Psychologue clinicienne, Manon Luigi, 30 ans, est particulièrement sensible au sort des animaux. Plus précisément envers ceux qu’elle a baptisés “Maurichiens et Maurichats.” Elle a fait du problème d’animaux errants son cheval de bataille en lançant la campagne Moris steriliz ou zanimo qui vise à récolter des fonds afin de les stériliser. Rencontre avec cette férue de la cause animale.
Rencontrée au refuge pour chiens Indie’s World à Baie du Cap, Manon Luigi est dans son élément. Rayonnante de simplicité, elle arbore un beau sourire alors qu’une vingtaine de chiens l’entourent. L’osmose entre les bêtes et la jeune femme est belle à voir. L’un d’eux a intégré le refuge en février. Il s’agit de Whity que Manon Luigi a sauvé alors qu’il était dans un piteux état. Elle l’a recueilli en début d’année et soigné avant de le placer dans ce refuge géré par Cindy Eschylle. “Whity était sans vie, il était très malade. Il venait plusieurs fois devant chez moi à Beau-Bassin. J’ai dit à mon copain que j’avais envie de le sauver parce que cela me peinait de la voir dans cet état. Le lendemain il est venu devant ma porte, il est entré. Je l’ai nourri, l’ai emmené chez le vétérinaire puis Cindy a bien voulu le récupérer dans son refuge pour continuer pour le soigner.”
Crowd funding.
De retour à Maurice il y a un an et demi après 10 années passées en France, Manon Luigi a décidé de prendre les choses en main pour régler le problème de chiens errants. “J’ai été dans plusieurs associations à l’instar de L214, l’association vegetalienne de France, Sea Shepherd, l’association de Brigitte Bardot et le Collectif animalier du 06. Quand je suis rentrée à Maurice je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose. Je ne pouvais plus supporter de voir autant d’animaux malades et livrés à eux-même dans la nature. Mes dix années passées en France m’ont permise de voir les choses différemment. Nous sommes tellement habitués à voir des chiens errants ici que c’est devenu commun de les voir.”
Depuis deux mois, elle a ainsi lancé la campagne Moris steriliz ou zanimo. Celle-ci comprend en premier lieu un crowd funding qui vise à lever des fonds qui lui permettront de démarrer une campagne de sensibilisation à travers des panneaux publicitaires à travers l’île. Les détails sont sur la page Facebook Moris steriliz ou zanimo. “Le but de ce premier crowd funding est de payer l’impression de panneaux publicitaires pour une campagne de sensibilisation qui durera une semaine. J’espère récolter les Rs 90 000 nécessaires pour en avoir une soixantaine. Une autre fera le tour du pays pendant 3 semaines. Je veux que les gens se rendent compte que ce n’est pas qu’aux associations de faire cela. Tout le monde a sa part de responsabilité. Nous sommes en bonne voie puisqu’il ne nous manque qu’environ Rs 30 000.” Elle soutient que la campagne suscite déjà beaucoup d’intérêt. “Ça fait deux mois que j’ai créé la campagne et j’ai déjà énormément de demandes. Il y a eu un intérêt, j’ai eu beaucoup de questions. Je trouve aussi qu’il y a énormément de Mauriciens qui souhaitent aider mais qui ne savent pas comment faire. ”
“J’ai envie que cette campagne s’étale sur des années.”
Aussitôt cette première étape terminée, une autre récolte sera entamée pour trouver les fonds nécessaires pour débuter la campagne de stérilisation. “Elle concernera les chiens errants qui n’ont pas de maître. À savoir que sur plus de 80 000 chiens errants quelque 300 000, ont des propriétaires. Nous avons également prévu un spectacle éthique, préparé par Noémie Barragan qui a créé le refuge de l’Arche de Noé a gros cailloux, pour récolter des fonds. J’ai envie que cette campagne s’étale sur des années. Je lance d’ailleurs un appel aux entreprises pour qu’elles soutiennent la démarche.”
Certaine du bienfondé de son projet, elle fait un parallèle avec la légende du colibri.“Comme le colibri, j’amène mes petites goutes d’eau même si ça n’éteint pas le feu tout de suite. Ensuite, il y aura de plus en plus de colibris.” Pour elle, la stérilisation est la meilleure solution pour régler le problème de chiens et de chats errants à Maurice. D’autant plus que les familles d’adoption se font de plus en plus rares et que les ONG et les refuges sont déjà débordés. “Ça a marché dans plusieurs pays, c’est la seule solution qui évite tout type de maltraitance envers les animaux. Le catch and kill que le gouvernement a fait ne fonctionne pas et il y avait beaucoup de maltraitance.” Pour elle, les campagnes d’avant ont connu des lacunes : “Je pense qu’il n’y a pas eu assez de sensibilisation, les ONG ont fait comme elles peuvent et elles n’ont pas beaucoup de moyens.” Elle pointe aussi du doigt la Mauritius Society for Animal Welfare (MSAW). “La MSAW est supposé faire ce que je fais aujourd’hui.”
“Des Maurichiens et des Maurichats.
Manon Luigi passe beaucoup de son temps à sauver des “Maurichiens et des Maurichats. Ce sont devenus des races à part entière”, dit-elle. La psychologue clinicienne leur permet parfois d’aller dans des familles d’accueil en attendant qu’ils ne soient adoptés.
Mise à part son amour indéfectible pour les animaux, Manon Luigi adore son travail. Spécialisée en traumatismes, post-traumatiques, phobies et troubles anxieux en général, elle vit chaque apaisement comme une victoire. “J’adore mon travail, quand je termine une thérapie et que j’arrive à permettre à quelqu’un de sortir d’une dépression, je ressens une grande satisfaction. Ça me nourrit, ça nourrit mon âme, ça donne un sens à ce pourquoi je suis là.” Par contre, elle confie devoir se vider après ses journées de travail bien remplies. “Je suis confrontée à énormément de souffrances toute la journée avec mes patients. Je dois pouvoir me vider moi aussi. C’est compliqué quand vous êtes psychologue et que vous voyez 8 patients dans la journée. Je suis toujours à fond dedans, après je suis vidée et je n’ai plus d’énergie. C’est la méditation qui me permet de me recentrer, d’avoir des pensées positives. Pour moi c’est un outil extraordinaire que je recommande à tout le monde.”
“Il faut se reconnecter aux choses simples.”
Manon Luigi pratique du air yoga et pratique beaucoup de sport. Elle faisait du CrossFit jusqu’à tout récemment mais a dû arrêter en raison d’un problème au genou. Néanmoins, elle continue à pratiquer des exercices physiques. “J’ai un conjoint qui est coach sportif et préparateur physique, ça aide beaucoup. Je suis un peu hyperactive, je fais plusieurs choses en même temps. Je suis en couple avec quelqu’un qui est un peu comme moi.” Elle est également férue de danse. “J’aime la danse, j’ai fait une année dans l’école de danse professionnelle de Cannes-Mougins Rosela Hightower en France avant de me tourner vers la psychologie. C’est très compétitif et je n’aime pas la compétition.”
Par ailleurs, elle est très attirée par la nature. “J’adore faire des randonnées, découvrir de nouveaux paysages, on a une île magnifique avec beaucoup d’endroits à découvrir. Nous sommes sur nos écrans, trop dans l’égoïsme, à la recherche de l’argent, il faut se reconnecter aux choses simples.” Elle fait également beaucoup de jardinage. “J’adore planter des légumes, des fruits, je peux passer des heures au jardin, c’est très thérapeutique.” Par ailleurs, elle est devenue végétalienne depuis 10 ans. “J’ai été sensibilisée à ce qui se passait dans les abattoirs, je n’ai plus voulu participer à ça, j’ai eu une prise de conscience.”