aux Etats Unis et aux Pays Bas. En cause: une mise à jour défectueuse, sur les systèmes d’exploitation Windows de Microsoft, d’une solution informatique du groupe américain de cybersécurité CrowdStrike.
Si Crowdstrike a d’emblée écarté une cyberattaque ou un problème de sécurité informatique, les théories du complot n’ont pas tardé à fleurir. Prémisses d’une troisième guerre mondiale ?
Cyberattaque lancée par « les élites mondiales » et plus particulièrement le Forum économique mondial ?
Confirmation flagrante, en tout cas, que nous sommes de plus en plus dépendants de la technologie. Qui facilite beaucoup de choses. Mais dont le dysfonctionnement des conséquences énormes, voire catastrophiques tant au niveau individuel que planétaire. A commencer par ces voitures hyper connectées qui deviennent la nouvelle norme, et qui bloquent le conducteur à l’intérieur pendant une mise à jour de ses systèmes…
Au Bangladesh cette même semaine, c’est le gouvernement qui a choisi de carrément bloquer internet sur l’ensemble de son territoire. Le pays vit, en ce mois de juillet, de vifs affrontements entre police et étudiants, autour notamment des quotas d’embauche dans la fonction publique qui sont accusés de favoriser les proches du pouvoir. Plus largement, le gouvernement de la Premier ministre Sheikh Hasina, 76 ans, qui dirige le pays depuis quinze ans et a remporté sa quatrième élection consécutive en janvier après un vote sans véritable opposition, est accusé d’utiliser abusivement des institutions de l’Etat pour asseoir son emprise sur le pouvoir et d’aller impunément jusqu’à l’assassinat de militants de l’opposition.
Les affrontements de la semaine écoulée ont fait plus de 115 morts, sans que la police parvienne à reprendre le contrôle de la situation. Ce qui a conduit le gouvernement à instituer vendredi dernier un couvre-feu, à déployer l’armée dans les rues et à opérer, depuis jeudi, une coupure totale d’internet, ce qui entrave fortement les communications intérieures et avec l’extérieur. La violence en circuit fermé…
Et puis, et puis, il y a la Cour Internationale de Justice de l’ONU qui a, ce vendredi 20 juillet, déclaré que l’occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967 est « illicite » et qu’elle devait cesser « les plus brefs délais ». Un avis « historique » selon la présidence de l’Autorité palestinienne. Une « décision mensongère » pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
L’avis de la CIJ, nous dit-on, n’est pas contraignant mais pourrait accroître la pression juridique internationale croissante sur Israël face à la guerre dans la bande de Gaza.
Pendant ce temps, chaque minute, chaque jour, des centaines de personnes, dont une large proportion d’enfants, sont violentés, blessés, affamés, tués dans la bande de Gaza, un génocide finalement nommé mais qui ne s’en poursuit pas moins sous nos yeux impuissants.
Que ferons-nous, au final, de toutes ces violences ?