Leur reprise de Tiombo Li La a créé le buzz sur les réseaux. Ravannes, maravanne, triangle, djembés, et autre roulèr célèbrent le séga traditionnel au sein de la formation Ravann Koze. Mercredi dernier, Scope a assisté une répétition à Poste de Flacq alors que les musiciens et chanteurs de cette formation se préparent à lancer un album de 8 titres.
Poste de Flacq. En ce début de soirée, alors que tout le voisinage du studio Ajda vague à ses occupations, l’ambiance commence à se réchauffer entre les musiciens venus de différentes parties du pays. Dans cet espace aménagé et insonorisé, dans un joyeux brouhaha musical Ravann Koze s’est réuni pour travailler son premier d’album qui sera bientôt lancé.
Aucun feu à l’horizon pour chauffer les ravannes. Exceptionnellement, pour les répétitions, les musiciens utilisent des ravannes synthétiques. N’empêche, les Ravann Koze ont la dextérité pour sortir des rythmes et des sons endiablés. Aucun doute, le sega tipik ils l’ont dans la peau. En effet, au travers de cette rythmique traditionnelle, ce groupe s’est surtout distingué par sa maîtrise à intégrer d’autres variantes issues des îles telles que le maloya de La Réunion et le sega tambour des Chagos. Frederick Triton précise à ce propos : “Il y a plusieurs façons de faire du sega tipik. Nous, nous avons longtemps évolué dans cet univers en jouant les morceaux écrits par les anciens. À notre tour maintenant d’apporter une nouvelle couleur à cette musique que nous voulons préserver de l’oubli”.
Ce dernier, ainsi que Hugo Joliy, Stevie Lagaieté, Ansley Michel, Jason Joakim, Lendy Carver, Rolando Geremie Froid, Deurvine Peronet et Samuel Dubois sont des ravaniers et musiciens professionnels depuis de nombreuses années. Des visages que le public a certainement croisés lors des festivals, concerts, entre autres collaborations avec des artistes locaux ou lors des prestations dans le circuit hôtelier. D’autres les ont découverts récemment sur les réseaux sociaux à travers une vidéo sur une reprise du morceau Tiombo Li La. Un teaser avec un but précis : d’une part révéler quelques indices sur la suite de leur aventure et deuxièmement, voir la réaction du public. “Il est important de construire et de consolider ce lien avec le public. Certains nous ont vus, d’autres ont entendu parler de nous. Me inn ler pou montre zot tou ki ravann la pann mor. Ki ravann pou koze la. Ek ki vre talan Ravann Koze”. D’ailleurs, le nom que le groupe n’a pas été trouvé au hasard “souvent quand nous sommes sur scène et que Hugo fait des solos, les gens se mettent à dire guet sa ravann la kuma koze dan so la me”.
Mercredi dernier Scope a pu entendre cette conversation que les neuf membres de Ravann Koze ont à travers la musique. La ravanne donne des frissons. Chaque mouvement des mains donne un ton, un rythme et une cadence. Les vibrations de notes parlent aux sens. Les musiciens misent aussi sur la présence d’autres instruments comme le roulèr, le djembé, l’indispensable triangle et la maravanne pour contribuer aux harmonies et aux mélodies afin de laisser une empreinte dans l’esprit et le coeur du public. Puis, ils subliment le tout par leurs voix tantôt puissantes tantôt éraillées un peu à la façon des anciens.
Une solide amitié. Un même objectif.
Il y a certes de l’expérience au sein de Ravann Koze. Mais ce qui frappe aussi, c’est leur solide connexion. C’est d’ailleurs ce lien très fort qui a donné naissance, il y a six de cela, à cette formation dont les membres viennent de Roche-Bois, Riche-Terre, Cité La Cure, Cité Vallejee, Cité Argy et Flacq. Parmi le dernier arrivé, Samuel Dubois, l’ancien élève de Menwar et de Kurwin Castel qui a joué au sein de Mauravann et de Lespri Ravann, apporte un nouveau souffle. D’autres comme Lendy Carver a fait partie de la troupe de Clarel Armelle, tandis que le leader, Hugo Joliy, n’est autre que le fils de Chérubin Bancoult interprète de Matiena 13an dan Chagos que tous les membres considèrent comme un mentor. Ansley Michel se souvient : “Il nous a poussés et encouragés à faire de la ravanne. Il nous a montrés comment exprimer des émotions. Ce projet album sera dans un sens à un hommage que nous lui rendons”.
La bande s’est fixée comme objectif de sortir l’album avant la fin de cette année. Il comprendra 8 morceaux dont Roule Roule Matant présenté en exclusivité à Scope. “C’est loin d’être facile car nous n’avons aucun sponsor. Les seuls à nous aider pour l’instant sont Elvis Heroseau, qui nous ouvre son studio d’enregistrement pour entamer l’étape de recording dès cette semaine, et Jeremy Alexis propriétaire du studio Ajda où nous faisons les répétitions”.
Côté style, du sega tipik ainsi qu’une partie en acoustique. “C’est regrettable à dire que sur plusieurs albums de sega vous entendez souvent le son au loin. Or, notre démarche sera complètement différente et nous utiliserons uniquement des ravannes en peau lors de l’enregistrement”. Pour aboutir au résultat souhaité, tous les membres ont apporté leur contribution à l’écriture des textes. D’autres vidéos seront prochainement postées sur leur compte Facebook afin de permettre au public “de suivre le travail autour de cet album et surtout de montrer qu’un musicien ou chanteur de sega tipik n’est pas là uniquement pour divertir et faire danser mais surtout de contribuer à la sauvegarde de notre patrimoine musical”, conclut Stevie Lagaieté.