Il figure parmi les plus anciens rockeurs locaux encore actifs, et, surtout, avec son combo des nineties, ils sont… still going strong ! Lui, c’est Thierry Ramadu, l’un des fondateurs et le lead singer du groupe de rock métal local, Xenolith. Mais il n’y a pas que les « killer riffs » de Metallica, Iron Maiden, Megadeth, Slayer ou Slipknot, qui peuplent les songes de Thierry Ramadu. Cet enfant de Rose-Hill, fils aîné d’un batteur qui a cotôyé des grands, dont Marclaine Antoine, s’avoue être un «drogué de la pêche !» Rencontre avec un papy du rock très zen et aux idées toujours jeunes !
«Si mo pa ti ena mo lamizik ek la pess, zordi traka ek problem ki mo finn gagne ti pou inn fini mwa !» Ces paroles dures sont celles de Thierry Ramadu, qui avoue «revenir de loin, grâce à mes passions pour le hard rock et la pêche». Un des plus anciens rockeurs de la scène locale, le lead singer de Xenolith, combo de rock métal ayant vu le jour début des années 90, l’homme est toujours aussi habité par sa passion de prime jeunesse.
Sa maison, nichée dans le cœur de Rose-Hill, dans la région de Camp Levieux, est imprégnée de son goût sans bornes pour un mode de vie dicté par le rock. Mais attention ! Ne pensez pas que vous y rencontrerez des posters grandeur nature de Megadeth, Sepultura avec Mustaine ou Cavalera dans des poses… de circonstance. Pas du tout. L’intérieur feutré de Thierry Ramadu est meublé avec une touche d’originalité, comme cette cheminée qui sort du mur du salon. Ou ce garage transformé en antre pour musicos, où trône une grosse caisse, une guitare et des claviers : signe clair, qu’ici, la musique, on ne se contente pas d’en écouter, mais on la joue surtout !
Fuel for fire.
En plein confinement, en mai dernier, une initiative commune de la part de plusieurs rockeurs locaux, évoluant sous la férule de Culture Events, présente sa version du mythique Imagine de John Lennon. Parmi les voix qui reprennent les mots éternels du Beatles assassiné, celle de Thierry Ramadu. Son timbre à la fois sombre et rauque se distingue et rappelle des souvenirs que l’on pensait enfouis dans la nuit des temps.
En ces jours bénis pour des jeunots de la Generation X, qui ne juraient que par le Nirvana, Pearl Jam et autres standards de l’époque, la scène locale se conjuguait avec quelques combos qui se défendaient plutôt bien et qui avaient pour noms Cobalt Fudge, Preachers, X-Act… Leurs précédesseurs éaient les Paranoid, Alter Ego et surtout, les illustres Feedback. Ces boutonneux émergeaient, surtout le temps des Jump Around Youth Concerts (JAYC) annuels, émanant essentiellement des institutions secondaires du pays. Les deux générations croisaient souvent le fer, le temps de festivals comme MagicLand, à Rose-Hill, ou d’autres événements qui se déroulaient, essentiellement sur l’Esplanade du Plaza, toujours dans les Villes-Sœurs, qui a beaucoup, il faut le reconnaître, contribué à laisser s’épanouir les talents, durant ces années-là.
Born of fire.
Ces dernières années, le Underground Rock Festival (URF) initié par Culture Events, avec Jimmy Virapin aux commandes, est venu injecter du sérum très attendu dans une scène rock locale qui n’a, au final, jamais véritablement décollé, hélas ! Faute d’un public massif, certes. Et, également par manque d’intérêt de la part de tourneurs de spectacles : durant les eighties et nineties, à Maurice, l’événementiel était quasi inexistant. Ce qui amenait les rares pogoteurs avides de la moindre sortie d’un groupe local qui jouerait autre chose que du séga ou de la variétoche, vers des boîtes de nuit qui acceptaient d’organiser des gigs ou vers ces foires qu’organisait surtout Beau-Bassin/Rose-Hill, et qui offrait une plateforme très attendue aux jeunes talents locaux.
Les rockeurs locaux n’ont, effectivement, jamais eu une opportunité réelle et concrète de vivre de leur passion. Et, de par une politique artistique peu portée sur l’épanouissement des talents et la reconnaissance des efforts, la plupart des groupes qui ont existé ont été victimes d’un trépas naturel, d’une part, «parce qu’on ne peut vivre de la musique, à Maurice, à moins qu’on fasse du séga… Et là, encore !», signale, à ce titre, notre interlocuteur.
Holy Smoke.
Alors que leurs seniors de Feedback, Paranoid et autres Alter Ego ont fini par raccrocher leurs guitares, Xenolith, dur comme la roche magmatique dont il tire son nom, a résisté aux ruptures, usure et egos. Son secret bien gardé ? L’amitié sans frontières et inconditionnel qui lie ses membres. «On se rencontre souvent, dès qu’une opportunité se présente, explique, à cet effet, Thierry Ramadu, le pivot du combo. Même si chacun a ses occupations professionnelles et personnelles, ils répondent tous présents dès qu’on décide de se voir et faire un bœuf… Ce qui nous arrive très souvent, d’ailleurs !» Et heureusement, car, sans cela, Xenolith aurait probablement connu un destin aussi funeste que ces autres combos cités !
Feuer Frei.
Même Maclean Cécile, membre pionnier de Xenolith, qui, aujourd’hui, «est cuisinier et musicien en Chine, ne rate aucune occasion, dès qu’il vient au pays, de venir, ici, chez moi, à Rose-Hill, avec tous les autres amis… Et, on joue pendant des heures !» Preuve que le feu de la passion qui brûle en chacun des membres de Xenolith n’est pas près de s’éteindre !
«C’est la passion qui nous lie, élabore T. Ramadu. Oui, les années ont passé. On est, évidemment, chacun pris avec nos vies et nos réalités. Mais une chose est restée : c’est notre amour pour la musique de Megadeth, Metallica, Slayer, Iron Maiden et tous ces groupes de métal qui ont bercé nos jeunes années. On s’est connus, grâce à cette musique. On s’est liés, grâce à elle. On a vécu et grandi, avec elle. Et aujourd’hui, c’est tout à fait normal qu’elle continue à nous accompagner…»
Preuve que Xenolith n’est pas resté figé dans le temps, «j’écoute de tout : des classiques comme Pink Floyd, Led Zeppelin aux nouveaux rockeurs comme Slipknot. Je ne m’enferme pas dans un genre ou une période… Ce serait réducteur !», confirme Thierry Ramadu.
Pourtant, son cheminement ne le prédestinait pas vraiment à une carrière dans le rock !
Light my fire.
A l’aube des nineties, un petit groupe, New Feeling, porte dans ses rangs un jeune rockeur qui ne soupçonne pas encore sa passion illimitée pour les borborygmes, onomatopées et gros riffs lourds qui caractérisent le rock métal ! Durant ses années collège, qu’il passe sur les bancs des institutions rosehiliennes New Eton, Trinity et Leoville L’Homme, Thierry Ramadu est pote avec des jeunots qui, comme lui, sont animés par la passion commune de la musique. «En ces temps-là, se remémore-t-il, on jouait dans des fêtes et les matinées dansantes, et on faisait surtout de la variété : UB 40, Bob Marley, Simply Red… Mais déjà, le rock était très présent dans notre répertoire avec des reprises de The Police, Dire Straits, Scorpions…»
Comme Thierry Ramadu, ses potes d’antan ont suivi des parcours musicaux qui les ont mené vers des sommets impressionants. A l’instar de Mayeven Murden, pour qui le mridangam n’a aucun secret ! Gilbert Kuppusami, ancien batteur de Kaya qui mène une carrière internationale. Ou encore, Ashvin Seewoochurn, bassiste qui a évolué au sein de plusieurs formations prestigieuses, dont Feedback.
Reborn.
Mais ce sera la rencontre avec Joe Durbarry qui sera le déclic. Exit le soft et pop rock, et la variété. Enter le métal pur et dur des Metallica, Megadeth, Iron Maiden, Slayer : rien que du lourd, du très lourd, même ! «Nous nous sommes rendus compte que nous nous identifions davantage à cette musique qu’à ce que nous jouions, jusque-là», admet Thierry Ramadu. Les membres du combo sont alors dans leur prime jeunesse. La rage des riffs tueurs de Lars Ulrich, les coups de gueule de Dave Mustaine ou de James Hetfield, les hymnes signées Iron Maiden, Slayer et Sepultura eurent vite raison de leur adrénaline débordant !
Et Xenolith fut.
Le nom, se souvient notre interlocuteur, «provient du fait que le mot, d’origine grecque, connote la dureté. On souhaitait s’inscrire dans une réalité et on voulait être parés à toutes épreuves.» Presque trois décennies plus tard, le combo porte toujours aussi bien son nom : Xenolith a su faire face à l’usure du temps.
Eternal Flame.
Désormais incontournables des Underground Rock Festival annuels, Xenolith fait figure des « papys » de la scène locale. «Les jeunes sont prometteurs, reconnait le lead singer de Xenolith. Cependant, comme nous, quand nous avions leur âge, ils sont pétris de ce sentiment qu’ils sont les meilleurs et qu’ils n’ont besoin de conseils de personne… Je ne dis pas qu’ils se casseront la gueule. Mais quelques conseils de ceux qui sont déjà passés par là leur éviteront certains obstacles. A eux de voir !»
Thierry Ramadu regrette que «que ce soit dans les années 90, quand nous étions très présents, sur les scènes qui nous étaient proposées, que ce soit maintenant, s’il n’y avait l’initiative de Culture Events, le rock local aurait été mort et enterré… et depuis belle lurette !»
Xenolith… in Scope !
Un des premiers articles de presse consacré à Xenolith avait paru dans… Week-End/Scope, dans l’édition du 5 au 11 août 1994, sous la plume de notre consœur Sabrina Quirin, qui écrivait : «Cependant, ils rencontrent certaines difficultés, et en parlent ouvertement : « lors de nos répétitions, nous faisons beaucoup de bruit, car il n’est pas possible de jouer du rock sans faire de bruit ! (…) Nous avons aussi des problèmes financiers : nous devons louer des instruments et aussi payer Rs 100 pour une heure de répétitions. Et le manque d’argent nous empêche d’aller de l’avant. »
Pour ce qui est de leur répertoire, lors de leur passage sur scène, Xenolith reprend des morceaux de Nirvana, Guns & Roses, Pink Floyd, Scorpions, Iron Maiden… Ce qui ne les empêche pas, parallèlement, de se pencher sur leur futur album. D’ailleurs, les membres de Xenolith ont déjà composé six chansons, dont Rhythm in the blood, Ketty, My crying guitar et Haunted house. « A travers nos chansons, nous passons des messages, et surtout, nous proclamons notre engouement pour le rock, par exemple, dans Rhythm in the blood. Le hard rock est pour nous un moyen d’expression et nous avons aussi ‘la rage du rock’…»
Smash Records : l’escale incontournable !
Comme nombre d’ados de sa générations, Thierry Ramadu a fait ses armes, en s’abreuvant des albums metal, hard rock, punk, grunge, doom metal et tout le registre auprès de l’unique… Smash Records de Rose-Hill. Tenu par feu Tony Rajah, affectueusement surnommé Toto par tous ceux qui squattaient sa petite boîte à musique, cet antre a vu défiler des milliers de Mauriciens, toutes générations confondues… «C’était surtout les samedis que l’on s’y retrouvait, se souvient notre interlocuteur. Avec les potes, on découvrait les nouveaux albums que Toto venait de recevoir, on passait les commandes pour les cassettes audio.» Eh oui, jeunesse, vous qui ne jurez que par ‘streaming’ et téléchargement, en ces temps-là, il fallait passer par cette case pour écouter la zik. C’était ô combien plus jouissif, car ces écoutes se faisaient en bande, pas tout seul dans sa chambre, loin de la chaleur des autres.
Outre l’escale Smash Records, les samedis, les fans de Xenolith et les membres du combo passaient l’après-midi ensemble : «on se donnait rendez-vous à la gare de Rose-Hill, explique T. Ramadu. Mett enn dialog, bwar enn ti zafer… Jouer et chanter pour eux, aussi. C’est cela, je pense, qui nous a gardés connectés et ensembles.»
Drogué de la mer…
Deux qualités que le lead singer de Xenolith a adopté dans son quotidien : «je suis de nature honnête et je ne cautionne pas du tout l’hypocrisie : je dis franchement ce que je pense, que ça passe, ou ça casse. Cela m’a évidemment attiré quelques ennuis, mais je refuse le faux-semblant : j’ai horreur de ça !»
Sa bouée de sauvetage et de fraîcheur : «la pêche ! Que ce soit à Mare aux Vacoas, où un de mes oncles m’a initié à cette activité, ou la pêche au gros, en haute mer, c’est ma drogue !» Thierry Ramadu confie «adorer les fruits de mer !» Cuistot à ses heures, l’homme partage son plat préféré : «enn bon bouyon brede, saute poisson sale, chips ek… satini coco !»