En attendant qu’il ne soit anoblit en tant que digne successeur de Sir Arthur Conan Doyle, le Yan Flemming de Curepipe reste sur les traces d’Agatha Christie dans un style qui n’est pas sans faire penser à ce bon diable de Dan Brown. En John Berik, son personnage, il y a un des éléments de Sherlock Holmes, l’ADN de James Bond, des empreintes d’Hercule Poirot, le flair de Robert Langdon. Et, beaucoup de la personnalité et du génie de Pascal Lagesse. Le peintre-comédie-photographe-graphiste-vidéaste-etc. se fait une fois de plus romancier dans ce polar mauricien où humour, intrigues, rencontres, découverte et de grandes balades sur les routes et les mœurs, sont réunis à la manière d’un briani pour répondre à une question cruciale : ban kabri la kote ? John Berik, detektiv pou ti-dimoun, mène l’enquête en français et en kreol dans le premier tome de ses aventures qui a pour titre : Cabri, c’est fini.
« Fesse cassée. » Voilà de quoi vous traitera la vieille presque bicentenaire si vous ne savez pas que Gokoola, le village de cette pauvre Deewantee, amie de Mantee, la gromadam d’Amaury, se trouve dans le Nord entre Piton et Belle Vue Maurel. Pire, si vous êtes un ancien homme de loi devenu détective privé, et qu’à l’heure de Google Map vous passez encore de longues minutes à scruter à la loupe une carte de Maurice pour dénicher ce village, votre mère, Maud vous qualifiera aussi de « graine » et de « piaw », en vous rappelant que vous êtes « l’ancêtre des dinosaure. » Encore heureux qu’elle n’y rajoute pas avec des zoure mama et qu’elle ne vous balance pas un cinglant « gopia », sous prétexte que le syndrome de la Tourette peut excuser autant de grossièretés. Pour la précision, cette maladie neurologique se manifeste par des tics et parfois aussi une grossièreté involontaire chez certaines personnes, comme chez Maud, la mère du personnage principal du roman de Pascal Lagesse. En passant, voilà une piste qui pourrait expliquer comment d’honorables élus donnent l’exemple de la bonne entente et du respect d’autrui par des batchiara, gopia, tom deor, ripitit, si to piti tor pa, voler à l’Assemblée. Comme quoi les masques protègent du Covid, mais pas de la Tourette et de la bêtise.
Les X-Files.
Tchombo. Si nous ne mettons pas un sérieux aster-la mem en revenant vers le sujet de ce texte nous risquons fort de battre avec une borne plus loin. Assez fer ler et rentrons dans le vif du sujet : Imaginé par Pascal Lagesse, John Berik est un personnage de fiction où toutes ses ressemblances avec des personnes existantes est des plus volontaires. Le comédien, peintre, graphiste, photographe, vidéaste, réalisteur, ek en ta zafer enkor, replonge dans l’écriture pour conter les aventures de ce Detektiv pou ti-dimoun. Comme dans la série Cold Case, ce dernier ne s’intéresse qu’aux affaires mistran ou celles qui ont été mises de côté. Sinon, qui d’autres enquêterait sur la disparition des cabris de Deewantee, qui pour venir à Vacoas chez les Berik, s’est faite conduire de Gokoola par Samraj, le bolom à Pradiva?
Ainsi débute cette palpitante enquête à faire repartir par l’Orient Express les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie. En effet ; zistwar la pa sinp. Faut-il encore avoir le flair d’un vrai Sherlock Holmes qui aurait tronqué sa pipe contre des bonbon lamenthe pour se rendre compte que cette disparition de cabris et d’autres bestioles cache des choses nettement plus importantes. Tout comme la banale enquête sur la disparition d’une navette avait conduit James Bond à sauver le monde dans Moonraker en 1979. A côté, les flous autour des Rs 700m passées à la turbine et des masques qui coûtent la peau de l’arrière-train ne sont que du tiss-sat.
Elémentaire ma chère Tania, pardon, Gordon.
Coiffé de son éternel chapeau et sentant bon le Pivert, Berik, John Berik mène l’enquête aux côtés de son fidèle ami et homme à tout faire Gordon. Aucun lien de parenté précisé entre ce dernier et le Gentil collectionneur de Mon Goût qui a racheté la vieille MG de Maud. Gordon, c’est le Watson à Berik, le Robin de Batman, le Keto du Frelon Vert, la Tania à Allan. Son prénom anglais, John (pas Allan) s’explique de manière trop cocasse au fil d’une histoire chargée d’anecdotes inspirées de la réalité à laquelle on se réfère facilement. Comme dans les romans de Dan Brown.
D’emblée, si les amateurs veulent se laisser prendre au jeu des pistes ils pourront toujours, répliquer le phénomène qui a succédé à la sortie de Da Vinci Code et refaire le trajet de leur héros après avoir photocopié une carte chez Mexico à Vacoas. En effet, Pascal Lagesse nous fait visiter Vacoas, Rose-Hill, aller manger un Moon Fan au Ciel Bleu de China Town, traverser l’ancienne route qui passe par Ste Croix, longer les barrières du Jardin de Pamplemousses pour aller jusqu’au Nord où sont aussi cités Triolet, Goodlands, Poudre d’Or, Rivière du Rempart. On remonte aussi vers Reunion, l’ancienne sucrerie transformée en usine de textile dont les jardins abritent désormais un supermarché. On se retrouve à Floréal et dans un tas d’autres endroits. En route on reconnait les baz min, les quincailleries, les pâtisseries, la manière de faire des gens, nos bonnes et nos mauvaises habitudes et tout ce beau galimatia qui rend notre quotidien si unique qu’elle mérite d’être racontée.
Apiye-sofer-douz-farata
Pascal Lagesse s’offre sans compter dans ce roman pas comme les autres. Un livre qui vous souk votre attention comme le ferait un bonom sounga sans même crier tension-ta une fois les yeux posés sur les premières lignes. Nous voilà en mode apiye-sofer-douz-farata pour explorer cette intrigue où les occasions sont drôles, dramatiques, tendues. Un voyage parsemé de belles images où le parallèle avec ce style naïf, coloré, joyeux qui distingue les tableaux de Pascal Lagesse est rapidement fait. Le même souci du détail, une perpétuelle mise en perspective pour mieux faire apprécier les paysages et de l’authenticité. John Berik , Detektiv pou ti-dimoun : Cabri c’est fini est finalement un beau tableau qui s’ajoute à sa riche collection.
Vous trouvez le titre long ? Et que dire alors de Petites histoires qui font sourire, peut-être rire ou pourraient vachement plomber l’ambiance ? Tel est le titre de son premier livre publié en 2018. Le petit-fils de Marcelle Lagesse (dont la maison de Coromandel est citée dans John Berik) explique qu’il devait attendre le départ de cette dernière et de son père pour publier les petites histoires de ses tiroirs pour échapper à leur jugement. Qui sait ? Ils auraient apprécié ou sinon ils lui auraient foutu une baise. Il n’a pas voulu prendre de risque. Capon.
Créer pour sourire.
Du classique, à travers, entre autres, des tableaux au couteau, Pascal Lagesse avait finalement permis à sa peinture d’évoluer vers ce genre qui reflète le mieux l’intensité de sa pensée. Un style sans nom qui, pour ne pas être qualifié de fay batar, a été baptisé : Zafer. L’image qu’il projette du grobonhom kler-kler ki kontan rier, ne dit pas tout de Pascal Lagesse. L’homme emmagasine et vit intensément, voire, excessivement les émotions qu’elles soient joyeuses ou sombres. L’art, sous ses différentes formes lui est un exutoire ; une thérapie parallèle pour celui qui vit avec la dépression depuis 20 ans et qui a choisi d’en parler ouvertement comme pour s’exorciser des démons du silence et des non-dits.
Cette bonne humeur propagée avec autant de générosité est sa façon à lui de masquer des couleurs moins joyeuses qui refont parfois surface. Dans ce perpétuel processus de création l’écriture d’un nouveau livre s’est imposée il y a quelques mois. Pascal Lagesse voulait d’un polar, d’une écriture qui intégrerait le monde des zafer et qui donnerait l’occasion à cet amoureux de son pays de lui offrir une ode autrement. D’où cette belle balade en Vauxhall racontée en français mauricien et en kreol. En effet, dans ses phrases et expressions Pascal Lagesse a opté pour la saveur locale. Un choix qu’il assume pleinement et sans le moindre complexe puisque son histoire est bel et bien Mauricienne. A l’image de sa personnalité elle reste ouverte, prête à embarquer avec elle quiconque souhaiterait être du voyage.
Pa mor gopia.
Par ailleurs, essayez de traduire « gopia » et vous verrez. Le kreol comporte des mots et des expressions intraduisibles, inexplicables dans une autre langue, étincelants comme le glacable d’un napolitaine et piquant comme un sive ti-vites. D’où le choix d’en faire un roman bilingue. Là où d’autres sont à tik-tike quant à l’introduction (officielle) du kreol au Parlement et quant à la reconnaissance définitive de la langue mauricienne l’auteur opte naturellement pour la graphie fixée dans le dictionnaire de kreol morisien. A ce niveau l’appui de Gérard Ahnee lui a été des plus précieux. Robert Furlong a pour sa part été son « Petit Robert », tandis que le soutien de son épouse, Carol Lamport, lui a permis de traverser ce nouveau cap.
John Rambo, si ou pa ti koner, est un personnage créé par David Morrel dans le roman First Blood en 1972. Dix ans plus tard le personnage était joué par Sylvester Stallone au cinéma. Il y a fek, soit en 2019, le cinquième opus de la saga mythique sortait en salles. John Berik a été construit à la manière d’un film… Ki kone aster ? Surtout que Cabri, c’est fini n’est que le tome 1 de ses aventures.
Comment traduirait-on le I will be back à la manière de Terminator en kreol ?