Les avez-vous remarqués dans nos rues, ces manguiers pas seulement fleuris comme d’habitude en un mois d’août, mais déjà porteurs de fruits qu’on dirait de fin d’année ?
Ces jacarandas en pleine floraison, alors que leur tapis mauve s’étend en général en octobre-novembre ?
Plus : depuis deux semaines à Port-Louis, dans l’enceinte de la Cour suprême, sur un flamboyant aux branches encore dénudées, deux fleurs dont l’apparition annonce normalement le mois rouge de décembre ?
Paradoxe intense de ces fleurs de flamboyant au cœur d’un mois d’août qui a, pourtant, été froid chez nous.
Mais que l’on ne s’y trompe pas. À Maurice aussi, ces signes sonnent « l’alerte rouge » lancée, ce mercredi 4 septembre, par l’Organisation des Nations Unies autour des niveaux historiques de température enregistrés au mois d’août à travers la planète.
Avec des chaleurs qualifiées de hors normes atteintes dans divers lieux.
Également alarmé par la situation, l’observatoire européen Copernicus a fait ressortir, ce vendredi 6 septembre dans son bulletin, que « Ces trois derniers mois, la planète a connu les mois de juin et d’août les plus chauds, la journée la plus chaude et l’été de l’hémisphère nord le plus chaud ». Les relevés de Copernicus remontent à 1940, mais il est considéré que ces températures sont sans précédent depuis au moins 120,000 ans, cela en se basant sur les données de la paléoclimatologie (qui utilisent notamment l’analyse de calottes de glace et de sédiments).
Partout, en ce mois d’août 2024, le thermomètre s’affole.
Dans un saisissant panorama publié cette semaine, le journal Libération fait ainsi ressortir les constations suivantes :
« En Europe, les températures ont été plus élevées que la moyenne dans le Sud et l’Est. La Grèce et les Balkans ont suffoqué avec, en juillet, des températures entre 8 à 12 degrés au-dessus des moyennes de saison. La chaleur et la sécheresse ont d’ailleurs entraîné un cortège d’incendies dans la région d’Athènes. En Sicile, le manque de pluie inquiète les habitants, privés d’eau du robinet, et les agriculteurs, dont les fermes manquent cruellement d’or bleu.
En France, la saison estivale 2024 a battu tous les records avec, en juin, juillet et août, des températures moyennes les plus élevées jamais mesurées
Ailleurs, le mercure s’est affolé au Mexique, au Canada et aux États-Unis où, sur la côte ouest, il a grimpé à plus de 50 °C, causant le décès de dizaines de personnes. Des incendies de forêt ont aussi ravagé l’Amérique : l’Ouest canadien et la Californie ont été en proie à la dévastation des flammes. Les incendies sont toujours en cours au Brésil. Par un cercle vicieux, ces gaz à effet de serre libérés par ces feux dantesques aggravent le réchauffement de la planète.
En Afrique, une brutale canicule, fin juillet, a fait 21 morts en vingt-quatre heures dans le centre du Maroc, en proie à sa sixième année consécutive de sécheresse. Au Niger, pays sahélien désertique très fragilisé par le changement climatique, les inondations en juillet ont fait au moins 53 morts et 18,000 sinistrés. Les fortes précipitations ont également provoqué des inondations au Soudan, en Éthiopie, en Érythrée et au Yémen, où une soixantaine de personnes sont mortes. Au Moyen-Orient, l’Iran s’est barricadé face à la chaleur en juillet, fermant ses banques et ses établissements publics. En Arabie saoudite, 1,300 pélerins de La Mecque sont morts sous 52 °C mi-juin, frappés eux aussi par la canicule. »
Dans son constat, l’ONU met également en avant une région en particulier : celle de Svalbard (aussi appelée Spitzberg), archipel norvégien situé à un millier de kilomètres du pôle Nord.
Les spécialistes de cette zone Arctique se disent eux-mêmes abasourdis : le 11 août, la température y a atteint 20,3 °C, alors que la moyenne enregistrée sur la période 1991-2020 est de 6 °C…
L’archipel, devenu un des centres du dérèglement planétaire, se réchauffe sept fois plus vite que le reste de la planète… Ces données « sont juste inconcevables, aberrantes, inquiétantes, au choix. Il s’agit sûrement d’un événement unique de l’histoire moderne de la climatologie. Je n’ai personnellement jamais vu un truc pareil », a réagi l’agroclimatologue Serge Zaka.
Et les scientifiques ne contiennent plus leur inquiétude et alarment devant ce qui se passe. « C’est presque irréel d’observer des changements d’une telle amplitude en de si nombreux endroits », déclare Jostein Mamen, chercheur à l’institut météorologique finlandais. Les écarts sont tels que « cela ne devrait physiquement pas être possible », a tweeté, de son côté, le météorologue Mika Rantanen.
Ces chaleurs extrêmes provoquent la fonte des glaciers et des banquises. Le 15 août dernier, la NASA rapportait que les températures estivales élevées ont provoqué une fonte record des glaciers de Svalbard. Une récente étude de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) indique que la région devrait connaître des étés sans glace dès les années 2030. Dans 6 ans… Et cette perte causera des phénomènes météorologiques extrêmes dans le monde entier. Inondations, incendies, canicules, libération de virus et bactéries jusque-là emprisonnés dans la glace…
Ces conséquentes augmentations de température se manifestent aussi au niveau des océans. Avec des répercussions très fortes sur la vie marine, avec notamment une mortalité accrue des coraux, ce que l’on peut voir très nettement à Maurice. Mais il n’y a pas que cela : les océans absorbent 90% de l’excès de chaleur provoqué par les activités humaines. Or, depuis mai 2023, ils connaissent des températures hors normes, ce qui favorise l’apparition de cyclones hors normes.
Que faisons-nous face à ces menaces immédiates ?
Tout ceci se produit, il faut le rappeler, non par caprice de la nature, mais sous l’effet de nos émissions de gaz à effet de serre qui ne cessent de croître. Seule la diminution des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire pourrait stabiliser le climat. Or, malgré toutes ces alertes devenues catastrophes réelles, nous persistons dans un modèle de « développement » engagé dans la fuite en avant.
À notre échelle à Maurice, des ONG comme Eco-Sud s’engagent activement dans des actions qui tentent de conscientiser aux dangers environnementaux qui nous guettent, d’inverser le cours des choses, ou au moins d’en anticiper et atténuer les effets. Dans la dernière édition de leur newsletter La résiliente, parue cette semaine, il est inspirant de voir toutes les actions dans lesquelles l’ONG est engagée, dont cette rencontre organisée en avril dernier avec la société civile pour discuter de l’intégration des droits de la nature dans les politiques environnementales et explorer comment les enjeux écologiques et sociaux sont liés pour un avenir résilient et équitable.
Mais que font les États face à la fournaise que devient le monde ?
Dans les gesticulations et bras de fer politiques auxquels on assiste en ce moment un peu partout, qui pose cette question comme urgence centrale, au-delà des guerres d’ego, des velléités de pouvoir personnel, des magouilles d’enrichissement éhonté, des menées guerrières sur des territoires qui n’existeront, peut-être, bientôt plus ?
La terre brûle, nous regardons ailleurs (et nous nous battons pour manger des sorbets à la mangue en plein mois d’août)…
SHENAZ PATEL
Mais que font les États face à l’insoutenable fournaise que devient le monde ?
Dans les gesticulations et bras de fer politiques auxquels on assiste en ce moment, un peu partout, qui pose cette question comme urgence centrale, au-delà des guerres d’ego, des velléités de pouvoir personnel, des magouilles d’enrichissement éhonté, des menées guerrières sur des territoires qui n’existeront, peut-être, bientôt plus ? La terre brûle, nous regardons ailleurs (et nous nous battons pour manger des sorbets à la mangue en plein mois d’août)…
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