“Je sais que nous devons tous mourir un jour. Mais personne ne mérite de partir de cette façon. Sans un regard compatissant, sans un proche pour lui tenir la main et l’accompagner vers sa dernière demeure”, confie Nathalie. En nous reparlant de sa mère, sa gorge est serrée par l’émotion. Les deux semaines cauchemardesques qui précèdent la mort de Rosemay Arnachellum hantent toujours sa fille.
Appels de détresse
En octobre dernier, toute la famille contracte la Covid-19. La mère de Nathalie n’était pas vaccinée et avait des complications de santé, car elle souffrait d’insuffisance rénale, mais n’était pas sous dialyse. Étant donné que son état avait commencé à se détériorer, la famille décida de la transporter dans un hôpital des hautes Plaines-Wilhems où elle est admise dans le Covid Ward. Pour Nathalie, “C’est l’une des plus grandes erreurs que nous avons faites. C’est comme-ci nous l’avions abandonnée à son triste sort”.
En effet, à sa tristesse, s’ajoute un sentiment de culpabilité et de révolte. Elle se souvient encore des appels de détresse de sa mère de sa chambre d’hôpital. “Elle me disait qu’elle avait la gorge sèche et avait à peine bu une goutte d’eau de la journée”. Etant sous perfusion, Rosemay ne pouvait pas s’alimenter seule. “On lui déposait un take-away sur sa table, mais il n’y avait personne pour l’aider à se nourrir. ”Donc, elle restait le ventre vide.
Le plus dur, c’est quand leur mère leur racontait se faire crier dessus par le personnel hospitalier parce qu’elle recherchait une assistance. “Pendant les deux semaines qu’elle a été sur place, ils n’ont fait aucun test PCR avec elle. Il y a eu énormément de négligence. Quand je repense à ce traitement infligé à ma mère, je sens ma poitrine se déchirer de douleur”, lance Nathalie. Par la suite, toute la famille s’est mobilisée pour multiplier les démarches pour qu’on leur rende leur mère. Mais toutes les portes sont restées closes.
“Je ne réalise pas que je ne la reverrai plus.”
Deux semaines plus tard, on leur annonce son décès. Un jour noir pour Nathalie et ses proches car dans la journée, elle perdait aussi son beau-frère qui souffrait d’un problème cardiaque. Ce fut un véritable parcours du combattant pour récupérer le corps de sa mère et faire les démarches pour son enterrement. “Les cimetières n’acceptaient pas les patients décédés de la Covid-19. Pire, les incinérateurs étant en panne, nous avons été obligés de la bruler au bucher, ce qui n’est pas notre culture”.
Rosemay avait huit enfants et une trentaine de petits-enfants. Mère courage et grand-mère exemplaire, pour ses 83 ans, elle était encore très en forme, raconte sa fille. Trois ans plus tôt, Nathalie avait déménagé pour s’installer à une centaine de mètres de sa mère. “Pas un jour ne passait sans qu’elle ne vienne me voir, et vice-versa”.
Cette proximité avait rapproché mère et fille et elles étaient encore plus complices. “Je ne réalise pas que je ne la reverrai plus jamais, j’ai souvent l’impression de l’entendre arriver chez moi, taper à la porte et m’appeler. Quelquefois, quand elle n’aimait pas ce qu’on cuisinait chez elle, maman savait qu’elle pouvait venir chez moi”. Rosemay était le pilier de la famille, celle autour de qui tous se réunissaient pour les fêtes et célébrations. “Rien ne sera plus pareil sans elle. Nous l’avons déposée à l’abattoir et je vivrais chaque jour de ma vie avec ce regret”.