Aux femmes, les pots de yaourt vides !

Alors que l’on célèbre le 8 mars, on en revient toujours au final à redire les mêmes choses.
Non, ce n’est pas la Journée de la Femme.
C’est la Journée Internationale des DROITS des FEMMES.
Parce que ces droits, à travers le monde, et jusque dans les pays dits les plus conscientisés et « évolués », sont de plus en plus bafoués. Et que l’on voit actuellement sur la scène politique internationale un déchaînement inédit des masculinismes les plus décomplexés et débridés.
Puis parce que LA Femme n’existe pas. Et que loin de toute tentative piégeuse de sacraliser un modèle, il est capital de ré-affirmer qu’il est autant de façons d’être femmes que d’individus désignés comme femmes, soit environ la moitié des 8,2 milliards de personnes que compte actuellement le monde.
Chaque année, outre les violences toujours trop nombreuses infligées aux femmes (la situation locale et internationale en dit encore trop long à ce sujet), on parle aussi de la question de l’inégalité économique dont souffrent les femmes. Une question généralement abordée sous l’angle des salaires. Selon les statistiques officielles, les femmes touchent en moyenne 24,4 % de moins que les hommes. D’une part parce qu’elles sont souvent amenées à « travailler » à temps dit partiel (le travail à la maison n’étant pas considéré), d’autre part parce qu’elles sont cantonnées plus souvent qu’à leur tour dans des métiers moins bien rémunérés que les hommes. Enfin parce que même lorsqu’elles effectuent le même travail que les hommes, la loi permet encore très largement qu’elles soient moins payées, sans justification aucune.
À travers tout ce qui est dit à ce sujet, il y a quand même un aspect qui demeure assez peu abordé : celui de l’inégalité économique imposée à la femme au sein de la famille, et plus précisément du couple.
Il ressort en effet que l’inégalité de revenus est bien plus défavorable pour les femmes en couple avec des hommes. L’écart de revenus moyens entre hommes et femmes, qui serait de 9 % entre un homme et une femme célibataires, passerait à 42 % dans les couples. Et les écarts s’accentuent quand on considère la question non pas seulement au niveau des revenus mais aussi au niveau du patrimoine. À ce chapitre, les chiffres montrent que les hommes ont un patrimoine qui a augmenté plus vite que celui des femmes, et que les écarts ont quasiment doublé en un peu moins de vingt ans, passant de 9 % en 1998 à 16 % en 2015. Mais qu’est-ce qui explique cela ?
C’est ce que met en avant la journaliste, romancière et essayiste Titiou Lecoq, dans son ouvrage Le couple et l’argent – Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes (ed. L’Iconoclaste). Où elle fait intervenir l’historienne Michelle Perrot, des économistes, une conseillère en gestion de patrimoine, des banquières, sa mère. Et développe la métaphore dite des pots de yaourt vides.
De quoi s’agit-il ? D’une organisation globale qui veut que, les hommes ayant des revenus en général supérieurs, c’est à eux que reviennent souvent les dépenses dites « importantes et structurantes ». Ainsi, l’homme achètera la maison, la voiture. La femme se chargera des dépenses du quotidien : les vêtements, le linge de maison, la déco, les cadeaux d’anniversaire, les dépenses scolaires, les courses alimentaires etc etc. Gros salaire, grosses dépenses ; petit salaire, petites dépenses. Au final, et en cas de séparation, l’homme conserve le patrimoine acquis (la maison, la voiture). La femme repart avec les pots de yaourt vides…
Être en couple enrichit les hommes et appauvrit les femmes, soutient Titiou Lecoq. Le couple donc comme fabrique des inégalités financières entre les hommes et les femmes. Pas une vue de l’esprit. Les chiffres montrent aussi que le divorce entraîne une perte de niveau de vie plus importante pour les femmes : -27 % pour les femmes l’année du divorce contre -2 % pour les hommes…
Un état de choses que les femmes sont « entraînées » à accepter. Soit par ignorance. Soit par peur d’évoquer la question. Soit pour ne pas paraître vénales et matérialistes (les femmes, bien sûr, étant tout entières dévouées à l’amour désintéressé…). Soit pour éviter un conflit, protéger les enfants.
Dans son essai A room of one’s own (Un lieu à soi), l’écrivaine Virginia Woolf analysait les raisons qui ont compliqué, pour les femmes, l’accès à l’éducation, à la création, au succès. Leur mise sous dépendance des hommes qui, souvent, les réduit au silence. Pour elle, si une femme veut pouvoir écrire un livre, il lui faut disposer d’un peu d’argent et d’un lieu à soi. L’ouvrage a été publié en 1929. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Pourquoi l’équilibre financier qui permettrait aux femmes de créer leur propre vie est-il toujours aussi difficile.
Les Nations Unies ont décrété leur intention de faire de 2025 une année mémorable pour le féminisme. Il est ainsi prévu que la 69ème session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies qui se tiendra à New York du 10 au 21 mars, examinera les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing. Adopté il y a trente ans, cet accord était considéré comme « le plus révolutionnaire sur l’égalité des sexes ». Mais du constat même des Nations Unies, nous faisons face aujourd’hui à « une explosion des inégalités ».
Près d’une femme sur dix dans le monde vit dans l’extrême pauvreté.
Et celles qui ne sont pas dans la pauvreté, au sort jugé plus « enviable » se retrouvent trop souvent confrontées à l’injustice des pots de yaourt vides…
Le problème n’est pas seulement personnel.
Il est collectif. Donc politique.
La politique justement, parlons-en.
À Maurice, notre nouveau Parlement compte, sur 70 membres, seulement 10 femmes et 2 ministres sur 24. Pourtant, cette année encore, le taux de réussite des filles aux examens de fin de cycle secondaire a été supérieur à ceux des garçons (74,5% contre 70,2%).
C’est quand qu’on va où, chantait Renaud…

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SHENAZ PATEL

Sortie de texte

Chaque année, le 8 mars est aussi l’occasion d’aborder la question de l’inégalité économique dont souffrent les femmes. Une question généralement abordée sous l’angle des salaires. Les femmes touchent en moyenne 24,4 % de moins que les hommes. Mais il y a quand même un aspect qui demeure assez peu abordé : celui de l’inégalité économique imposée à la femme au sein de la famille, et plus précisément du couple. Celle qui fait que lors d’une séparation, l’homme repart avec la maison, la femme avec les pots de yaourt vides…

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