Droit dans le mur !

L’hippisme mauricien va droit dans le mur. À un rythme qui pourrait signer la fin des courses dans un délai plus bref qu’on n’aurait jamais imaginé si les mesures correctives ne sont pas prises à temps.

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Il faut arrêter de se voiler la face à l’effet que le choix du gouvernement d’avoir étranglé le Mauritius Turf Club pour favoriser ses desseins de récompenser Jean Michel Lee Shim, celui qui s’est présenté comme l’un de ses conseillers et l’un des financiers de son parti, le MSM, se révèle pour l’heure être plus un boulet, un pari perdant, que la révolution annoncée pour un hippisme mauricien flamboyant et propre. En effet, la propulsion de People’s Turf PLC (PTP) au-devant de la scène hippique — puisque le coup d’État pour prendre le contrôle du MTC a échoué — n’a pas donné au sein de l’opinion publique le résultat escompté de s’être débarrassé de la mafia des courses avec l’éviction du club bicentenaire, qui reste dans la mémoire collective comme avoir été le catalyseur des heures de gloire de l’hippisme mauricien. Aujourd’hui au Prime Minister’s Office, où ne parle plus de courses hippiques, il y en a qui se demandent si au lieu d’avoir expulsé la mafia des courses, on n’a pas en vérité fait son lit… Tous, en tout cas, s’accordent pour dire qu’on va droit dans le mur.

S’il fallait une preuve qu’au Treasury Building on est plus dans le doute que dans la certitude, il suffit de prendre connaissance du Finance Bill 2023/24 à l’item de la GRA Act. On constatera qu’il est celui de ces dix dernières années qui n’a pratiquement pas d’item pouvant faire les choux gras de la galaxie Lee Shim. À l’exception de permettre à des compagnies étrangères de betting et de gaming de sponsoriser les journées de courses et de faire de la publicité à cet effet à Maurice, il n’y a pas grand-chose, si ce ne sont des technicités qui sont de plus en plus contraignantes et dépensières pour tous les opérateurs. La mesure phare cette année concerne l’Interactive Gaming, qui va contraindre les Mauriciens à parier sur les événements sportifs, hippiques ou autres étrangers, uniquement à partir de compagnies autorisées à opérer sur le territoire national, parce que ce serait illégal de le faire avec les compagnies étrangères, même celles qui opèrent en offshore dans notre pays — y compris Bet 365 — qui comptent de très nombreux abonnés mauriciens.

Il ne faut pas tirer sur l’ambulance PTP juste pour tirer dessus. Il faut rappeler qu’il a pris les affaires au pied levé dans un contexte des plus difficiles politiquement et économiquement, et qu’il a épuisé ses ressources dans des investissements tous azimuts d’achats de chevaux, d’élaboration d’un centre d’entraînement, d’infrastructures diverses au Champ de Mars, mais aussi et surtout du running cost de l’entretien des pistes en sable et en gazon, de la nourriture des chevaux, de jockeys… de bouncers, de journalistes et d’autres dépenses courantes qui ne cessent d’enfler, alors que la crise aidant et l’inconfiance qu’il suscite ont tari les sources de revenus habituels dans ce milieu. Ce qui manque à PTP fondamentalement, ce sont les right persons in the right place, et non cette trâlée de sangsues, pas si dévouées et fidèles que ça, qui profitent du système, mais surtout du magnat des paris, lui-même, et de ses faiblesses pour le vilipender dès qu’il a le dos tourné. On n’est plus dans les années 1980 et n’est pas Jean Halbwachs qui veut. Aujourd’hui, l’air du temps est au partenariat entre organisateurs et stakeholders, et non un champ de bataille où l’on s’insulte comme chiffonniers par téléphone interposé. Surtout lorsqu’on a la petitesse d’esprit d’enregistrer une conversation privée, de la rendre publique et la travestir, en effaçant une partie de cette conversation pour salir son adversaire, mais pire, de tenter d’allumer la carte communale pour le mettre en danger.

Nous avons dans le passé, lointain, connu un autre Jean-Michel Lee Shim, bookmaker émérite, homme courtois foisonnant d’idées brillantes comme celui de SMS Pariaz. Mais qui a développé, au fil du temps, une double personnalité, qui a pour vecteur majeur l’amour du gain, de l’argent et surtout du pouvoir, avec à ses pieds des automates soldats. Il est devenu un personnage répugnant qui se nourrit de salissures de bas étage et souvent mensongères contre tous ceux qui s’érigent en critique, en résistance ou en opposition à ses idées et ses outrances. Il y a dans ce personnage, qui aborde ces temps-ci sa phase d’autodestruction motivée par un besoin permanent d’attention, des relents de Dr Jekyll and Mr Hyde.

Nous n’aurions cure des états d’âme de M. Lee Shim s’il n’avait en main aujourd’hui, seule, la destinée des courses. D’autant que les autorités censées veiller au respect des règles et des normes sont encore inefficaces et inefficientes sous son joug absolu et obéissent plus à ses désirs que de le mettre au pas. Certes, on a ressenti une petite vibration de résistance de la part de la Horse Racing Division (HRD), alors que la Gambling Regulatory Authority (GRA), et surtout son mentor officiel, Dev Beekharry, a complètement disparu des radars. Cette résistance ou cette déclaration d’autorité vaut au Racing Executive et Chief Stipe Deanthan Moodley une attaque en règle des médias du magnat des paris mauriciens, à l’effet qu’il serait un gros gambler. Les Mauriciens sont aujourd’hui bien rompus aux méthodes à la limite staliniennes du vrai patron de PTP et de SMS Pariaz et de son entourage lorsque s’érige sur son chemin dévastateur des obstacles à ses affaires, mais nous devons être rassurés que le Chief Stipe n’est en aucune manière mêlé au monde des paris et une certification du board de la HRD ne pourra que rassurer les turfistes, qui se détournent petit à petit de leur sport roi, qui inspire de moins en moins confiance.

Pourtant, le board des Racing Stewards de la HRD a fait des efforts ces derniers temps pour asseoir son autorité en prenant les sanctions appropriées à l’encontre de Bahim Khan Taher, qui avait un temps contester publiquement la division des courses en menaçant même de le dénoncer plus haut. Des enquêtes tous azimuts embarrassantes contre l’organisateur des courses, responsables de la sécurité, sont aussi en cours pour voir, par exemple, si le retrait de One Day Or Day One de la manche du Championnat des 4-ans, le samedi 1er juillet dernier, était justifié ou pas. Rappelons que l’entraîneur Praveen Nagadoo avait retiré son cheval de cette course en affirmant qu’il s’était blessé dans son float en descendant vers Port-Louis. Or, selon des renseignements glanés auprès de diverses sources et la chef vétérinaire Marie-Claire Domaingue dans le milieu de l’enquête menée par le Chief Stipe Deanthan Moodley, One Day Or Day One ne serait jamais descendu à Port-Louis et ne se serait jamais blessé dans le float. Il aurait été retiré rien que pour contraindre l’annulation de cette course afin de préserver le prize money pour une autre occasion.

Le témoignage de Sanraj (Coowar) Damadarsing dans cette enquête, qui reprendra son cours le lundi 17 juillet prochain en tant que responsable de la sécurité, sera déterminant. Il a entre-temps démissionné une nouvelle fois de son poste au sein du PTP après celle intervenue dans le sillage de l’affaire Tomorrow’s Vision, où il avait dénoncé le même Praveen Nagadoo, qui avait été sanctionné par les commissaires de courses, avant qu’il ne reprenne son job sur l’insistance du… top management. Cela en dit long sur les valeurs prônées pour tout ce qui concerne l’intégrité et le sérieux du control of racing au niveau de l’organisateur des courses. Qui, il faut le rappeler, est en permanence dans une situation de conflit d’intérêts caractérisé. En effet, outre l’organisateur des courses qui distribue et fixe — nous maintenons que la HRD ou la GRA doit établir un minimum vital des stakes money par catégorie des courses pour limiter les abus à la baisse, selon le seul bon vouloir de l’organisateur des courses — est aussi partie prenante de la propriété d’une majorité des chevaux qui sont en compétition chaque semaine. Il a aussi un contrôle de la majeure partie des paris effectués à travers l’île.

Ce constat doublé de l’instabilité épisodique qui anime les courses à Maurice — il y en a eu aussi sous l’ère MTC, les archives de Turf Magazine peuvent témoigner que nous les avons aussi dénoncés avec la même rigueur et vigueur — démontre que les courses mauriciennes nagent ces jours dans un délire à un niveau jamais atteint jusqu’ici. Il suffit de lire les commentaires sur les réseaux sociaux, et ceux du site de PTP sont éloquents de négativité pour les temps présents et une certaine nostalgie pour les temps passés, où les loges sont regrettées, l’ombre des arbres des tribunes manquent et surtout ces cris, de joie ou de désespoir qui commencent à se faire entendre bien avant l’entrée de ligne droite finale jusqu’à l’arrivée… C’est retrouver cette ambiance festive et unificatrice que recherche d’abord le turfiste mauricien !

Finalement, l’impression qui se dégage est que ce sont les mêmes mains invisibles qui interviennent à tous les niveaux et que seul l’argent prime. Quitte à freiner brutalement, changer de direction intempestivement ou accélérer droit devant, ne sachant pas où il faut aller. Il n’y a plus, il n’y a pas de vision, et sans perspective d’avenir, il n’y a qu’un seul constat et une crainte pour ne pas dire une peur qui nous anime : c’est qu’on est en train d’aller droit dans le mur…. Avec au bout du chemin une mort prématurée de nos courses. L’heure du réveil a sonné avant qu’il ne soit trop tard !

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