Et si finalement, le supposé changement survenu à la tête d’Air Mauritius n’était qu’une opération de com destinée à détourner l’attention des vrais et nombreux problèmes de la compagnie résultant de nomination de membres de lakwizin pas taillés pour les postes qu’on leur a confié ? C’est ce que commencent à se demander les employés de la compagnie nationale, un moment abusés par les grandes déclarations sur la pratique de bonne gouvernance, le respect des valeurs et l’esprit d’équipe mises en avant par le nouveau CEO. En effet, quelques semaines après la nomination du nouveau CEO et en dépit de ses déclarations médiatisées – c’est pour ça qu’il a engagé un porte-parole ? –, les choses n’ont pas beaucoup changé au sein de la compagnie. Bien sûr, on va dire que l’homme de confiance de l’ex-CEO a été suspendu, mais officiellement, aucune enquête n’a été initiée sur ses agissements, aucun comité disciplinaire institué. Comme disent les employés, il est grassement payé à ne rien faire. De même, la majeure partie de ceux dont les nominations – et parfois les qualifications et les compétences – ont été sujettes à questionnement sont toujours en place. Tout comme les responsables de départements qui ont entériné leurs nominations. Une des indications démontrant que plus c’est supposé changer à Air Mauritius, plus c’est la même chose, réside dans le fait que l’ex-CEO, supposément démissionné – pour des raisons qui n’ont pas été rendues publiques –, occupe toujours SON étage au bâtiment de la compagnie. Une autre preuve réside dans le fait que le président qui a entériné, signé et approuvé toutes les décisions de l’ex-CEO et son équipe – par exemple, la suspension, puis le licenciement de Yogita Baboo pour avoir dénoncé certaines pratiques – est toujours en poste et en place. On dirait que pour certaines institutions contrôlés par le gouvernement, le concept de la bonne gouvernance, dont on se glorifie, est à géométrie variable. Les responsables ne sont jamais coupables. En termes de changements annoncés à Air Mauritius, on est resté jusqu’a présent qu’au stade de déclarations. Dans les faits, la compagnie continue à dysfonctionner comme avant. Ce qui a changé, effectivement, c’est qu’un CEO a remplacé son prédécesseur, mais il n’y a absolument rien de nouveau dans la gestion de la direction de la compagnie. Pour paraphraser Harish Boodhoo, le chien est toujours à la même place, ce sont les carapates qui ont bougé.
Une des premières décisions du nouveau CEO a été de faire nommer un des pilotes au sein de son équipe censée revoir le fonctionnement de la compagnie en mettant fin – tout au moins au niveau du discours – aux pratiques de l’équipe précédente. On avait parlé de népotisme et de mauvaise gouvernance, entre autres. Or, c’est ce même pilote conseiller qui vient d’être nommé Chief of Operations Officer (COO) avec des conditions qui donnent l’impression d’avoir été taillées sur mesure. La première étant que le job est supposé aller à un employé permanent de la compagnie, alors que les pilotes ont un statut de contractuel. Une autre condition stipule que le nouveau COO continuera à piloter des avions, ce qui fait qu’il serait pendant ces vols le subalterne d’officiers dont il est le supérieur hiérarchique pendant qu’il exerce les fonctions de COO !
Après cette nomination, le nouveau CEO, fatigué par la tâche, est allé se reposer en famille en Afrique du Sud. Pour ce faire, il a demandé et obtenu des billets réservés aux employés – des staff tickets – en business class. Selon certaines informations, les billets seraient au nombre de sept. Le problème c’est que ce type de billet ne peut être obtenu qu’après qu’un employé ait eu un an de service. Le nouveau CEO a été nommé il y a seulement quelques semaines. La question que l’on se pose dans tous les départements et bureaux d’Air Mauritius est la suivante : qui a autorisé l’émission de billets au nouveau CEO en contrevenant aux règlements de la compagnie ? Au chapitre des abus de privilèges attachés à certaines fonctions et grades à Air Mauritius, on commence à dire que le nouveau CEO a largement dépassé le précédent. Et l’on s’étonnera après de ce qui vient de se passer, ces derniers jours, que beaucoup d’employés d’Air Mauritius, blasés et cyniques, disent : plus c’est censé changer plus c’est la même chose.
Jean-Claude Antoine