Ce village, elle l’a connu puisque sa famille y avait une maison. En Allemagne, où elle vit, elle s’était remémoré le paisible paysage vert et bleu pour en faire la toile de fond de cette histoire qu’il fallait qu’elle laisse sortir. Il y avait en elle un trop-plein d’émotions. Entre le bruit du vent dans les filaos et celui dans vagues sur la plage blanche, il lui fallait faire entendre autre chose pour ramener les indifférents vers la réalité, afin qu’elle puisse retrouver la sérénité.
Au moment de commencer l’écriture de son manuscrit Priya Hein était : “en colère, énervée, émue”, parce que le drame de George Floyd l’avait touchée. “En même temps, je ne comprenais pas l’indifférence qu’affichaient certains autour de moi.” Entre-temps, le monde se mobilisait pour dire que Black lives matter après qu’un policier ait provoqué la mort de cet américain le 25 mai 2020 à Minneapolis devant des caméras des passants. Dans son coin la Mauricienne se sentait “hantée” par ces sentiments qui l’envahissaient et dont il fallait qu’elle se libère.
Le Bank Holiday lui avait offert un long week-end. Priya Hein s’était mise dans le grenier familial et avait canalisé ses émotions dans une forme d’écriture à laquelle elle ne s’était pas essayée jusqu’ici. “J’étais comme possédée, j’écrivais jusqu’à 18 heures par jour.” Pour l’auteure et illustratrice qui avait construit sa réputation à travers une douzaine de livres destinés au jeune public, la transition fut aussi inattendue que brutale. “On m’avait dit qu’il fallait se conformer, surtout quand tu es une femme immigrée”, se souvient l’auteure mauricienne qui a vécu dans plusieurs pays à différents moments de sa vie. Cette fois-là, alors que “je n’avais rien planifié”, elle avait changé les règles pour s’aventurer dans une écriture expérimentale, “non-conformiste.” L’histoire prit le nom de Riambel.
Elle raconte Noémie, fille du village, confrontée aux hommes, à la société, au racisme, puisqu’elle est descendante d’esclave et confrontée à des questions. Dans ce roman, dont l’inspiration lui était venue des émotions qu’elle vivait, Priya Hein avait crié sa part de vérité. “Une fois que ce fut fait, je m’étais sentie libérée. Je n’avais pas de projet particulier pour ce manuscrit. Je m’étais dit qu’il serait lu par mon mari et ma fille, et j’en aurais été satisfaite.”
Diplômée en Law with French LLB (BA Hons) de la Manchester Metropolitan University et de l’Université Robert Schuman, IEP Strasbourg, elle est détentrice d’une maîtrise en International Politics and Law de l’Université Libre de Strasbourg, d’un bilingual Master’s Degree (MA) en International Politics de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Elle avait aussi été choisie comme auteure émergente de Maurice pour l’International Writing Program’s Women’s Mentorship Project, du Bureau of Educational and Cultural Affairs du Département d’état des États Unis en collaboration avec l’Université de l’Iowa. Dans ce cadre, elle avait été sous le mentorship de Shenaz Patel.
Alors que plusieurs de ses publications ne sont plus disponibles en librairie, Priya Hein n’avait aucun projet pour son premier roman écrit en anglais jusqu’à ce qu’elle s’intéresse au Prix Jean Fanchette. Là encore, pour une raison particulière : “Ma participation était pour qu’éventuellement cela me donne l’occasion de rencontrer Jean-Marie Leclézio, dont je suis un grand fan.” Elle confia la traduction de Riambel, en français, à Haddiyyah Tegally qui avait aussi été bénéficiaire du Mentorship project.
Sous la présidence du Prix Nobel de Littérature, Riambel a été sacré par le jury. Ce qui a ramené Priya Hein sous la lumière deux semaines après sa participation au Festival du livre de Trou d’Eau Douce. Les choses se sont rapidement enchaînées . À travers JMG Leclézio et son agent, entre autres, de prestigieuses maisons d’édition se sont intéressées au manuscrit qui a déjà trouvé preneur. Riambel progresse sur la bonne voie et s’ajoutera prochainement à la bibliographie de l’auteure qui profite en ce moment du temps ensoleillé de Rivière Noire.
Face à la mer, la Mauricienne reprend des couleurs, continue à accompagner Riambel et travaille sur ses autres projets littéraires, confiante que la situation incertaine que traverse le monde finira par évoluer d’une manière ou d’une autre.
Créatrice de Féno le Dodo, de l’ours bleu ou encore de Ti Solo, Priya Hein s’est mise à l’écriture quand elle s’était rendue compte que les histoires qu’elle lisait finissaient trop rapidement et qu’il n’y avait plus suffisamment de livres pour épancher sa soif de lecture. “Lire était pour moi un geste vital comme la respiration.” Il ne lui restait qu’une solution : écrire ses propres histoires. Elle avait alors 11 ans. Rentrée à Maurice de Londres quelques années auparavant l’enfant avait du mal à communiquer avec les autres puisqu’elle parlait principalement anglais, kreol et débutait son apprentissage du français. “Écrire était devenue ma façon de m’exprimer.” Enid Brighton, les auteurs et héros pour jeunes de cette période semblaient lui avoir inculqué la liberté de rêver et de s’envoler dans les grandes aventures. “J’avais commencé à écrire parce que c’était un besoin. Aujourd’hui, j’écris parce que ça fait partie de moi.”
À 16 ans, accompagnant ses parents, elle était de retour en Europe pour terminer ses études secondaires et entamer des études universitaires qui lui ouvrirent les portes sur de grands projets et le monde professionnel. Sa fille avait 3 ans lorsqu’elle était venue à Maurice où elle nota qu’il n’y avait pas de livre pour enfants parlant du Dodo. Et c’est ensemble qu’elles conçurent un premier projet qui donna suite à plusieurs autres publications pour divertir les enfants et aider à leur épanouissement. Les livres et manuels illustrés dans les différentes langues qu’elle manie s’inspirent souvent de Maurice et même de Rodrigues parce que pendant qu’elle parcourt le monde elle reste toujours consciente de ses origines. S’enrichissant des différentes cultures côtoyées Priya Hein prend de l’épaisseur alors qu’elle est associée à plusieurs manifestations et projets littéraires dans différentes parties du monde.
Bibliographie
Ti Solo Grand héros
Can children fly? / Est-ce que les enfants volent?
Can children fly? / Eski zanfan kapav anvoler?
Can children fly? / Können Kinder fliegen?
Under The Flamboyant Tree / Sous le Flamboyant
Blue Bear / Blaubär
Nounours Ble / Blue Bear
Feno Le Petit Dodo – (2nd edition)
A Little Dodo Called Feno – (2nd edition)
Little Dodo’s ABC Book
Ein Kleiner Dodo namens Feno
Feno the Dodo’s Rainy Day Picnic
Feno Le Petit Dodo et Le Pique-Nique Sous La Pluie
We Mark Your Memory: Indentured Labour Anthology
99 Sirandanes À Siroter
Jouissances et Réjouissances
Adventurous Holidays/Vacances Extraordinaires/Konzé San Repo
Ki Pase La?