Ouvert comme rarement, le 100 m a sacré l’inattendu italien Lamont Marcell Jacobs dimanche aux Jeux olympique de Tokyo, les premiers depuis la retraite de la légende Usain Bolt, dans une soirée où Yulimar Rojas a battu le record du monde du triple saut.
En 9 sec 80 (+0,1 m/s de vent), nouveau record d’Europe, Jacobs (26 ans) a devancé l’Américain Fred Kerley, adepte du tour de piste qui n’avait jamais couru de 100 m de haut niveau avant cette année, et le Canadien Andre de Grasse, qui retrouve le bronze comme à Rio.
Pas de mimiques au départ, pas de record à sauter du canapé, pas de flèche invisible plantée dans le ciel de Tokyo à l’arrivée. Le 100 m olympique et avec lui tout l’athlétisme a définitivement tourné la page Usain Bolt dimanche soir.
La ligne droite a perdu une légende et un certain sens du show, mais elle a gagné en suspense! Dans la moiteur du stade olympique (environ 27 degrés et 74% d’humidité), les hommes les plus rapides du monde ont fait parcourir le délicieux frisson de l’incertitude toute la soirée.
Le « teasing » était déjà de qualité après les demi-finales en début de session: le favori américain annoncé Trayvon Bromell a été laissé à la porte, comme le vice-champion olympique 2012 Yohan Blake, privant la Jamaïque de finale pour la première fois depuis Sydney en 2000, comme un symbole.
– 23 centièmes en une saison –
La pression était telle qu’elle a fait exploser le Britannique Zharnel Hugues, auteur d’un grossier faux départ en finale.
Solide du début à la fin de sa course, c’est bien Jacobs qui s’est détaché petit à petit de la meute, pour tendre ses gros bras musclés et tatoués sur la ligne.
Il était impossible de prédire le sacre d’un coureur qui n’était jamais passé sous les 10 secondes avant cette saison, qui ne comptait aucune finale internationale dans sa carrière, aucun podium de renom en plein air, même européen, et qui a retranché 23 centièmes de seconde à son meilleur chrono en quelques mois.
Le premier européen champion olympique du 100 m depuis le Britannique Linford Christie en 1992 s’est révélé en 2021 en devenant champion d’Europe en salle du 60 m cet hiver à Torun (Pologne), avant de tout casser cet été: 9 sec 95 en mai puis 9 sec 84 en demi-finale dimanche, avant la gloire en fin de soirée.
« Mon seul rêve en arrivant ici, c’était d’entrer en finale. C’est incroyable, je n’ai pas de mot pour décrire ce moment. Je pense avoir besoin de quatre ou cinq ans pour réaliser, comprendre ce qu’il s’est passé », a-t-il expliqué.
– « Pas le moment des comparaisons » –
La ligne droite, privatisée par Bolt en 2008, 2012 et 2016, a donc sacré un quasi inconnu qu’il est difficile de désigner comme le successeur du Jamaïcain.
« Je me rappelle de chaque course de Bolt, je les ai toutes vues. Être ici après l’avoir vu faire à la télé est incroyable. C’est dur de me comparer à lui. Il est la face d’une période entière de l’athlétisme, il a changé le sport, ce n’est pas le moment pour les comparaisons, il faudra voir comment vont évoluer les choses dans le futur pour moi », a dit Jacobs.
L’Italie a connu une soirée magnifique avec le titre quelques minutes auparavant du fantasque sauteur en hauteur Gianmarco Tamberi, partagé avec son ami qatari Mutaz Essa Barshim.
Le cardio venait tout juste de monter à bloc avec l’éblouissant record du monde du triple saut pour Yulimar Rojas à 15,67 m, mieux que les 15,50 m de l’Ukrainienne Inessa Kravets en 1995.
Comme elle sait aussi faire le spectacle, elle avait réservé cette petite folie pour son sixième et dernier essai, déjà assurée du titre, le premier aux JO tous sports confondus pour une Vénézuélienne.
Ce condensé d’émotions brutes a favorisé une belle ambiance, malgré l’absence de public, grâce à quelques dizaines de participants aux Jeux venus soutenir leurs coéquipiers.