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Anastasia Desmarais, cycliste : une championne dans lakaz tol

Première dans sa catégorie depuis 2017, la cycliste Anastasia Desmarais, 17 ans, roule pour vaincre l’adversité. Enfant de la zone de squatters, Camp Rodriguais, La Ferme, la précarité ne lui a pas ôté ses ambitions. Soutenue par sa mère, Isabelle, cleaner de profession, l’adolescente de la Team MCB encadrée par la Cycling Academy Gamma fait la fierté des siens et porte la flamme de l’espoir.

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La maisonnée en tôles usées et bois fatigué ne résistera pas aux prochaines rafales cycloniques. Squatter depuis quelques années Isabelle Desmarais a, donc, hâte de trouver les moyens pour consolider sa demeure située au cœur de Camp Rodriguais  à La Ferme. En attendant, malgré la précarité de l’abri, la maison restée soigneusement rangée et aérée à travers les ouvertures sans vitre. Dans sa chambre à coucher, qui fait aussi office de salon à côté de la cuisine, la mère nous montre la photo encadrée d’un solide gaillard. Le jeune frère d’Isabelle est décédé d’un problème cardiaque il y a quelques jours. Considérablement affectée par cette disparition inattendue, elle participait aux rites funéraires quand elle a ressenti les premiers symptômes de la Covid. Les jours qui ont suivi ont été “très durs” pour la femme qui a dû compter sur ses enfants pour veiller sur elle. “Problem zame fini”, mais Isabelle ne s’en lamente pas et s’accroche à un espoir accentué par la fierté que lui procure son ainée : Anastasia.

17 ans, la souriante adolescente au caractère ensoleillée est championne de cycliste minime depuis 2017. Les trophée et médailles qui ornent le salon à côté de la photo de l’oncle exposent la détermination de cette enfant à vouloir grimper plus haut. La grande pauvreté qui touche sa famille et son voisinage ne lui ont pas ôté sa capacité de rêver. “J’espère faire le Tour de La Réunion, aller concourir en Afrique et dans d’autres endroits.” Elle ramenera d’autres médailles et des raisons supplémentaires pour rendre sa mère fière.

Il n’y aura pas que ça : se préparant pour la SC, l’élève du Collège New Devton s’applique dans ses études pour devenir avocate. “Cela me permettra de défendre ceux qui sont victimes de violences domestiques”, explique Anastasia. Mais les conditions présentes ne sont pas en sa faveur. “Comme nous sommes squatteurs, nous sommes obligés de prendre de l’électricité du voisinage et nous sommes souvent affectés par des coupures”, explique Isabelle qui a veillé à installer le Wifi chez elle pour que ses enfants puissent suivre les cours en ligne. “Mais souvent je n’arrive pas à le faire à cause de l’électricité”, ajoute Isabelle sous le regard de sa petite sœur, Anne-Laure.

8 ans, cette dernière est capitaine de son équipe de football et s’entraîne grâce au coach à travers le Centre de Jeunesse de sa localité. C’est là, qu’Anastasia avait découvert le cyclisme sous les encouragements de sa cousine qui lui avait parlé du programme de détection qu’avait lancé le ministère. Elle avait commencé par le VTT, et grâce aux aptitudes démontré elle avait ensuite chevauché un vélo de course pour la toute première fois. Dès lors, coachée et ensuite encadrée par la Cycling Academy Gamma elle se retrouva dans le peloton de tête lors des compétitions avant de devenir rapidement la championne incontestée depuis quelques années.

Passée dans la catégorie féminine de moins de 18 ans Anastasia Desmarais fait aussi partie de la Team MCB. “Je suis celle qui est assise à droite sur la photo”, dit-elle en faisant référence à la grande affiche qui ornait la banque à Port-Louis et qui avait été placée sur des panneaux publicitaires dans différentes parties du pays. Tout un symbole pour cette famille et son entourage. En effet, pauvreté, promiscuité, trafics, drogues ont couvert Camp Rodriguais d’une chape de préjugés. S’ajoutent à cela les retombées de l’exclusion provoquée par un système qui ne trouve toujours pas le moyen prendre en charge ses plus vulnérables alors que les vautours des hautes sphères veillent sur les moindres occasions pour s’enrichir encore un peu plus. Dans les ruelles en terre où coulent des eaux usées et des rivières de boues en période de grosses pluies, beaucoup espèrent un lendemain meilleur. Anastasia Desmarais leur a apporté espoir et fierté : “Quand on me voit sur des affiches et dans les médias cela montre qu’il y a aussi de bonnes choses qui se passent dans Camp Rodriguais. Cela permet aux gens de se sentir fiers.”

Les yeux d’Isabelle rayonnent de fierté quand elle parle de ses deux filles. Cleaner affectée au nettoyage des toilettes à Wolmar, la femme travaille dur et veille au grain sur les dépenses pour que ses enfants ne manquent de rien malgré son maigre salaire. “J’espère qu’elles retrouveront une bonne maison comme celle que nous avions quittée quand je me suis séparée de mon mari pour bouger de Grand Gaube à ici. Il y avait trop de conflits entre nous et ce n’était pas bien pour les enfants.” Toute leur vie a été reconstruite aux bords de La Ferme, ce sont des amis qui ont aidé à la construction de la maisonnée. “Je n’ai pas eu l’occasion de faire des études. J’espère que mes enfants auront leurs diplômes et qu’elles iront loin dans la vie.”

En cette fin de journée, tandis que des enfants jouent dehors et que des jeunes vaquent à des occupations de survie Anastasia Desmarais se prépare à passer dans la cuisine. Depuis plus d’une année, c’est la championne qui prépare les repas afin d’aider sa mère dans les tâches. Ses spécialités : riz frit poisson salé, kari poul, salmi poul, roti, entre autres. “Je fais un peu de tout. Quand je ne connais pas une recette, c’est la mère qui me l’explique.”

Quand elle est sur son vélo Anastasia Desmarais a appris à vaincre la douleur pour donner le meilleur d’elle-même. Une sensation ineffable la porte en avant à chaque fois sur la route comme dans la vie.

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