La saison de chasse devrait débuter le 2 juin, au même moment que le déconfinement. Cette année les trois mois de chasse que dure la saison seront différents en raison des gestes barrières préconisées contre le Covid-19. Les chasseurs estiment que la saison perdra de son charme alors que les chassés risques d’être dans le rouge sur le plan financier en raison d’une situation économique précaire et du braconnage qui est en recrudescence.
Pour les chasseurs, le début de la saison de chasse est généralement un réel plaisir. “On se réveille aux aurores, on prend un café et des croisants avant d’assister au briefing où sont rappelées les mesures de sécurité et au tirage au sort déterminant l’attribution des miradors pour chaque chasseur.” Avec carabines ou canons lisses, les passionnés se positionnent alors sur les miradors laissant le soin aux rabatteurs, aidés des chiens, de ramener le gibier dans leur ligne de tir. Cerfs principalement mais également des sangliers seront prisés.
Le folklore impacté.
Prévue généralement du 1er juin au 30 septembre, la saison officielle de la chasse devrait bien se tenir cette année si le déconfinement est confirmé pour le 2 juin selon le ministère de l’Agro-industrie. Kevin Ruhomaun, directeur du National Parks Conservation Service, explique : “Toutes les précautions seront prises concernant la distanciation sociale et la désinfection des mains. Aucun regroupement pour le déjeuner ne sera permis.” Masques et sanitizers seront également obligatoires à chaque étape.
Avec le Covid-19, cette année, la saison risque d’être dénuée de plusieurs de ces choses qui font partie du plaisir de la chasse. La partie de chasse elle-même n’en sera pas réellement affectée puisqu’elle se faisait déjà avec un seul chasseur sur un mirador alors que les rabatteurs sont éloignés les uns des autres. Par contre, c’est tout le folklore et les coutumes qui se verront impactés. “Le gros problème de cette saison sera en rapport avec la distanciation sociale qu’il faudra observer. La chasse est se fait dans une ambiance de camaraderie, une occasion de se retrouver autour d’une passion commune dans une bonne ambiance. Ça va être une drôle de saison, une journée un peu tronquée, ça va casser le charme”, observe Jean-Pierre de Sornay, président de la Société des chasseurs de l’Île Maurice et directeur de chasse dans un chassé dans les environs de Grand-Bassin.
Nicolas Chauveau, président de la Mauritius Meat Producers Association et business manager en smart farming et hunting à Agria ltée, ex-propriété sucrière de Bel Ombre, abonde dans le même sens. “Pour nous c’est une activité économique mais pour les chasseurs, c’est une activité sociale où ils ont l’occasion de partager des histoires de chasse et de passer un bon moment entre passionnés. Ça va perdre de son charme cette année. On s’engage à faire ce qu’il faut pour la sécurité de tous et on espère que ça va retourner à la normale le plus rapidement possible. Pendant une réunion avec les autorités la semaine dernière, j’avais proposé qu’on fasse une évaluation semaine après semaine. On espère que les mesures vont s’assouplir.”
L’organisation.
Pour mettre en place les gestes barrières, il faudra toute une organisation. “Il va falloir plus de véhicules pour les chasseurs et les rabatteurs car nous ne pourrons pas mettre pas plus de 4 personnes par véhicule. Il faudra un masque pour tout le monde également et des hand sanitizers. Il faudra également s’organiser pour qu’il y ait un mouvement continu sur le lieu de partage, là où on éviscère et coupe le gibier”, indique Nicolas Chauveau.
Saison financière difficile
La saison risque d’être difficile sur le plan financier pour la centaine de chassés du pays. En effet, pour des raisons économiques dues à l’épidémie du Covid-19, beaucoup de chasseurs se sont désengagés de certaines chasses prévues et cette tendance risque de se poursuivre. “Les chasseurs peuvent être découragés en raison de la situation économique puisque tout le monde est dans le flou. Le chasseur risque d’être plus précautionneux avant de dépenser de l’argent dans cette activité. Il y en a qui se sont déjà désengagés et feront ainsi moins de chasses. Surviendra également le problème parce que beaucoup de personnes n’auront pas de congés facilement. Nous, qui organisons des parties de chasse chaque 3 ou 4 jours, ferons face à des désistements. Avec cela, il faudra également une réorganisation des parties de chasse, ce qui prend pas mal de temps”, confie Nicolas Chauveau.
Jean-Pierre de Sornay précise lui que les petits chassés ne font déjà pas de profits en temps normal. “Il n’y a pas un chassé qui fait des profits à Maurice. Ça coute cher, on paye un bail chaque année, il y a l’entretien du terrain, des miradors, les salaires des gardiens, entre autres. Parfois on est abandonné par le boucher à la dernière minute alors qu’on a déjà pratiqué la chasse. Il faut alors en trouver un autre et il demande une baisse des prix pour prendre la viande”, raconte-il.
Le braconnage en recrudescence.
Le braconnage a connu une recrudescence pendant le confinement selon nos interlocuteurs. “On se bat contre le braconnage depuis des années. Pendant le confinement, il y a eu une recrudescence. La loi a certes été endurcie depuis quelques temps à Rs 50 000 et 2 ans de prison mais je ne connais personne qui en a été inquiété. Les gardes-chasse ne se sentent pas en sécurité. Ils n’ont aucun scrupule à tirer sur un garde-chasse ou un propriétaire de chassé”, s’insurge Nicolas Chauveau. Selon Jean-Pierre de Sornay, plus de 30 tonnes de viande sont perdues chaque année à travers le braconnage. “C’est un vrai fléau à Maurice. Il faut qu’on les attrape sur le fait avec l’arme et l’animal abattu, ce qui est très compliqué.”
Infos pratiques
Le nombre de chasseurs enregistrés à la Société des chasseurs de l’Île Maurice est de 750. Il s’agit là de chasseurs de gros gibiers tels que le cerfs et le sanglier. Notons qu’il y a également des chasseurs de petits gibiers qui chassent le lièvre ou le faisant. Quant aux permis de chasse, ils sont délivrés par le Commissaire de police et renouvelable annuellement. Pour ceux qui chassent au fusil, il faudra également une fire arm licence.
Une partie de chasse coûte de Rs 10 000 à Rs 13 000. Notons que chaque chassé s’organise à sa façon pour la vente des produits de la chasse. Certains font venir un boucher, d’autres les mettent en vente dans des meat shops qui leur appartiennent et à des sociétés de revente alors que la viande est également vendue à des individus dans certains cas. À savoir également que les prix ne sont pas fixés mais tournent autour de Rs 180 le kilo pour le cerf avec carcasse. Sans os et sans peau, le prix est plus élevé.