A Noble Salute !

Avec le départ officiel d’Alain Perdrau comme entraîneur de la scène hippique au terme de la neuvième journée, c’est vraiment une page majeure de l’hippisme mauricien qui est tournée après Gilbert Rousset, décédé l’an dernier, Ramapatee Gujadhur et Patrick Merven, qui ont eux rendu leur tablier pour des raisons de principe ou économiques. Il ne reste toujours en activité en piste, ou au programme par respect filial, de cette génération exceptionnelle d’entraîneurs qui ont animé le Champ de Mars, le vrai, à la fin du siècle dernier et au début de celui en cours, que Rameshwar Gujadhur et Ricky Maingard — qui a rejoint cette équipe d’élite un peu plus tard. Alain Perdrau s’est finalement retiré de la scène hippique contraint par  des graves raisons de santé qui l’ont gardé plusieurs jours dans un centre hospitalier avant qu’il ne rentre chez lui pour prendre enfin un repos mérité. Dès que sa santé lui permettra, il faudra lui rendre un vrai hommage, de son vivant, à la hauteur de sa brillante carrière, bien au-delà de celui qu’on lui a rendu samedi dernier au siège de PTP.

- Publicité -

Alain Perdrau a porté toujours haut et fièrement le drapeau du MTC dans son cœur depuis qu’il avait été Corner Judge aux côtés des Frantzo Merven, Dominique Piat et autre François Piat, avant de rejoindre l’écurie Ladégourdie en 1984 comme entraîneur, après un passage chez Marc David. Il devait dès l’année suivante prendre et assumer toute la responsabilité de ce qui allait être la fabuleuse écurie Perdrau, avec la bénédiction du monument Jean Halbwachs, dont on disait avec peu de malice qu’il était le fils spirituel. Du reste, ce dernier l’a beaucoup aidé dans sa carrière avec des conseils qui ont fait de lui un des entraîneurs les plus respectés. ll existait entre ces deux hommes une complicité, une vision et de franches discussions, parfois animées, qui ont contribué aux avancées et aux heures de gloire de l’hippisme mauricien.

En tant qu’entraîneur, Alain Perdrau a forgé sa réputation avec ses qualités insoupçonnables de patience et l’art du secret qu’il cultivait dans son yard de la rue Shakespaere — le plus proche du paddock — ce qui a valu le sobriquet de Père Laval, car il a emmené au plus haut niveau des chevaux dont on ne soupçonnait pas leurs qualités intrinsèques ou qu’on croyait perdus. Sa carrière exceptionnelle d’entraîneur, il l’a débutée sur des chapeaux de roues avec sa première victoire pour son premier partant, Flying Fortress, qui s’est imposé lors d’une journée mémorable d’un fabuleux coup de quatre. Ce jour-là, le tout nouvel entraîneur remporta la Duchesse avec le champion Specialize, que Peter Moran a aussi mené à la victoire dans le Barbé 1984. Cette année-là, Alain Perdrau remporta la Coupe d’Or avec le brillant Noble Salute — qui avait déjà gagné la Duchesse, le Maiden et la Coupe d’Or en 1983 — mais celui-ci se fit surprendre par le Gujadhur de service, Nippy Regen, dans le Maiden 1984.

Un Maiden qu’Alain Perdrau n’a jamais pu ramener dans son escarcelle… pourtant exceptionnelle de titres et de victoires mémorables. Cela restera à jamais son plus grand regret. Pourtant, avec avec World Focus en 2004, il pensait enfin toucher du doigt le Graal. Alors qu’il croyait que la victoire était acquise, un certain Etro, de l’écurie Philippe Henry, sous la monte de Kevin Shea, est venu lui enlever les derniers flashes d’un rêve qui ne sera jamais d’actualité ! De beaux rêves et de belles réalisations, il en a eu d’autres, et l’une de ses victoires les plus mémorables restera la Coupe D’Or 1995, que son magnifique champion Botanique, monté par Mahadia, remporta dans la dernière foulée contre le Gujadhur de service, Bold Statement, privé d’un doublé dans cette épreuve après sa victoire en 1994. Il doit pour cela une fière chandelle à son ami et vétérinaire, regretté et disparu trop tôt, Christian Bourdet. Au final, parmi les chevaux les plus connus qui ont marqué sa carrière, citons, entre autres, Noble Salute, Specialize, World Focus, Trump, Urban Cowboy, Major Prospect, Botanique, Golden Dice, Seraphos et Irish Paddy. Les jockeys avec lesquels il a partagé de grands moments hippiques, mais pas que… mieux, sont Peter Moran, Glen Hatt, John Powell, Robbie Hill, Paul Whitmore et chez les Mauriciens Vinay Naiko et Samraj Mahadia. Au total, Alain Perdrau a eu environ 5 600 entrées, desquelles il a remporté 698 victoires, totalisant un peu plus de Rs 95 millions de gains.

Si Alain Perdrau a marqué l’histoire hippique mauricienne de ces 40 dernières années, il n’en est pas moins un personnage complexe, avec qui nos relations ne sont pas toujours au beau fixe, quoi qu’empreintes de respect mutuel — Gilbert Merven disait, pour couvrir certaines de ses colères et certains de ses dérapages, qu’il avait lui aussi ses « règles » — et dont certaines actions n’ont pas toujours été à la hauteur et grandeur du personnage. Et nous le disons sans amertume ni jugement de valeur. Nul n’est parfait dans ce monde, mais ce qui importe dans la vie, c’est que vos réussites et réalisations soient reconnues de votre vivant. Car à quoi peuvent servir les hommages posthumes sinon de rappeler aux proches et ceux qui ont connu le partant qu’il avait du talent, mais aussi du cœur et le sens de la responsabilité.

C’est son devoir de père qui l’a poussé à poursuivre sa carrière au-delà de son sacerdoce avec le MTC. Il voulait s’assurer que Yannick, son fils, mette correctement ses pieds dans les étriers, surtout dans un monde où les valeurs intrinsèques des courses sont souvent bafouées, dans un monde où l’argent a plus d’importance que les valeurs sportives, dans un monde où on doit faire la gueule lorsqu’on a gagné au lieu de festoyer quand l’argent du boss n’était pas sur le gagnant ! À ceux à qui il a partagé ses états d’âme ces derniers temps, Alain Perdrau confiait encore récemment à des amis être un homme très meurtri et mal à l’aise dans son esprit et son âme vu la tournure qu’avait prise l’industrie hippique ces derniers temps… mais comme tout soldat, tant que son corps tenait le coup, il retournait inlassablement au combat avec un regard de père bienveillant sur son fils… Dont il est plus que temps de le laisser prendre son envol dans ce qui est aujourd’hui l’hippisme mauricien, certes loin d’être un paradis.

Alain Perdrau était au Champ de Mars le jour lors de la 7e journée pour la récente victoire de Courtroom Magic, avec qui il a remporté ses deux seuls succès de la saison, les dernières d’une carrière bien remplie. Nous lui souhaitons meilleure santé et de savourer des souvenirs d’un Urban Cowboy dans un jardin Botanique qui lui a ouvert des Major Prospect sur un World Focus pour lequel nous lui adressons un Noble Salute. Bonne retraite bien méritée M. Perdrau !

L’actualité hippique n’en est pas moins inquiétante, même si notre honnêteté professionnelle de journaliste indépendant doit dire que la neuvième journée a retrouvé des relents de vraies courses hippiques, que les couleurs grisâtres des courses organisées par PTP jusqu’ici ont pris certaines couleurs de l’arc-en-ciel, dopé il est vrai, par les retours à la compétition de Vincent Allet et de Preetam Daby. La remontée des enjeux samedi dernier est plus qu’encourageante pour les organisateurs de paris, qui disent cependant être encore loin des niveaux d’il y a quelques années.

Mais les écueils existants n’en ont pas pour autant disparu par miracle. Nous nous contenterons aujourd’hui de l’état des pistes du Champ de Mars qui demeure un danger permanent. Même si pour le dire on traître nos journaux et l’auteur de ces lignes de tous les noms — en vérité nous n’en avons cure, car le public sait pertinemment qui sont les vrais voyous des courses mauriciennes —, aujourd’hui, on ne peut transiger sur cet aspect des pistes qui recèle de graves dangers sur des vies humaines et celles des chevaux.

Nos écrits de mise en garde dans Week-End, dimanche dernier, sur l’état des pistes, décriés par PTP et ses acolytes, se sont malheureusement traduits dans les faits. En effet, le cheval de Shirish Narang Conquer The Ennemy, qui n’avait aucun problème de santé, s’est blessé après avoir désarçonné son jockey, avant d’aller se briser le boulet de son antérieur droit dans un des trous de la piste en gazon. Il a dû être euthanasié pour abréger ses souffrances. Quand on ajoute à cela l’absence de trolley qui a contraint le cheval de souffrir pendant 40 minutes sur la piste, il y a de quoi crier au scandale et pointer du doigt l’amateurisme persistant de PTP et de son mentor, qui, au lieu de perdre son temps à s’en prendre à nos journalistes, devraient se concentrer simplement à faire son travail.

D’autant que les faits mis en avant dans nos journaux se sont malheureusement confirmés, une nouvelle preuve que nous ne sommes qu’au service de la vérité et rien d’autre, surtout pas des individus. Puisqu’au final, PTP a dû concéder et confirmer les informations de Week-End/Le Mauricien, qui ne pratiquent ni le mensonge ni la désinformation, et encore moins la diffamation, militent pour la vérité… PTP a dû se résoudre à fermer la piste en sable en publiant le communiqué suivant : « Please be informed that due to some issues with the sand track at the Champ de Mars, PTP is having to close it with immediate effect up until Friday morning. PTP team of contractors will be working on the sand track to make it operational and SAFE AGAIN. In the meantime, the trotting track will be available. »

Un petit mot enfin, mais pesé de félicitations au jeune apprenti Goolgar qui, comme son collègue Écroignard — qu’il a battu de justesse samedi dernier — a su s’imposer pour sa première monte en course. Un jour qui restera toujours dans sa mémoire, d’autant que le nom du cheval qu’il pilotait, Betathantherest, est déjà un bon présage. Nous lui souhaitons donc une grande carrière et lui demandons de partager avec Écroignard les bons conseils déjà donnés par Turf Magazine dans sa dernière édition. À défaut d’un Noble Salute, nous souhaitons à ces deux apprentis prometteurs de croiser sur leur route le Golden Dice, comme Alain Perdrau !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour