“Après 3 ans et demi sans toucher à la drogue, je me suis remis à me droguer de nouveau”, dit Ashvin, ex-toxicomane. Cet homme de 43 ans s’est senti comme happé par ses vieux démons. Esclave du brown sugar pendant une dizaine d’années, Ashvin avait pris conscience qu’il devait changer de vie lorsque naissait son premier enfant. Mais 3 ans et demi plus tard, il avait l’impression d’avoir perdu la bataille contre la drogue lorsqu’il céda de nouveau au chant de ses sirènes. “Ma concubine venait de me quitter pour quelqu’un d’autre et avait pris mon fils avec elle. D’un coup, je me suis levé et je suis allé directement chez un dealer pour me ravitailler en brown sugar.”
Soulagement éphémère.
Le soulagement qu’il avait ressenti n’avait duré que quelques heures. Il prenait vite conscience du geste qu’il venait de faire et qui allait peut-être mettre en péril tous ses efforts pour se libérer de sa dépendance aux drogues. “J’ai pleuré à chaudes larmes comme jamais je n’avais pleuré. J’étais dégoûté envers moi-même. Je me parlais à moi-même, me traitais de tous les noms.”
Tenant plusieurs jours sans sombrer face au désir de se droguer, Ashvin finit par céder de nouveau. Après une troisième fois, il se rendit compte qu’il reprenait ses habitudes d’avant. “C’est ma mère qui me l’avait fait remarquer, elle me disait qu’elle voyait sur mon visage que je me droguais de nouveau même si elle n’en savait rien.” Ne perdant pas de temps, Ashvin alla chercher du secours dans un centre de réhabilitation, là où il avait trouvé la force de se libérer de la drogue. Depuis, il est ‘clean’, tentant de rester loin des problèmes.
Facteurs déclencheurs.
Il faut savoir que, sur un plan médical, on parle de rechute uniquement lorsque certaines facteurs sont présents. “Il y a rechute quand une personne qui avait une dépendance aux drogues a suivi un traitement, est devenu abstinent et a recommencé à se droguer”, précise Imran Dhannoo du Centre Idriss Goomany. À contrario, dans le cas d’un patient sous méthadone qui recommence à prendre du brown sugar, on ne parle pas de rechute à proprement parler puisque celle-ci continuait à prendre une drogue de substitution.
Comme le disent Kunal Naïk, psychologue-addictologue et Imran Dhannoo, “La rechute fait partie du cycle de la dépendance.” Il est souvent question de circonstances qui mènent à la rechute. Imran Dhannoo fait savoir que chacun a ses faiblesses et qu’il doit être vigilant pour ne pas sombrer. “Il y a des facteurs déclencheurs : comme voir d’autres personnes se droguer, avoir beaucoup d’argent sur soi, des problèmes familiaux ou de cœur. Il est important de connaître ses points faibles, c’est d’ailleurs ce que nous demandons à nos patients. nous leur recommandons de découvrir leurs warning signs.” Pour Kunal Naïk : “Dans l’addiction, il y a la notion du craving, le ‘fat yen’, comme on dit. La personne doit identifier ces signes.”
La rechute, pas un échec.
Le psychologue-addictologue fait ressortir qu’une rechute n’est pas un échec. “Ce n’est pas la fin du monde, cela arrive souvent. Les habitudes prises pendant la toxicomanie prennent du temps à s’en aller.” Imran Dhannoo ajoute, “Quand il y a rechute, cela ne veut en aucun cas dire que la personne est mauvaise ou n’a pas de volonté.” Ce dernier explique que certaines personnes auront besoin de subir : “15 ou 20 rechutes avant de sortir complètement du cycle de l’addiction. Cela peut même être une life long process.”
Pour nos deux spécialistes, l’importance réside dans le suivi. “Un toxicomane qui ne bénéficie pas d’un bon programme d’accompagnement a de grandes chances de rechuter. Il ne faut pas se limiter au traitement médical mais inclure également un suivi psychologique et un soutien de l’entourage”, dit Imran Dhannoo. Kunal Naïk est lui d’avis que : “Les programmes de réinsertion sont extrêmement importants. Le risque de rechute est extrêmement fort quand on n’est plus dans un espace thérapeutique. Le suivi est très important. Il pourra s’exprimer, partager sa situation. Sans soutien psychologique, le risque de rechute s’accroîtra.”